StopCovid: le Parlement vote sur le traçage numérique, outil controversé
by Auteur(s): Par Adrien DE CALAN - Paris (AFP)C'est un débat clivant sur le numérique et les libertés individuelles: le Parlement va voter mercredi pour ou contre StopCovid, une application pour smartphone censée aider à lutter contre l'épidémie en traçant les "cas contacts", mais qui suscite des inquiétudes jusque dans la majorité.
Le débat démarre à 15H00 à l'Assemblée et dans la soirée au Sénat. Il sera suivi de votes non contraignants pour le gouvernement, mais hautement symboliques pour le secrétaire d'Etat Cédric O, qui a fait du sujet son cheval de bataille.
"Sous réserve du vote au Parlement, l'application pourra être disponible dès ce weekend", afin d'accompagner la deuxième phase du déconfinement le 2 juin, a-t-il indiqué.
"Ce que montrent les travaux des épidémiologistes, c'est qu'elle est utile dès les premiers téléchargements (...) Pour avoir une efficacité sur un bassin de vie, il faut un peu moins de 10% d'utilisateurs", a encore affirmé le secrétaire d'Etat au numérique, sur Europe 1 mercredi.
Le gouvernement n'a eu de cesse de souligner le caractère "volontaire", "anonyme" et "temporaire" de cette application, qui ne nécessite pas de changement législatif.
Concrètement, sur la base du volontariat, cette appli permettra à une personne positive au coronavirus d'alerter automatiquement tous les utilisateurs avec lesquels elle a eu un "contact prolongé" récemment, à moins d'un mètre et durant plus de quinze minutes, afin qu'ils se fassent tester à leur tour. La fonction Bluetooth du téléphone est utilisée, donc pas de géolocalisation.
Mardi, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) a donné son feu vert. Elle estime que StopCovid respecte la législation relative à la vie privée, tout en réclamant une évaluation régulière et une information détaillée pour les utilisateurs.
Mais cela ne suffira pas à éviter une discussion enlevée dans les deux chambres. "Ce sera assez clivé, dans l'ensemble des groupes", pronostique une source parlementaire.
Si une large part des LREM devraient soutenir l'exécutif, certains souhaitent s'abstenir ou voter contre comme le député Sacha Houlié, opposé à "ce type d'outils. C'est une question de principe".
Quant aux ex-LREM partis fonder un 9e groupe à l'Assemblée, ils sont pour la plupart hostiles au projet, sauf le mathématicien Cédric Villani, qui veut soutenir la "souveraineté numérique" française.
Car contrairement à d'autres pays, le gouvernement a choisi de ne pas passer par les solutions de Google et Apple, et de recourir à un outil bâti par des chercheurs d'Inria, l'institut français de recherche en informatique.
Les développeurs ont donc dû plancher pour que leur solution soit compatible avec un maximum de mobiles, notamment les iPhone d'Apple.
- "Pas de miracle" -
StopCovid fonctionnera "très bien" sur iPhone, a assuré Cédric O, même si des problèmes techniques persistaient sur certains "vieux téléphones" et des modèles de la marque à la pomme.
La droite est partagée: "massivement contre" à l'Assemblée mais plutôt pour au Sénat.
"C'est important d'avoir une application souveraine, plutôt qu'une application contrôlée par les Gafa", estime ainsi le groupe LR du Palais du Luxembourg. Pendant que Damien Abad, chef de file des députés LR, souligne les interrogations persistantes sur "les libertés individuelles" et critique une "appli gadget sortant 15 jours après le déconfinement".
A gauche, les différents groupes parlementaires s'y opposent. Sur France 2 mercredi matin, le patron des Insoumis Jean-Luc Mélenchon a fustigé une "menace pour les libertés" et juge l'application "inefficace", car "les plus âgés, les plus potentiellement victimes du Covid-19 sont aussi ceux qui ont le moins de smartphones".
Au RN, on dit "insuffisantes" les garanties pour les libertés.
Fin avril, le Premier ministre, Edouard Philippe, qui serait circonspect et sera absent mercredi, avait promis un débat et un vote "spécifiques", afin de répondre aux inquiétudes.
"Cédric O a voulu aller au bout, comme il est sur le devant de la scène pour la première fois", glisse une source parlementaire.
Mais "il n'y a pas de miracle technologique. Cela doit être un outil dans la boîte à outils, dans une stratégie plus globale. La question en suspens est l'adhésion des Français", poursuit cette source.
De l'association La Quadrature du net à la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), plusieurs organisations de défense des libertés ont pris position contre l'application.
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