Jésus était-il un théoricien du complot pharisien ?

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Ceci est une sorte de plaidoyer pour les théories du complot directement issu de discussions girardiennes sur Facebook, dont une initiée par un auteur évoquant la conspiration des Pharisiens contre Jésus, dans le contexte du mécanisme sacrificiel proposé par René Girard. Sans s’en rendre compte, l’auteur ouvrait la porte à une justification des théories du complot et cela m’a donné envie de me risquer sur ce territoire, bien qu’il soit extrêmement dangereux car l’enjeu est énorme, tant historiquement qu’actuellement. Chacun, je crois, le comprendra aisément.

Juste après avoir donné le coup de pied rituel de l’âne aux théoriciens de la conspiration en les assimilant à des foules sacrificielles, notre auteur girardien, Erik Buys, a évoqué le cas de Jésus dénonçant le complot des pharisiens contre lui.

Il m'a semblé qu'il y avait là, d’emblée, une dissonance frappante, qui permettait de révéler la violence consensuelle et quasi rituelle perpétrée contre les théoriciens du complot dans nos sociétés postmodernes.

En effet, comment comprendre que, d'une part... :

1) on puisse accomplir le geste rituel (sacrificiel) de jeter la pierre aux théoriciens du complot — un geste qui rassemble des foules de personnes politiquement correctes et bienpensantes contre l'idée, tellement étrange, qu'un petit nombre d'humains pourrait tenter de dominer totalement tous les autres alors qu'il est si évident que nous cultivons (presque) tous la pensée positive et nous nous répétons de manière incantatoire que « tout le monde est beau, tout le monde est gentil » — et, d'autre part,

2) évoquer la dénonciation par Jésus du complot des pharisiens contre lui sans voir que, par ce simple fait, Jésus était, jusqu'à sa mort, ce que l'on appelle aujourd'hui un "théoricien du complot" ?

L'attitude de Jésus était absolument rationnelle. Car, comme chacun sait, l'histoire humaine est tissée de conspirations visant à conquérir ou à garder le pouvoir. Jésus a donc fait une sorte d'inférence bayésienne selon laquelle ceux dont il contestait le pouvoir tenteraient de le contrer, voire de l'éliminer.

Par conséquent, comme le reconnaissent même certains de ceux qui croient devoir combattre les théories du complot, ces dernières sont adaptatives au sens où elles contribuent à la survie ; elles sont donc rationnelles :

En fait, oui. Tout au long de l'histoire de l'humanité, de nombreuses personnes ont été victimes - et tuées - par des coalitions hostiles. Ainsi, dans un environnement ancestral, il peut avoir été adaptatif de détecter rapidement des coalitions éventuellement hostiles (c'est-à-dire des conspirations) avant qu'elles ne frappent, même si cela implique souvent des erreurs (c'est-à-dire de fausses accusations de formation de conspirations). (Jan-Willem van Prooijen, 2017)

Ceci signifie que les théories du complot doivent d’emblée être considérées comme n'importe quelle autre théorie. Elles peuvent être vraies ou fausses. Il est nécessaire de prouver qu'elles sont fausses avant de les écarter. Il est impossible de falsifier une hypothèse simplement en l'appelant "théorie du complot". Le plus souvent, il s'agit simplement d'un moyen facile d'écarter une perspective dérangeante ou effrayante ! Le fait que les chercheurs et les intellectuels aient trouvé approprié cette façon particulière d'écarter les théories du complot dès le départ est tout simplement ahurissant, car cela montre l'énorme pouvoir de suggestion du consensus social, qu'il soit spontané ou fabriqué par les médias. Même ceux qui sont censés incarner la rationalité se sont mimétiquement conformés au consensus social au mépris de toute logique.

Une autre conséquence de la nature adaptative des théories du complot est qu'on ne peut plus affirmer qu'une théorie du complot qui nous paraît vraie cesse ipso facto d'être une théorie du complot. Vraie ou fausse, une théorie reste une théorie. Il est difficile d'imaginer que l'on puisse se bercer d'illusions au point de croire que l'on puisse se passer de cette logique élémentaire.

Mais même ce qui est élémentaire, évident ou tacite, gagne à être rappelé explicitement. Comme on dit, « ça va mieux en le disant ! », alors, rappelons que... :

1) D'un point de vue épistémologique, une théorie du complot est « vraie » quand elle correspond à la réalité. Si l'on considère que c'est le cas, cette correspondance n’anéantit nullement la théorie, elle la valide. Ainsi, une théorie de conspiration jugée « vraie » reste une théorie, même si l'on prétend de manière candide qu'elle doit alors être confondue avec la réalité.

2) Ensuite, même si on admet l'étrange chose que serait une théorie qui s’évanouit quand la réalité se présente, il s'avère que, concernant la conspiration des pharisiens, seuls les chrétiens fervents et, je dirais même, les traditionalistes, sont encore attachés à cette réalité. Car elle reste discutable pour beaucoup de gens et, de fait, certains ne se gênent pas pour la mettre en question. Par conséquent, d'un point de vue philosophique ou épistémologique, il s'agit bien d'une « théorie du complot », quelle que soit la force de notre croyance dans la réalité des faits relatés.

Le caractère « théorique » de la conspiration des pharisiens est d'autant plus assuré que, sous la pression à laquelle elle a été soumise avant, pendant et après le Concile Vatican II, l'Église conciliaire a fait de petits accommodements qui ont considérablement atténué la perspective évangélique de la Passion. Celle-ci est de plus en plus lue comme un message d'amour dépourvu d'accusations, même si les paroles de Jésus sont très claires :

Si vous étiez enfants d'Abraham, vous feriez les oeuvres d'Abraham.
Mais maintenant vous cherchez à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité que j'ai entendue de Dieu. Cela, Abraham ne l'a point fait.
Vous faites les oeuvres de votre père. Ils lui dirent : Nous ne sommes pas des enfants illégitimes ; nous avons un seul Père, Dieu.
Jésus leur dit : Si Dieu était votre Père, vous m'aimeriez, car c'est de Dieu que je suis sorti et que je viens ; je ne suis pas venu de moi-même, mais c'est lui qui m'a envoyé.
Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? Parce que vous ne pouvez écouter ma parole.
Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fonds ; car il est menteur et le père du mensonge. (Jean 8, 39-44)

Que l'on croie ou non à ces accusations, il est incontestable que Jésus expose là une conspiration pharisienne et désigne Satan comme le « cerveau », de sorte que, tout bien considéré, il est assuré que Jésus a bien produit une « théorie de la conspiration », celle que les Pharisiens ont organisée non seulement contre lui mais aussi contre le peuple lui-même en lui imposant — afin de le tenir sous emprise — non la loi de Dieu mais des « commandements d’hommes ». CQFD

Le fait que les chrétiens, qui se font tout naturellement les témoins des faibles et des opprimés, se retrouvent en compagnie de théoriciens du complot, ne devrait pas pas nous surprendre outre mesure. Ils sont tous des chercheurs de vérité qui savent que la vérité a un prix, celui d'être exposés à la persécution des foules soumises aux « puissances de ce monde ».

Pour conclure de manière provocatrice (au sens étymologique), il me semble qu'à la suite de Saint Pierre, la grande question que chacun devrait se poser maintenant est de savoir s'il s'est placé du côté de la vérité, du côté de Jésus ou s'il se trouve du côté des « puissances de ce monde », toujours promptes à diaboliser et détruire les chercheurs de vérité, les truthers — tant lanceurs d’alerte (songeons au sort réservé à Julian Assange et Edward Snowden) que théoriciens du complot.

Si l'on s'est rangé du côté de la vérité et, surtout si l’on est chrétien, alors on ne peut plus jeter la pierre sans discernement aux théoriciens du complot, car on sait à présent que cela signifie jeter la pierre à Jésus.

Chacun peut alors mesurer l'ampleur du coup de force orwellien que constitue le vote de la loi Avia qui relègue le complotisme et le conspirationnisme dans la catégorie des "contenus haineux" constitutifs d'une infraction et susceptibles de poursuites. Aujourd'hui, le doux Jésus serait persécuté comme antisémite conspirationniste, haineux donc, faute d'être sioniste (étant donné que son royaume n'est pas de ce monde).

Les persécutions antichrétiennes ne datent pas d'hier puisqu'elles remontent à l'époque romaine. Bien que l'anticléricalisme maçonnique et révolutionnaire n'ait jamais cessé ses attaques depuis deux siècles, il devient clair que nous sommes à présent à un tournant. Ce qui suivent Jésus vont devoir porter leur croix.