La Bourse de Casablanca renaîtra-t-elle de ses cendres ?
by Afifa DassouliAvec l’arrêt de l’économie imposé par la crise du Covid 19, on n’entend plus parler de la Bourse de Casablanca !
Ce n’est pas pour dire que c’était le cas avant, car celle-ci n’a pas décollé malgré la grande réforme dont elle a bénéficié, la restructuration des compartiments de son marché, sa démutualisation, le changement de son management et récemment, de son Directeur Général…
Pourtant, les marchés financiers jouent un rôle très important dans les périodes de crise, parce qu’ils traduisent et interprètent la confiance des entreprises cotées, des investisseurs et des épargnants.
Mais aussi des politiques, et ce n’est pas pour rien que le Président des États-Unis, M. Trump, tient à la santé et au bon comportement de Wall Street.
En effet, l’on a pu constater qu’alors que le nombre de chômeurs ne cessait de croître à plus de 36 millions et que l’avènement d’une récession économique sans précédent s’installait aux USA, l’indice S&P 500, qui regroupe les 500 plus grandes sociétés a encore pris plus de 26%, en mai, au-dessus de son niveau d’avant la crise sanitaire, soutenu par son optimisme d’une reprise rapide de l’économie américaine.
Les bourses européennes ayant également résisté à un certain moment, les Bourses mondiales n’ont jamais été aussi chères depuis l’an 2000, confirmant ainsi le principe qu’elles ne sont pas l’économie réelle !
Car le phénomène baissier a fini par s’inverser, et les bourses mondiales sont reparties à la hausse après avoir accusé en moyenne 10% de pertes de leurs capitalisations.
L’optimisme actuel des investisseurs s’explique tout particulièrement par les promesses d’injection de liquidités sans précédent des banques centrales, mais aussi des actions coordonnées de ces banques centrales avec les États, dans l’objectif qu’avec des prêts garantis à des taux bas, une partie des entreprises en difficulté puissent échapper à la faillite.
Certes, si les acteurs financiers semblaient convaincus que le marasme économique actuel ne serait qu’une parenthèse malheureuse, les dirigeants politiques assurent que le système économique de demain ne pourra plus ressembler à celui d’hier et donc que la reprise serait difficile, aggravée par le conflit commercial sino-américain et la chute des prix du baril.
Et ainsi, le doute se réinstalle sur les marchés financiers, relevant du rythme de la reprise qui peut s’avérer lent avec une croissance faible et surtout pas en V, c’est-à-dire rapide.
Les indices boursiers varient d’un jour à l’autre, avec une certaine maîtrise. Il n’en demeure pas moins que les perspectives économiques mondiales sont sombres. Ce qui se confirme avec la publication des résultats des sociétés cotées, du premier trimestre 2020, qui indiquent que l’impact de la crise est déjà important et qu’il sera durable.
Tous les secteurs d’activité sont touchés directement ou indirectement, d’autant qu’ils devront consacrer une grande partie du cash flow engendré par leur éventuelle reprise, à l’amélioration de leur trésorerie.
A tous les points de vue, le Maroc ne fait pas exception à ces constats !
Et même la Bourse de Casablanca, aura été plus efficiente que d’habitude. D’abord parce que ses principaux indices ont corrigé de plus de 20% depuis le début de 2020m, reflétant la gravité de l’arrêt brutal de l’économie du pays.
Mais aussi, nombre de sociétés cotées des plus florissantes ont connu une baisse drastique de leur chiffre d’affaires.
Pour ne prendre qu’un seul exemple qui incarne la gravité de la situation, TAQA Morocco, société cotée à la réputation d’être un tiroir caisse tant elle a engendré des bénéfices chaque année de plus en plus importants, a connu, au titre du T1-2020, une baisse de chiffre d’affaires consolidé de 20,7% à 1 883 MDH, par rapport au T1-2019. En conséquence, l’EBITDA, traduisant la création de richesse, de la société s’est élevé à 655 MDH vs. 885 MDH à la fin du T1-2019, soit une baisse de 26,0%, entrainant une correction de son cours boursier de 2%.
En effet, la bourse des valeurs est un marché comme les autres, basé sur l’offre et la demande et aussi sur le rapport qualité-prix. Les actions des émetteurs sont valorisées selon leurs activités, leur productivité, la création de richesse et tous les résultats qui en découlent, de la marge d’exploitation au résultat net.
Le marché financier les évalue par un indice, le PER (Price Earning Ratio), qui porte sur leurs bénéfices futurs.
Généralement, le PER est censé déterminer leurs cours en bourse ou valorisation, et il y avait longtemps que les PER étaient occultés par les investisseurs à la Bourse de Casablanca tant ils avaient atteint un niveau trop élevé, à plus de 25.
Avec la baisse des cours actuelle, ils redeviennent plus attractifs, redonnant des raisons aux investisseurs de se repositionner sur certaines valeurs, eux qui se sont contentés depuis quelques années des rendements de dividendes des valeurs qu’ils détiennent, en comparaison aux taux d’intérêts bas.
La correction des cours et l’amélioration des PER sont d’autant plus importantes aujourd’hui que la chute des dividendes va suivre celle des cours.
Les émetteurs, en difficultés économiques, ne pourront plus distribuer de bénéfices.
L’exemple est donné par les fleurons de la bourse que sont les banques, auxquelles Bank Al-Maghrib a interdit jusqu’à nouvel ordre toute distribution de leurs résultats.
De plus, les compagnies d’assurances risquent de suivre leurs sociétés mères à cause de la détérioration de leurs portefeuilles financiers, car avec la baisse des cours de plus de 20%, tous les institutionnels, OPCVM et même banques d’affaires ont pris un coup sévère.
Avec la crise actuelle, ces derniers vont être obligés de redynamiser la gestion de leur portefeuille, eux qui depuis longtemps se contentaient, depuis la crise des immobilières, de garder en fonds de portefeuille des blue chips, soit les 10 plus importantes valeurs cotées.
Ainsi, espérons que malgré la double crise actuelle, économique et financière, la bourse de Casablanca renaîtra de ses cendres….
Afifa Dassouli