Affronter la COVID-19 et la canicule en CHSLD
by Marie-Eve CousineauLa mère de Claudine Léveillé, qui vit au CHSLD de Mont-Tremblant, a toujours chaud. « L’hiver, il faut ouvrir la fenêtre de sa chambre », dit Claudine Léveillé. Imaginez l’été, en pleine canicule. Impossible, pour elle, de vivre sans air climatisé. Avec la COVID-19, l’installer ne fut pourtant pas une mince affaire. « J’ai été obligée d’obtenir un billet du médecin pour qu’elle ait l’air climatisé dans la chambre ! dit Claudine Léveillé. Il fallait une autorisation médicale. »
Le CHSLD exigeait aussi, dit-elle, que le climatiseur et son filtre soient nettoyés par une firme certifiée avant que l’appareil soit installé. Contacté à ce sujet, le CISSS des Laurentides n’a pas nié ces informations, se contentant d’indiquer qu’il avait mis des « balises » afin de « s’assurer de protéger » cette clientèle vulnérable et « à risque de contracter des maladies transmises (par ex. : la légionelose) par des climatiseurs mal entretenus ».
Claudine Léveillé a finalement décidé d’acheter un nouveau climatiseur afin de rafraîchir au plus vite sa mère paralysée. Il a été installé lundi après-midi.
Avec la COVID-19, les politiques sur les climatiseurs et les ventilateurs varient d’un établissement à l’autre. Bien des gestionnaires attendaient avec impatience les recommandations de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) en la matière. Mais, dans un « avis intérimaire » publié lundi en fin de journée, l’INSPQ a renvoyé la balle dans le camp des CHSLD : à eux de décider s’il est approprié de recourir à ces appareils lors de la pandémie.
Le ministère de la Santé et des Services sociaux a diffusé une directive ministérielle mardi. « Il faut utiliser tous les moyens possibles pour qu’il y ait de la climatisation, de la déshumidification et des aires de fraîcheur dans les CHSLD », résume, en entrevue, Marguerite Blais, ministre responsable des Aînés et des Proches aidants.
Les gestionnaires, dit-elle, devront être « très créatifs ». « On ne peut pas rassembler tout le monde ensemble, dit-elle. Il faut multiplier les zones de fraîcheur dans les sections COVID et non-COVID. »
Marguerite Blais ne s’illusionne toutefois pas. « On n’aura pas le temps de tout mettre en place d’ici deux ou trois jours, dit la ministre. Mais les p.-d.g. des CIUSSS et des CISSS ont l’obligation, d’ici le 1er juin, de transmettre au ministère de la Santé et des Services sociaux un rapport sur ce qu’ils vont faire [cet été] pour chaque établissement. »
Course aux climatiseurs
Dans les CHSLD de Montréal, la course aux climatiseurs est enclenchée.
« Plusieurs patients en ont déjà un, dit la Dre Sophie Zang, cocheffe adjointe de l’hébergement au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. On va tous les installer. » Des mesures de protection seront cependant prises pour éviter que le courant d’air généré par le climatiseur ou le ventilateur ne projette des gouttelettes du virus dans les corridors des CHSLD.
« On ne s’inquiète pas pour les unités chaudes où tous les patients sont infectés et où le personnel est habillé en conséquence en tout temps, dit la Dre Sophie Zang. On ne s’inquiète pas non plus pour les unités où se trouvent seulement les gens qui ont été déclarés négatifs à la COVID-19. Les vraies inquiétudes concernent les patients suspectés en attente d’un test. »
Dans ces derniers cas, explique-t-elle, des écrans seront installés afin d’empêcher les gouttelettes d’être propulsées à l’extérieur de la chambre. Les ventilateurs sur pied, eux, devront être fixes et non orientés vers la porte. « Ceux au plafond et au mur, pour l’instant, c’est non », précise la Dre Sophie Zang.
Au CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal, des climatiseurs sont installés à la demande des résidents ou des familles, en zone froide.
« Comme nous n’allons pas regrouper des résidents dans des aires communes climatisées, nous avons commandé et nous installons des appareils additionnels, au besoin », dit son porte-parole, Carl Thériault.
Le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal assure pour sa part que l’installation des climatiseurs commencera cette semaine, « en débutant par la clientèle la plus vulnérable ».
Robert Tremblay, un résident du CHSLD Notre-Dame-de-la-Merci confiné depuis 72 jours, attend ce moment avec impatience. « Il doit faire 50 degrés dans ma chambre, dit l’homme de 60 ans, qui est paralysé. C’est assez chaud pour faire cuire un œuf ! » Il dit avoir reçu des débarbouillettes d’eau froide au dîner et au souper pour se rafraîchir. « Lorsque je demande de l’eau, je l’ai tout de suite, dit-il. Mais je ne dormirai pas beaucoup cette nuit. »
Avec les bâtiments actuels, offrir l’air climatisé à tous les résidents en CHSLD relève du défi. C’est parfois même impossible. « AU CHSLD Auclair [à Montréal], le système électrique ne pourrait pas soutenir cela, dit le Dr Jean-Pascal Oulachi, qui y travaille. Il y a un problème sur le plan de la capacité. »
Le médecin souligne que les tournées d’hydratation ont été doublées ces jours-ci. Des compresses d’eau froide sont aussi offertes aux résidents.
Dianne Dagennais, elle, a bien hâte que son amie d’enfance, atteinte du spina-bifida, soit au frais dans sa chambre du CHSLD Paul-Émile-Léger, à Montréal. « La chaleur est intense au 6e étage », dit-elle. Petit réconfort : son amie a pu sortir pour une première fois mardi à l’extérieur, après avoir été confinée dans sa chambre plus d’un mois et demi. « Vous pouvez imaginer le bonheur de juste être dans la cour intérieure », dit Dianne Dagennais. Malgré la chaleur caniculaire, la brise dans le cou est toujours douce, après tant de temps d’enfermement.