Le trio assoiffé qui pillait le Calaisis
by Édouard OdièvreTrois Calaisiens, deux frères et une femme plus âgée, ont multiplié les vols à Marquise, Guînes, Licques, Les Attaques, Andres, Recques-sur-Hem… tout au long de l’année 2018.
C’est la traditionnelle histoire de la pelote de laine que les gendarmes ont déroulée. Tout commence dans la nuit du 15 au 16 novembre 2018, au Relais des Attaques. La vidéosurveillance montre une femme vêtue de rouge qui s’acharne, sans succès, sur la porte avec un pied-de-biche.
Les gendarmes l’identifient vite, grâce à un tuyau des policiers calaisiens. Le 30 novembre, les enquêteurs la relient à une autre tentative de vol à Emmaüs, toujours aux Attaques. S’ensuit un travail de fourmi des gendarmes, qui identifient 19 vols dans lesquels elle serait impliquée, le plus souvent avec un jeune Calaisien et son petit frère mineur. Le 25 mars 2019, jugeant avoir assez d’éléments, les gendarmes arrêtent les suspects. La femme se met tout de suite à table, les frères commencent par nier avant de reconnaître une partie des faits…
l’ennui vu de Longuenesse
Et puis le dossier s’enlise. Le jeune homme et sa complice devaient être jugés en juin 2019, mais trois renvois successifs reportent le procès aux calendes grecques… et en pleine crise du coronavirus. Entre-temps, le suspect est incarcéré depuis plus d’un an à Longuenesse pour d’autres faits.
L’autre prévenue comparaît libre quand l’audience a fini par se tenir, le 19 mai 2020. Devant un tribunal interdit au public et des juges et avocats masqués, le prévenu apparaît en visioconférence. Il est laconique au mieux, fatigué surtout, souffle bruyamment par intermittence, ricane parfois sans raison apparente. « On vous voit monsieur, et on vous entend aussi bailler et rigoler depuis le début de l’audience ! » gronde le ministère public, qui n’en loupe effectivement pas une miette, placé juste à côté de la télévision qui retransmet les images depuis Longuenesse.
Son impatience s’explique, on lui reproche 16 vols ou tentative de vols, plus 19 qui sont reprochés à madame, les énumérer prend du temps. Du vol de whisky dans les rayonnages d’Intermarché aux Attaques – deux fois en janvier, deux fois en décembre –, des cartons d’alcool au Carrefour contact de Licques – trois fois –, du vol d’argent liquide et de jetons dans des stations de nettoyage automobile à Guînes, Licques et Marquise…
Un abonnement aux clubs
En quatre occasions, ils ont frappé des clubs de sport et autres équipements municipaux. Fin janvier 2018, ils ont dépouillé le club de Basket des Attaques, fauchant un caméscope, un ordinateur portable, deux cafetières et de la nourriture, pour 5500 euros de préjudice. Ce sera, de loin, leur plus « gros » coup.
En fin d’année, c’est le club de football de Licques qui reçoit leur visite, une télévision et des boissons disparaissent. En novembre, c’est au tour du club de football de Recques-sur-Hem et à la fin du même mois, le local des associations d’Andres se fait dérober… du mousseux.
La femme servait surtout de chauffeur : elle était la seule à être motorisée. Comment cette mère célibataire de 35 ans, avec trois enfants à charge, s’est-elle retrouvée impliquée dans d’aussi pathétiques vols à l’étalage ? « Par grande précarité, explique son avocate, elle a fait une mauvaise rencontre et a plongé dans l’alcoolisme… Et elle avait, pour la première fois de sa vie, le sentiment d’appartenir à un groupe ! »
« S’ils ont pu aller dans la cambrousse calaisienne – pardon, dans les petits bourgs avoisinants —
c’est grâce à elle ! »
Le ministère public ne s’apitoie pas si facilement : « C’est une situation sociale difficile, mais la plupart du temps ils ne volent pas de la nourriture, mais de l’alcool ! » La défense de monsieur, elle, ne voudrait pas qu’on réserve à son client le mauvais rôle : « On part du principe que madame est une sainte, mais s’ils ont pu se rendre partout dans la cambrousse calaisienne – pardon, dans les petits bourgs avoisinants — c’est grâce à elle ! » Peu sensible aux efforts de son avocate, le prévenu laisse échapper un nouveau soupir d’ennui… « Je crois que monsieur s’impatiente », commente le président.
On en finit donc sur les réquisitions : 10 mois de prison avec sursis pour madame, 15 mois ferme avec mandat de dépôt pour monsieur. La seule partie civile, la commune des Attaques, réclamait 8510 euros de préjudice, mais n’a pas voté la délibération dans les temps : elle est donc déboutée de sa demande. Délibéré prévu le 2 juin.
Dans l’attente du délibéré, nous ne donnons pas l’identité des prévenus.