Élan du coeur et intérêt bien compté
by Jean-Marc SalvetCHRONIQUE / C’est par élan du coeur, mais aussi un peu par intérêt bien compté que François Legault a soudainement entrouvert la porte aux demandeurs d’asile oeuvrant dans les CHSLD.
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M. Legault a bien sûr mis l’accent sur le fait que permettre à ces demandeurs d’asile de demeurer au Québec serait une façon de les remercier de ce qu’ils accomplissent. Ce serait en effet une façon de reconnaître leur précieux apport.
Il a aussi par la suite — rapidement, mais tout de même — fait référence à la grave pénurie de main-d’oeuvre dans ce secteur d’activité et aux besoins que comblent déjà ces demandeurs d’asile. Cela avait le mérite de la clarté.
Quoi qu’il en soit, c’est un revirement heureux de sa part. Jusque-là, le premier ministre avait refusé tout accommodement pour ces personnes.
Un accommodement raisonnable est donc enfin recherché! C’est très bien.
L’expression «accommodement raisonnable» sied bien à la situation, puisque M. Legault veut, en même temps qu’il entrouvre une porte, éviter de lancer le message selon lequel tout demandeur d’asile en attente d’une décision sur son sort pourrait s’établir à demeure au Québec dès lors qu’il dénicherait un emploi. Il créerait ainsi, il est vrai, de nombreux faux espoirs.
D’où l’insistance qu’il a mise sur l’étude au cas par cas des dossiers de ces demandeurs.
On pouvait imaginer que ce serait le cas : dès lors que Québec s’est montré ouvert à une certaine régularisation, Ottawa a indiqué être d’accord avec lui — ce qui a été dit par Justin Trudeau.
Il était difficile de concevoir que le gouvernement canadien avance sur ce terrain sans que le Québec en exprime d’abord la volonté. C’est le gouvernement Legault qui détenait la clé politique dans ce dossier.
La question des immigrants en général ainsi que celle des demandeurs d’asile ont régulièrement divisé les gouvernements Legault et Trudeau ces derniers mois.
Ces questions ont été politiquement sensibles, c’est le moins qu’on puisse dire.
Elles ont fait perdre des points au gouvernement Trudeau dans l’opinion publique au Québec. Voilà pourquoi c’est Québec qui détenait et détient toujours la clé dans ce dossier.
M. Legault a-t-il, lui, été sensible à la cause de ces demandeurs d’asile parce qu’elle semblait recueillir de plus en plus d’appuis dans l’opinion publique québécoise? C’est un élément qui a pu jouer.
Cela étant, il faut apprécier le chemin parcouru par son gouvernement après le refus ferme qu’il avait exprimé le 13 mai à une demande de la députée indépendante Catherine Fournier. La proposition de la députée embrassait peut-être trop largement, mais on y trouvait déjà l’essentiel de ce que cherche désormais le gouvernement, soit de régulariser le statut des demandeurs d’asile oeuvrant dans les CHSLD — bien que M. Legault ait précisé que ce ne serait pas une régularisation générale, mais individuelle. Au cas par cas.
Ces demandeurs d’asile ayant trouvé à s’employer dans les CHSLD sont majoritairement d’origine haïtienne. Beaucoup ont franchi la frontière canado-américaine par le chemin Roxham, un passage qui a été au coeur de bien des polémiques et de querelles politiques en 2017 et en 2018. Particulièrement entre Québec et Ottawa.
Ces polémiques et ces querelles ont été si nombreuses que bien des gens ne pouvaient plus voir les individus derrière ces «illégaux».
La reconnaissance que François Legault souhaite maintenant accorder à plusieurs d’entre eux nous permet de mieux les voir. C’est en soi précieux.