Face à la crise, l'Etat a mis en place un bouquet très varié d'aides directes
Déployées dans l'urgence, les aides publiques permettront à des centaines de milliers d'entreprises de rester en vie. Fonds de solidarité, prêts, chômage partiel, report des charges… Leur accès a été parfois plus compliqué que prévu.
by Bruno AskenaziPendant le confinement, l'Etat a ouvert en grand les vannes pour aider les entreprises. Il y avait urgence pour éviter les faillites en cascade. En quelques semaines, plusieurs dispositifs de soutien se sont télescopés créant ici ou là un peu de confusion. Certaines mesures, pas forcément bien calibrées au départ, ont plusieurs fois évolué pour répondre à des catégories oubliées, comme les indépendants. Avec le redémarrage progressif de l'économie, le robinet des aides publiques va commencer à se refermer, à commencer par le chômage partiel dès le 1er juin.
Fonds de solidarité
Le dispositif a été lancé mi-mars pour sauver les petites entreprises de moins de 10 salariés. Au départ, l'une des conditions était de subir une chute de chiffre d'affaires d'au moins 75 % par rapport à la même période en 2019. Mais ce critère excluait un trop grand nombre d'entreprises fragilisées. Ce taux a été finalement corrigé à 50 %. Le montant initial de 1.500 euros mensuels a ensuite été vite jugé insuffisant. Si bien qu'à partir du 15 avril, pour les structures les plus en difficulté, les régions ont apporté une aide complémentaire de 2.000 à 5.000 euros, selon la taille et la situation financière de l'entreprise. Renouvelée en avril et en mai, l'aide de 1.500 euros se prolongera même en juin mais seulement pour les entreprises qui ne peuvent toujours pas reprendre leur activité. A noter que le fonds de solidarité n'est pas cumulable avec la subvention de 1.250 euros du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants versée par les Urssaf. Enfin les seuils ont été relevés à 20 salariés et 2 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel pour les entreprises de la restauration, de l'hôtellerie et du tourisme.
Chômage partiel
Selon le gouvernement, 8,6 millions de salariés étaient en chômage partiel au mois d'avril. Les rémunérations versées sont entièrement remboursées par l'Etat jusqu'à 4,5 fois le montant du smic. Au début, le portail dédié du ministère du Travail a été saturé de demandes. Beaucoup d'entrepreneurs ou leurs experts-comptables ont connu les pires difficultés à faire enregistrer les dossiers, un par salarié. La chaîne de traitement n'était pas calibrée pour encaisser un tel volume de connexions et les bugs informatiques se sont multipliés. La situation s'est depuis améliorée mais les remboursements ont pris du retard. A partir du 1er juin, l'Etat commencera à réduire sa prise en charge. L'employeur devra alors supporter un reste à charge d'un peu moins de 15 %.
Prêt garanti par l'Etat (PGE)
Au 18 mai 2020, près de 100 milliards d'euros de PGE ont été demandés par 500.000 entreprises. Les banques en ont accordé 74 milliards au taux avantageux de 0,25 % et avec une franchise de remboursement d'un an, puis un étalement sur cinq ans maximum. Grâce à une garantie de l'Etat de 90 %, ces prêts sont débloqués sans trop d'obstacles. Le taux de refus serait compris entre 3 et 5 %, selon la Fédération bancaire française. Pourtant, la mise en place du dispositif a été laborieuse. « Les premières semaines, quelques vieux réflexes de banquier ont créé pas mal de crispations, relève Christophe Basse, président du Conseil national des administrateurs judiciaires. Certains établissements demandaient la caution du dirigeant à titre personnel pour donner l'accord, en totale contradiction avec l'esprit du dispositif. » Un autre point de crispation subsiste. Sur des dossiers plus risqués, les banques jouent la montre en s'abritant parfois derrière la définition européenne de l'entreprise en difficulté. Une anomalie, selon bpifrance, qui a rappelé que les entreprises ayant des fonds propres négatifs peuvent bénéficier du PGE. Mieux encore, précise Christophe Basse, « le dispositif est tout à fait accessible à celles faisant l'objet de mesures de prévention ou qui exécutent un plan de continuation ». Début mai, le PGE a été étendu aux entreprises sous procédure collective depuis le 1er janvier 2020. Reste que, pour ces activités dont le profil inquiète habituellement les banquiers, combien auront les reins assez solides pour rembourser ?
Report des charges sociales et fiscales
Le report des charges jusqu'à trois mois a été très vite instauré. « C'était la solution instantanée pour préserver les trésoreries et régler les fournisseurs en attendant la mise en place du PGE », explique Charles-René Tandé, président de l'Ordre des experts-comptables. Les TPE ont pu cumuler cet avantage avec le report des loyers et factures d'eau et d'électricité. Seulement voilà, ce gros paquet de charges sera, un jour ou l'autre, à assumer. Sauf pour les TPE ayant subi une fermeture administrative pour qui le gouvernement a annoncé une annulation des cotisations sociales. « Pour les autres, il y aura un mur de dettes à franchir, prédit Christophe Basse (Conseil national des administrateurs judiciaires). Leur avenir dépendra de leur capacité à négocier un moratoire avec les bailleurs et l'administration ». L'une des solutions consistera à saisir la Commission des chefs de service financier (CCSF) qui peut accorder un échéancier jusqu'à 24 mois.