La courbe des rendements stimule la demande de crédit
by Felipe Villarroel, TwentyFour AMLa courbe des rendements américains peut dicter ce qui se passe sur les marchés des titres à revenu fixe.
Au cours des derniers jours, deux sujets ont fait la une dans la presse concernant la courbe des rendements qui méritent – selon nous – une attention particulière.
Aucun taux d’intérêt négatifs
Il y a tout d’abord eu un regain d’intérêt pour la possibilité de taux d’intérêt négatifs aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d’autres régions, et sur l’impact que cela pourrait avoir sur la politique monétaire, le secteur bancaire et l’économie au sens large à l’avenir. Les banquiers centraux ont pour la plupart répondu ne pas être favorables à une politique de taux directeurs négatifs, mais avec plus ou moins de conviction. Leur avis a donc interprété de différentes manières par les investisseurs.
La Fed a, pour sa part, été très claire en annonçant son intention de ne pas emmener les taux en territoire négatif. Le président de la Fed, Jerome Powell, a explicitement déclaré la semaine dernière que la position de son comité sur les taux négatifs «n’avait pas changé» et que «ce n’était un sujet en cours d’examen». Il est évident que les choses peuvent changer à l’avenir et Powell, lui-même, a reconnu la grande incertitude pesant sur la reprise économique. Nous sommes cependant d’avis, et la Fed semble être d’accord, qu’il existe des outils plus efficaces dans son arsenal pour gérer la situation actuelle. Nous ne voyons donc pas les taux directeurs devenir négatifs aux États-Unis, même si nous n’anticipons pas non plus d’augmentation pour l’instant, ce qui signifie que l’extrémité courte de la courbe des rendements américains devrait rester bien ancrée autour des niveaux actuels.
La Fed choisit-elle la «route de la Banque du Japon»?
Évoquons ensuite le sujet du «contrôle de la courbe des rendements». La Fed a publié, hier, le procès-verbal de sa réunion du mois d’avril et un passage en particulier a retenu toute notre attention : «Quelques participants ont également noté que le bilan pourrait être utilisé pour renforcer les lignes directrices du Comité quant à la trajectoire des taux directeurs par des achats de titres du Trésor par la Réserve Fédérale à l’échelle nécessaire au maintien des rendements du Trésor à des échéances à court et moyen terme plafonnées à des niveaux spécifiques pendant un certain temps.» Au cours des derniers mois, l’équipe des vingt-quatre a discuté de l’éventualité que la Fed prenne ce que nous pourrions appeler la «route de la Banque du Japon», en fixant des objectifs non seulement pour les taux effectifs mais aussi pour les bons du Trésor à plus long terme. En définitive, nous avons pensé que compte tenu de toutes les mesures prises par la Fed, il paraissait très improbable qu’elle laisse le segment à long terme «s’échapper» sans que cela soit justifié par des données économiques résolument meilleures. La déclaration précitée tend dans cette direction, et à notre sens confirme la théorie selon laquelle les segments à mi et long terme de la courbe devraient également rester relativement bien ancrés autour des niveaux actuels.
Les écarts de crédit pourraient offrir une valeur à moyen terme
Que cela signifie-t-il donc pour les investisseurs en titres à revenu fixe? Si nous supposons que les taux à court terme ne baissent pas davantage et que la Fed souhaite conserver un niveau sain de pente positive de la courbe des rendements américains pour contribuer au maintien d’un niveau de rentabilité bancaire, mais dans le même temps que les taux sur les échéances plus longues n’augmentent pas de manière significative (pour contribuer à protéger les taux hypothécaires à la consommation par exemple), alors la Fed se trouve manifestement face à un exercice d’équilibriste délicat à accomplir, ce qui pourrait entraîner un certain degré de contrôle de la courbe. Les investisseurs en crédit pourraient ainsi conclure que le risque de duration des taux d’intérêt qu’ils importent en achetant des crédits à plus long terme est inférieur à ce que les chiffres pourraient suggérer. Dans un scénario dans lequel nous estimons que les écarts de crédit offrent une valeur à moyen terme d’un point de vue historique, mais dans lequel le taux de défaut pour le haut rendement est encore très incertain (notamment pour les cotations «simple B» et CCC), nous avons tendance à penser que la meilleure façon de s’exposer aux écarts passe par des crédits à plus long terme et de qualité supérieure, non couverts pour le risque de taux d’intérêt. Nous prévoyons que le rendement global diminue à plus long terme, ce qui favoriserait également les crédits à plus long terme.
À notre avis, l’argument en faveur de l’achat de crédits de meilleure qualité avec des obligations de sociétés raisonnables sur le segment à long terme de la courbe de rendement semble l’emporter sur l’argument en faveur d’un crédit bêta plus élevé sur le segment à court terme.