Plan « Ségur de la Santé » : Une offensive majeure contre la Sécurité Sociale !
by touristeQuelques réflexions sur le comportement du système de santé pendant la crise sanitaire, sur le mouvement social des soignants qui continue avec la grève du 16 juin, et sur le projet du gouvernement pour exploiter cette crise afin d'étrangler le système public de santé.
Où il apparaît que Macron n'a jamais désarmé et compte profiter au maximum de la crise sanitaire pour achever la liquidation de la Sécurité sociale.
1 - Pendant la crise sanitaire le système de santé publique a explosé !
L’hôpital public s'est trouvé complètement désemparé devant l'arrivée du Covid-19, manquant de lits médicaux, de matériels et de personnels.
Ce qui est la conséquence des politiques de santé menées depuis plus de vingt ans. Pour un résumé on peut lire Histoire du système de santé.
Pour faire face à la crise, l'administration sanitaire a généralisé la sélection des malades :
- les soins aux patients non Covid ont été reportés, sans égards pour la perte de chances des malades chroniques, par exemple.
- l'accès au système de soins a été régulé par des services téléphoniques visant à dissuader les malades d'aller à l'hôpital.
- l'hôpital a multiplié les refus des tests et d'hospitalisations, et probablement aussi toutes les réanimations n'ont pas été engagées.
Après ce dispositif de gestion des pénuries, le gouvernement nous affirme crânement que le système a tenu bon !
C'est un mensonge aussi grossier que celui du "masque inutile" pour dissimuler la pénurie et l'imprévoyance des autorités.
C'est certainement dans les EHPAD que le sous dimensionnement du système de santé a causé le maximum de dégâts. Ces établissements, dont la moitié sont à but lucratif, fonctionnent sur le principe de la dépense minimum. Un bon gestionnaire arrive à nourrir les pensionnaires en ne dépensant pas plus de quelques euros par jour et par personne. De même le personnel est tellement peu nombreux qu'un employé dispose parfois de 10 minutes pour la toilette, les soins et le petit déjeuner !
Pendant la crise ces établissements se sont verrouillés, avec l'aide d'un certain Macron, et l'absence de soins médicaux et d'équipements de protection a provoqué des morts par centaines. Dans une telle discrétion que le nombre exact n'est pas encore connu. (10000-20000 ?)
Contrairement à ce que prétend le gouvernement, avec des tombereaux de compliments hypocrites envers les soignants, la crise du Covid-19 a pointé du doigt l'état de délabrement du système de santé, en particulier de l'hôpital public et des EHPAD.
2 - Le mouvement social engagé par les soignant(e)s n'a jamais cessé.
Depuis l'année dernière les syndicats SUD et CGT, le Collectif Interurgences et le Collectif Inter Hopitaux mènent la bataille pour obtenir des moyens.
On trouvera un aperçu de leurs propositions dans cet article : Le manifeste des soignants.
Pour mémoire ce qu'ils demandent ce ne sont pas applaudissements, ni des belles paroles : (extraits du Manifeste)
- La gratuité intégrale des dispositifs de protection, de dépistage et de soins liés au Covid-19.
- L’augmentation du prochain budget de la santé (Ondam)
- La revalorisation des bas salaires des personnels travaillant à l’hôpital, en ville et en Ehpad
- L’arrêt de la politique de fermeture de lits et l’annulation de leurs réductions programmées.
- L’embauche et la formation de personnels soignants pour assurer la sécurité et la qualité des soins.
- Le vote d’une loi de démocratie sanitaire formalisant l’association aux prises de décision sur la santé des professionnels et des usagers
En réponse, outre des violences policières répétées et impunies, le gouvernement a répondu par le mépris !
Ce mouvement s'est ralenti pendant la crise sanitaire, par obligation, sans totalement cesser. Cf. Santé Sécu Social.
Après la crise les raisons de se mobiliser n'ont fait que se multiplier. Le mouvement a repris un peu partout.
Une journée d'action intersyndicale est prévue pour le 16 juin. En espérant que ce ne soit qu'un début et que la population se mobilise massivement pour défendre son système de santé.
3 - Le plan "Ségur de la Santé" prépare une nouvelle agression contre le système de santé !
La main sur le cœur, comme ils savent si bien faire, le gouvernement multiplie les hommages symboliques : la médaille, le 14 juillet, et le plus comique, la charité en dons de RTT !
La réalité politique est très différente. En utilisant la stratégie du choc qui leur a permis de profiter de la panique causée par le coronavirus pour passer des lois "scélérates" contre nos libertés et le droit du travail, ce gouvernement souhaite également utiliser la crise sanitaire afin de réformer le système de santé, en profondeur.
Puisqu'il n'est plus possible de nier la catastrophe sanitaire, alors il faut l'exploiter au mieux des intérêts capitalistes !
Le plan "Ségur de la Santé" est l'analogue du "Grand Débat" inventé au début de 2019 pour faire disparaître les revendications sociales.
C'est une manoeuvre politique visant à gagner du temps, à faire taire les opposants qui sont invités à "débattre" dans un cadre biaisé, et en même temps avancer des réformes néolibérales radicales !
Macron et ses acolytes vont radicalement transformer le système de santé, mais dans le sens néolibéral : réduction du service public, privatisation des branches rentables, exploitation accrue des personnels.
On notera que la fin du débat est judicieusement prévue pour la mi juillet, en pleine période de vacances, ce qui empêchera la mobilisation des opposants. Cela devrait mettre la puce à l'oreille aux plus conciliants !
Les angles d'attaque contre le système de santé sont annoncés explicitement :
- Le temps de travail.
Depuis les débuts du capitalisme, avec la journée de 12H au 18ème siècle, salarié(e)s et capitalistes se sont régulièrement affrontés sur la question de la durée de travail. Au 20ème siècle les syndicats se battaient encore pour la journée de 8H.
Et aujourd’hui, malgré d'immenses progrès, on reparle sous Macron de la semaine de 60H !!
C'est dire l'importance de la lutte pour le temps de travail. Une lutte qui est aussi liée au chômage. En augmentant le temps de travail, on augmente le nombre de chômeurs puisqu'on diminue les embauches.
Le Ministre de la santé propose d'assouplir ou de flexibiliser les 35H, ce qui se traduit concrétement par une suppression des 35H.
Une idée qui semble hallucinante dans le cas des soignants puisqu'il s'agit de proposer à de gens qui travaillent tellement qu'ils n'arrivent pas à prendre leurs congés, de travailler encore plus !!
- L'organisation du système.
La crise du Covid-19 a montré les limites de la bureaucratisation complète du système sous l'égide de l'ARS.
La "réforme" de Macron va explorer deux pistes.
D'une part faire participer les cadres médicaux à la gestion de la pénurie hospitalière, sous des modalités qui seront débattues avec les intéressé(e)s. L'idée c'est d'essayer d'acheter la participation de certaines catégories de soignants en échange de quelques prébendes.
D'autre part il s'agit de répartir différemment les soins entre le secteur public et le secteur privé. Mais cette répartition condamne l'hôpital public aux secteurs non rentables et attribue au privé les actes les plus profitables.
La privatisation est le remède néolibéral de référence : les pertes pour le secteur public, les profits pour les capitalistes du secteur privé. Version capitaliste du jeu : "Face je gagne, Pile tu perds" !
- Les salaires et les carrières.
On prévoit de longues discussions, du grain à moudre, sur de nouvelles formes d'individualisation des salarié(e)s à base de primes variées. Quand à la grille des salaires, elle a peut de chances d'évoluer.
Pour gagner plus il faudra être "méritant", faire la course aux primes et travailler encore plus longtemps.
Un excellent programme patronal, mais c'est la santé et la sécurité des malades qui le paiera au prix fort.
Enfin un seul sujet restera tabou : le refus absolu d'un plan d'embauche massif !
Justement ce dont les soignant(e)s ont réellement besoin de toute urgence.
La dégradation du système de santé est largement causée par l'insuffisance de personnels. Même pour les medecins il faut en importer depuis les pays du Tiers Monde.
Et nier le manque d'infirmier(e)s est tout simplement scandaleux.
- Le financement.
Dès le début de la crise sanitaire, Macron a multiplié les reports et les exonérations de cotisations sociales.
Toute la population a touché du doigt les multiples carences du système de santé. Mais profitant de l'effet de choc causé par le coronavirus, Macron en a profité pour réduire le financement de la Sécurité sociale !
A tel point qu'une caisse de retraite complémentaire a failli manquer d'argent pour verser les pensions de juin.
Dans la logique absurde des gens comme Macron, l'intérêt des capitalistes passe avant tout, y compris avant la santé des citoyens ordinaires. Sauf pour les VIP qui bénéficient de traitements préférentiels, évidemment !
Mais l'attaque qui coulera définitivement notre système de Sécurité sociale c'est l'utilisation de la dette sociale.
C'est assez subtil et c'est une arme mortelle. Le dispositif se déploie en deux phases :
- Pendant la crise sanitaire.
Le gouvernement à fait payer par la Sécurité sociale de nombreuses dépenses qui ne relèvent pas de la santé.
Ainsi les salariés qui sont restés chez eux pour garder leurs enfants ont été payés en congés maladies. Ce qui revient à dire que la Sécurité sociale a payé leur salaire à la place de leur employeur.
Mais cette aide aux entreprises n'a rien à voir avec la santé ! C'est le budget de l'Etat qui doit supporter ce type de dépense. Cf Le Monde.
Et par ailleurs le Covid-19 est un événement exceptionnel qui devrait relever totalement de la solidarité de l'Etat.
- Après la crise sanitaire.
Les frais de lutte contre le Covid-19 et les ponctions indues ont ruinées les caisses de la Sécurité sociale, dont le déficit provisoire est annoncé pour au moins 41 milliards d'euros ! !
La technique du puisage dans les caisses sociales a bien fonctionné. D'ailleurs faisant coup double, Macron a utilisé le même procédé pour vider aussi la caisse de l'Assurance chômage. Sans doute le "en même temps" !
Il y avait deux manières d'éponger cette "dette sociale", soit de la rattacher au budget de l'Etat, soit de la rattacher au budget de la Sécurité sociale.
Dans le cas du budget de l'Etat cette dette serait relativement peu coûteuse puisque l'Etat ne rembourse que les intérêts et en ce moment ils sont quasi nuls. Le capital est remboursé par des emprunts également à faibles taux.
Les économistes disent "faire rouler la dette" et c'est mécanisme général. Pour la France la dette de l'épidémie nous coûterait environ un milliard d'euros par an. Certes c'est une somme mais ce n'est pas une tragédie.
En revanche, si l'on choisit, comme Macron, de faire rembourser la dette par le budget de la Sécurité sociale alors cela devient un désastre.
Pour amortir cette "dette sociale", illégitime, la Sécurité sociale devra rembourser les intérêts et le capital, et dans ce cas elle devra payer environ 14 milliards d'euros par an !
Donc à partir de 2021 le budget de la Sécurité sociale, qui était déjà déficitaire, devra encaisser un choc supplémentaire de 14 milliards d'euros chaque année !
Pour noyer le poisson le gouvernement parle de prendre en charge une partie de la dette sociale. C’était déjà annoncé en 2019 avec le plan Santé 2022 pour un montant de 10 milliards sur 3 ans.
Cette année 13 milliards sont annoncés sans préciser le calendrier, et sans doute en déduisant les 10 milliards promis l'année dernière. Bref un jeu d'écriture comptable qui n'allège pas beaucoup le déficit de la Sécurité sociale.
Une fois le budget de la Sécurité sociale plombé par Macron, ce qui nous attend ce sont des années d'austérité !
La paupérisation de ce qui reste du service public de santé et la privatisation des secteurs rentables.
Et à mon avis, la mort de la Sécurité sociale de 1945 !
Voilà ce qu'est réellement le "Ségur de la Santé".
Le grand cirque médiatique qui va entourer les négociations bidons entre des gens qui ne répresentent qu'eux mêmes et/ou les intérêts capitalistes va amuser la galerie pendant deux mois. L'essentiel, la liquidation de la Sécurité sociale, sera soigneusement occulté !!
Et pour enfoncer le clou, ce "Ségur de la Santé" sera dirigé par la sinistre Nicole Notat, ex dirigeante de la CFDT, qui a soutenu en 1995 le plan Juppé de démantèlement de la Sécurité Sociale !
Difficile de trouver un symbole plus clair pour représenter le plan de Macron.
Désormais la solution se trouve dans la rue avec l'appui de la population pour exiger un investissement massif dans la santé.
Partout des comités unitaires, sans conditions et sans exclusives, pour soutenir les soignants.
On a bien applaudi, maintenant il faut concrétiser !