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Harcèlement sexuel à la police : jusqu'à la fuite en Allemagne
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Harcèlement sexuel à la police : jusqu'à fuir en Allemagne

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Elle a quitté la Belgique pour mettre de la distance avec celui qu’elle accuse de harcèlement moral, harcèlement sexuel et violence au travail. C’est donc en Allemagne, dans un petit village de Rhénanie, que les équipes d’Investigation ont rencontré Elisabeth Moulin. "J’ai déménagé en Allemagne. Pas en France. Pas à Verviers ou à Malmedy. Le milieu de la police est tout petit. Et en fait j’ai peur encore aujourd’hui".

Des dessins de pénis sur une photo privée

Les déboires d’Elisabeth commencent dès son entrée en fonction au commissariat de proximité à la zone de police Montgomery à Bruxelles. "Au début tout se passe très bien. Je suis bien accueillie par les collègues. Puis un jour, en arrivant à mon bureau, je constate que la photo de mon petit ami que j’ai mise près de mon ordinateur, que cette photo est remplie de pénis dessinés au marqueur indélébile". Elisabeth apprend rapidement que ces dessins de mauvais goût sont le fait de son supérieur hiérarchique. Elle lui fait part de sa désapprobation et c’est le début de l’engrenage.


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Les relations entre Elisabeth et son supérieur se détériorent. Ce dernier refuse de lui adresser la parole. Et lorsqu’il le fait, les insultes fusent. "Je vis tellement mal la situation que je décide d’aller voir la psychologue de la zone et au contrôle interne. L’inspecteur principal prend très mal la chose. Il me traite de connasse, de pétasse. Que si j’avais été sa fille, j’aurais reçu une baffe dans la gueule".

Une note de fonctionnement mais aucune sanction

Le policier est finalement entendu par sa hiérarchie. Il reconnaît avoir dessiné des phallus sur une photo appartenant à Elisabeth. Mais il justifie son geste en expliquant qu’il s’agit d’une blague.

Quant aux insultes, il estime que la policière lui aurait manqué de respect et qu’il s’agit dans son chef d’une réaction adaptée. Pour ces comportements, l’inspecteur principal écope finalement d’une note de fonctionnement, soit un simple rappel à l’ordre. Tout au plus doit-il déménager son bureau à un autre étage que la plaignante et limiter au maximum ses contacts avec elle.

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Un long combat judiciaire

Face au manque de réaction de sa hiérarchie, Elisabeth accepte d’être transférée dans un autre service. Mais le choc traumatique est tel qu’elle finit par tomber en incapacité.

Dans le même temps, la policière saisit la justice. L’inspecteur principal et la zone de police sont condamnés pour harcèlement moral et violence au travail. Ils sont finalement blanchis en appel, le tribunal estimant que les dessins de pénis sur des photos privées, s’ils sont de mauvais goût, ne sont pas pour autant constitutifs d’un fait de harcèlement.

Mais une autre procédure judiciaire, en accident de travail, va bientôt être jugée à Liège. Le tribunal du travail va devoir déterminer si les insultes et dessins à connotation sexuelles du policier sont constitutifs d’un accident de travail.

Pour Gaëlle Crabbé, juriste au SLFP, le principal syndicat de police du pays, "la justice ne prend pas suffisamment à bras-le-corps la problématique du harcèlement. Notamment à cause du manque de moyens dont elle dispose".

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Un harceleur présumé qui nie tout en bloc

Parce qu’une procédure judiciaire est toujours en cours, nous décidons d’aller à la rencontre du policier mis en cause par Elisabeth. "Il a été démontré que je n’avais rien à voir avec toutes ces accusations", nous déclare le policier.

Quant aux dessins de phallus sur une photo privée appartenant à une policière sur laquelle il a autorité, l’homme nie tout en bloc. "Il y a simplement eu un amusement. Je n’ai jamais harcelé cette dame". Et le policier d’assurer qu’il n’est pas un "Harvey Weinstein".


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Inapte au service

Avec les nombreux jours de maladie accumulés, Elisabeth a été déclarée inapte au service. Elle est aujourd’hui pensionnée et toujours traumatisée par son expérience à la police. "Ce sont tout de même des choses graves que de se faire agresser sur son lieu de travail. On entend plein de choses à la télévision avec le mouvement #Metoo, 'Balance ton porc'. Mais qu’est-ce qui se passe véritablement à la police pour les femmes qui sont dans ma situation et qui veulent faire reconnaître du harcèlement ? Je pose la question".


Harcèlement à la police : le grand malaise. Un reportage d’#Investigation à retrouver ce mercredi 27 mai sur la Une TV et sur Auvio.