Les propositions du street-artiste C215 pour aider les créateurs d'art urbain
by Marie-Anne KleiberLes street-artistes souffrent aussi des conséquences économiques du confinement. Le pochoiriste très connu C215 propose un projet d'aide nationale qui permettrait à des villes ou régions de commander des fresques contemporaines. Un conseiller à l'Elysée l'a écouté.
Privé de rue pendant deux mois en raison du confinement, le street artist C215 a travaillé à Gien, dans l'un de ses ateliers (le deuxième se trouve à Ivry-sur-Seine). Christian Guemy, de son vrai nom, a ainsi préparé plusieurs pochoirs, dont celui représentant le portrait d'Aïcha Issadounène, une caissière décédée du coronavirus en mars, et qu'il prévoit de peindre début juin à Saint-Ouen. Engagé, C215 a également vendu des œuvres sur papier représentant un couple masqué s'embrassant malgré la pandémie, au bénéfice de la fondation Hôpitaux de Paris. Plus de 30.000 euros ont été ainsi collectés.
Lire aussi - Privés de visiteurs à cause du Covid-19, les musées français s'adaptent tant bien que mal
A présent, le quadragénaire humaniste qui a dessiné Simone Veil comme des anonymes aux visages toujours expressifs, défend un projet qu'il a déjà présenté à un conseiller élyséen : un système d'aides nationales pour les artistes urbains, souvent représentés par de petites galeries fragilisées par le confinement et la suppression de festivals d'arts urbains. C215 préconise une sorte de New Deal pour les fresquistes, street-artistes et pochoiristes, avec des commandes publiques comme au temps de la crise de 1929. "Nous avons une scène française d'une très grande vitalité, et c'est cette force qui risque de s'effondrer et de disparaître. L'art urbain, qui ne vend pas de billets, est souvent délaissé des plans d'aides culturelles."
2.000 artistes urbains potentiellement concernés
C215 propose que l'Etat garantisse une aide représentant la moitié d'une somme engagée par une ville, un département ou une Région pour faire réaliser une œuvre d'art urbain. La collectivité paierait 50% de la somme et le ministère de la Culture abonderait pour l'autre moitié. Cette subvention ne pourrait dépasser 15.000 euros par an et par artiste, qui recevrait directement cette aide. Ne pourraient en bénéficier que les plasticiens inscrits à la Maison des artistes (l'association des artistes des arts visuels) depuis trois ans et à l'AGADP (la société française d'auteurs des arts visuels, qui perçoit notamment les droits d'auteur sur leurs œuvres). Sur 180.000 artistes français et étrangers figurant sur la base de l'ADAGP, près de 2.000 sont des artistes urbains. "Cela ferait 30 millions d'euros par an, si et seulement si tous les artistes travaillaient au maximum de ce qu'il est possible de réaliser, estime Christian Guémy, Cela permettrait aussi aux collectivités de choisir leur projet, qui ne descendrait pas de Paris. Ce ne serait pas 'jupitérien'".
Il rêve de voir fleurir des fresques sur les murs dans toute la France, sur tout le territoire, pour faire sortir les gens, qu'ils se baladent à nouveau dans les villes… "On a beaucoup parlé pendant le confinement de dématérialisation de la culture, décrit-il, de visites de musées sur internet, et même d'œuvres d'art à emporter en 'take away' comme dans un fast food!" Lui pense qu'"au contraire, l'avenir, ce sont les lieux physiques, les musées, les galeries et la rue avec les œuvres de street art".
Lire aussi - Coronavirus : au musée du Château de Montsoreau, des oeuvres à emporter
Et d'ajouter : "Il ne faut pas que les gens restent uniquement sur leur canapé à regarder Netflix en mangeant une pizza qu'un livreur leur aura apportée. La culture risque de se déliter si elle n'est plus ancrée dans un territoire. Et l'art urbain, art populaire, souvent figuratif, est présent au cœur de nos villes." Le pochoiriste espère que les artistes urbains seront aidés, comme les intermittents dont le régime d'indemnisation a été prolongé. Affaire à suivre... sur les murs de nos villes peut-être.