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La ministre de la Santé, Danielle McCannPhoto: Jacques Boissinot La Presse canadienne

Embauche de cadres: la confusion règne au ministère de la Santé

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Le ministère de la Santé a embauché presque deux fois moins de cadres en santé que ce qu’a affirmé Danielle McCann, la semaine dernière. Et rien pour l’instant ne laisse croire que ces embauches permettront de résorber la pénurie qu’elle a évoquée en entrevue à la télévision dimanche.

Vendredi, la ministre de la Santé a déclaré en commission parlementaire que le gouvernement avait embauché des centaines de cadres ces dernières semaines. « On a déjà agi en ajoutant plus de 400 cadres dans le réseau de la santé et des services sociaux », avait-elle déclaré, en ajoutant que l’embauche de directeurs pour chaque CHSLD était « une grande priorité ».

Dimanche, elle en parlait de nouveau à l’émission Tout le monde en parle. À l’animateur Guy A. Lepage qui lui demandait s’il y avait du « bois mort » dans les administrations locales, elle répondait qu’au contraire, il « manquait du bois ».

« Il y a beaucoup de gestionnaires qui sont partis. On a 2500 gestionnaires de moins qu’en 2015 », a poursuivi la ministre en faisant référence à la réforme Barrette. « Il y a 1200 gestionnaires dont les postes ont été abolis et il y en a d’autres qui sont partis. […] Il y a un maillon qui manque. »

Or, vérification faite, le ministère n’a pas vraiment commencé à s’attaquer au problème. D’abord, ce ne sont pas 400 cadres qui ont été embauchés, mais 243.

De plus, le ministère n’était pas en mesure de dire si certains d’entre eux avaient été placés à la tête de résidences pour aînés comme l’avait laissé entendre la ministre vendredi.

Enfin, il ne s’agit pas de véritables embauches ou de remplacements puisque la plupart d’entre eux sont là de façon temporaire pour la crise de la COVID-19. « On parle d’embauches dans le contexte spécifique de la [pandémie]. Ces embauches peuvent pallier l’absentéisme ou un [surplus] de travail temporaire », a indiqué le porte-parole du ministère Robert Maranda.

Cette information se confirme par ailleurs au niveau local.

Au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, par exemple, on a requis les services de 8 cadres supplémentaires qui sont tous affectés à de « nouveaux postes de cadres temporaires COVID ».

Le petit groupe inclut un coordonnateur d’activité qui a travaillé un mois et une chef d’activité qui n’est restée qu’une journée. Les six autres gestionnaires sont affectés à la « coordination d’activités », à « l’escouade des équipements de protection individuels ».

Sur la Côte-Nord, on précise que les cinq cadres qui se sont ajoutés à l’équipe depuis mars sont là « pour de nouveaux besoins en lien avec la COVID-19 » et « non [pas pour] des remplacements de postes existants ». Et ainsi de suite dans les cinq autres CISSS qui ont répondu aux questions du Devoir.

Pas recrutés via « Je contribue »

Pour ajouter à la confusion, le cabinet de la ministre a indiqué à deux reprises au Devoir lundi que les 400 personnes avaient été recrutées via la plateforme « Je contribue », une information par la suite confirmée par le ministère.

Or, mardi soir, le ministère a écrit au Devoir que ce n’était pas le cas. « La provenance de ces cadres embauchés ne sont pas que du site Je contribue, mais d’un ensemble d’efforts concertés pour trouver des professionnels qualifiés. »

Pour ce qui est de l’enjeu de fond dans cette histoire, certains jugent que l’idée de la ministre est bonne, même si elle ne se confirme pas sur le terrain. Dommage qu’on ne parle pas de « solutions pérennes », note Chantal Marchand de l’Association des gestionnaires en santé et services sociaux (AGSSS).

« Ramenez-nous les gestionnaires de proximité. Un gestionnaire qui supervise des employés dans sept ou huit établissements différents, c’est pas vrai qu’il est là tous les jours. »

À l’heure actuelle, il y a dans le réseau 300 gestionnaires de moins que ce qui était autorisé après la réforme Barrette, poursuit-elle, en mentionnant que les affichages de postes de cadres dans le réseau étaient déjà nombreux avant la crise de la COVID-19.

Le réseau n’a pas seulement besoin de gestionnaires dans les CHSLD, ajoute Mme Marchand. « Regardez la commission Laurent, ça prend des gens en protection de la jeunesse, en réadaptation… »

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