Récoltes de fruits: quand les demandeurs d'asile remplacent les saisonniers étrangers au temps du coronavirus

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Ali Nizam. Libanais, demandeur d'asile et cueilleur de fraises dans le Limbourg.
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Pour Rudi Boermans, faire travailler les demandeurs d'asile, c'est du "Win-Win".
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Caroline, étudiante, travaillait dans l'Horeca. Sans rien, elle cueille aujourd'hui des fraises.
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Sept heures du matin à Heusden-Zolder, dans le Limbourg. Les premières fraises sont détachées délicatement, les premières myrtilles posées dans les paniers prêts à être acheminés dans les commerces d’une partie du pays. Chaque année, Rudi Boermans produit 500 tonnes de fraises et 100 tonnes de myrtilles. A cette période de l’année, il accueille pour trois ou quatre mois près de 80 travailleurs étrangers. Des Bulgares, des Polonais ou encore des Roumains.

Mais cette année, pas de Polonais, ni de Roumains et seulement quelques Bulgares car les frontières sont fermées. "Nous devions trouver une solution. Sinon, notre entreprise allait à la faillite", explique Rudi Boermans. "Nous avons donc nous-mêmes financé les billets d'avion car ils n'ont pas les moyens financiers de le faire. Et ces gens sont arrivés par avion à Eindhoven. Nous les avons récupérés en voiture. Deux par deux. On a dû montrer tous les papiers nécessaires à la frontière. De cette manière, on a pu faire venir 15 Bulgares pour venir jusqu'ici."

Il faut dire que chaque année, quelque 60.000 saisonniers, principalement de la main-d'œuvre étrangère, sont appelés en renfort dans les exploitations agricoles et horticoles du nord du pays, dont 20.000 à 25.000 pour le seul mois de mai.

Assouplissement des règles

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Pour Rudi Boermans, faire travailler les demandeurs d'asile, c'est du "Win-Win". - © RTBF

Faute d'étrangers, Rudi et ses collègues du secteur ont obtenu du gouvernement des assouplissements pour faire travailler des chômeurs ou des demandeurs d'asile. "Des mesures de soutien ont été adoptées ces derniers mois tant au niveau fédéral que flamand. Des contacts ont notamment été pris avec des pays comme la Roumanie, la Pologne et la Bulgarie pour faciliter la venue de travailleurs saisonniers dans notre pays. Les chômeurs temporaires, demandeurs d'emploi, allocataires sociaux et étudiants ont également été incités à donner un coup de main dans les exploitations" indique le syndicat agricole Boerenbond.

Ali Nizam est Libanais. Il vit dans un centre d'Asile à quelques kilomètres. Il souhaite des papiers et de l'argent pour pouvoir faire venir sa famille. "J'aime ce boulot. Dans mon pays, je faisais déjà pratiquement la même chose. Mes parents étaient actifs dans le secteur des olives et du tabac. Je l'ai déjà fait avant."

8,5 euros de l'heure contre 7,8 euros la semaine

Pour 8,5 euros nets de l'heure, presqu'aucun Belge ne se déplace. Mais pour Ali qui ne touche 7,8 euros par semaine dans le centre d'Asile, cette rentrée d'argent, c'est une nécessité. "En Avril, j'ai travaillé six jours et j'ai pu obtenir 425 euros. J'espère pouvoir travailler un peu plus de jours pendant ce mois de mai.

Aujourd'hui, Rudi Boermans compte 55 cueilleurs mais il lui en manque encore une vingtaine. Engager des chômeurs à temps partiel ? Difficile, d’après lui : "On a toute une série de chômeurs qui sont venus à la suite du coronavirus. Mais ils ne peuvent travailler que sur du court terme. C'est compliqué pour nous car nous devons déjà les former pendant dix jours. Et parfois, après deux ou trois semaines, ils repartent travailler car ils ont retrouvé du boulot."

Eric, Caroline et les autres 

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Caroline, étudiante, travaillait dans l'Horeca. Sans rien, elle cueille aujourd'hui des fraises. - © RTBF

Eric Baupda, lui, vient du Cameroun. Indépendant dans le secteur du transport, il est à l'arrêt forcé à la suite de la crise. S’il bénéficie du droit passerelle, il est ravi de pouvoir se rendre utile : "Je suis quelqu’un qui aime toujours travailler et je n’aime pas rester sans rien faire. Et cela me fait du bien plutôt que de rester à la maison. Dans mon secteur, je travaillais du lundi au lundi. Donc, rester deux mois sans rien faire, cela me rendait fou. Donc, j’étais très content de trouver le moyen de travailler ici."

Caroline Jacquette est aussi camerounaise. Elle travaillait dans l'Horeca. Mais avec la crise, tout s'est arrêté. Etudiante en parallèle, elle a fait le choix de la cueillette : "Ce n'est pas si facile comme travail. Mais bon, c'est mieux que de rester à la maison et ne rien faire. Cela me détresse. Et je suis heureuse de voir tous ces fruits, tout rouges. C'est vraiment beau à voir."


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"Selon les dernières informations, les exploitations agricoles disposent de la main-d'œuvre nécessaire", dit-on au Boerenbond, où l'on suit la situation de très près, alors que davantage de main-d'œuvre sera nécessaire en juin. Le syndicat agricole flamand espère que les mesures initialement prévues jusqu'à la fin du mois de mai seront prolongées au moins jusqu'en août. Actuellement, seuls un peu plus de 8000 saisonniers étrangers sont présents en Belgique, au lieu des 25.000 dont les agriculteurs et maraîchers ont besoin en ce moment.

La semaine prochaine, dix nouveaux demandeurs d'asile seront testés par Rudi Boermans. Avant, peut-être d'être formés et employés pour les récoltes.