Décès du Rocket: 20 ans déjà
by Jonathan BernierIl y a 20 ans, le Québec pleurait la mort de l’une de ses plus grandes idoles, de l’un des plus importants personnages de son histoire moderne. Après un combat de quelques années contre un cancer de l’abdomen, Maurice Richard rendait les armes à l’âge de 78 ans.
« Ça m’avait fait un gros pincement au cœur. On avait passé la moitié de notre vie ensemble. Mais on s’y attendait. On savait qu’il était très malade », se souvient Jean-Guy Talbot 20 ans plus tard.
Trois jours après le décès du légendaire capitaine du Canadien, pendant 16 heures, 115 000 personnes avaient circulé à l’intérieur du Centre Bell, encore connu à l’époque sous le nom de Centre Molson, transformé, pour l’occasion, en chapelle ardente.
À quelques mètres du cercueil prenaient place la famille du Rocket et quelques-uns des coéquipiers de la glorieuse époque de cette concession, celle des cinq coupes Stanley consécutives.
« On a passé la journée là. On en a serré des mains, a rappelé l’ancien défenseur dans une généreuse entrevue téléphonique. On en avait déjà perdu des joueurs. Ça nous avait fait de la peine aussi. Mais là, on perdait une étoile !
« En plus, j’étais assis à côté d’Henri (Richard). Il avait trouvé ça dur, a ajouté M. Talbot, maintenant âgé de 87 ans. C’est fou comme le temps passe vite. »
Plus grand que nature
Le lendemain, 31 mai, ce sont des milliers de partisans qui avaient convergé vers la Basilique Notre-Dame où, après que le cortège de 15 limousines eut déambulé sur la rue Sainte-Catherine, avaient été célébrées les funérailles.
La renommée de Maurice Richard était telle que c’est le cardinal Jean-Claude Turcotte qui avait présidé l’assemblée. Premiers ministres passés et actuel, députés et autres personnages politiques s’étaient déplacés pour l’occasion. Ginette Reno avait interprété Ceux qui s’en vont.
Joint à son domicile de Cap-de-la-Madeleine, où il vit paisiblement avec son épouse Pierrette, M. Talbot raconte que la cérémonie avait été à l’image de l’homme qui était, et qui est toujours, le meilleur buteur de l’histoire du Tricolore.
« Ce n’était pas un joueur ordinaire. Il en avait fait beaucoup dans sa vie. Pas seulement pour le Canadien. Il a souvent défendu les Canadiens français. »
Et dire que le Rocket lui-même n’avait cessé de marteler, au cours de sa vie, qu’il n’était simplement qu’un joueur de hockey.
Coéquipier exemplaire
Il y avait déjà 11 ans que le Rocket terrorisait les gardiens adverses lorsque le jeune Talbot, âgé de 22 ans, s’est amené avec le Canadien, pour trois matchs au cours de la saison 1954-1955. Il n’a pas mis de temps à constater l’ascendant qu’avait ce meneur sur ses coéquipiers.
« Quand tu es une recrue et que, dans le vestiaire, tu vois l’intensité dans ses yeux au moment d’embarquer sur la glace, tu n’as pas le choix de suivre. Lui, il n’y avait rien pour l’arrêter », a soutenu M. Talbot, qui a joué 1066 matchs dans la LNH, dont 801 avec le Canadien.
Foi du Mauricien, c’était la même chose lors des entraînements. Essayer de passer à travers le défenseur au lieu de le contourner faisait partie du quotidien de Maurice Richard.
« Dans les matchs, c’était plus facile. Ça ne nous énervait pas trop d’affronter les autres équipes. Hey ! On jouait contre Maurice Richard pendant les pratiques », a lancé M. Talbot.
Malgré l’ardeur au jeu du Rocket et même s’il ne faisait pas de quartier pendant les séances d’entraînement, Talbot soutient qu’il était un excellent coéquipier. Toutefois, sa prestance pouvait parfois faire peur aux plus jeunes.
« Ce n’était pas mon cas, assure Talbot, boute-en-train de l’époque. Tout le monde était gêné parce que c’était Maurice. Moi, ça ne m’empêchait pas de lui jouer des tours. Je pense qu’il aimait ça. »
Retraite surprise
Talbot et le Rocket ont partagé le même vestiaire durant cinq saisons complètes. Cinq campagnes qui se sont soldées par autant de conquêtes de la coupe Stanley. Puis, sans avertissement, le Rocket a annoncé sa retraite au beau milieu du camp d’entraînement suivant, en septembre 1960.
« Un matin, il a marqué cinq buts pendant une pratique. Puis, la même journée, il a décidé qu’il ne jouait plus. Il en avait assez. C’est certain qu’on était tous surpris. »
Onze ans plus tard, Talbot accrocherait ses patins à son tour. Au même âge que Richard, à 38 ans. Ça lui avait permis de comprendre la décision de son ancien coéquipier.
« Quand tu es un joueur travaillant comme lui, à 38 ans, ça devient un peu plus difficile de maintenir le rythme. Au moins, il a pu dire qu’il a tenu son bout tout le temps qu’il a joué. »