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La protectrice du citoyen, Marie Rinfret, a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les ratés du système de santé durant la crise sanitaire.Photo: Jacques Boissinot La Presse canadienne

La protectrice du citoyen lance sa propre enquête sur les résidences pour aînés

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Le manque de personnel ne suffit pas à expliquer la situation « inacceptable » observée ces dernières semaines dans les CHSLD, selon la protectrice du citoyen, qui a décidé de lancer une enquête « systémique » sur la gestion de la crise.

« C’est plus large que la pénurie de personnel », avance Marie Rinfret en entrevue au Devoir. Même sans pénurie de main-d’œuvre, il y avait des problèmes dans « l’organisation des services », le recours « à des agences de personnel » et un manque de contrôle dans la certification des résidences privées pour aînés.

Le Protecteur du citoyen a annoncé mardi la tenue d’une enquête indépendante sur la crise dans les résidences pour aînés. L’enquête vise à la fois à « faire la lumière » sur la réponse du gouvernement à la crise et à soumettre des améliorations. L’organisme veut notamment s’assurer que les établissements sont prêts si une nouvelle épidémie survenait.

Nommée par l’Assemblée nationale, la protectrice du citoyen jouit de pouvoirs d’enquête très étendus. Elle peut visiter des installations sans préavis, appeler à témoigner les personnes de son choix et avoir accès à toute la documentation qu’elle souhaite.

« J’ai tous les outils pour me permettre d’aller chercher les faits, dit-elle. Je vais viser l’ensemble du réseau, le gouvernement le cas échéant, et je vais interpeller les parlementaires le cas échéant. »

Il est prévu que l’exercice dure plus d’un an et que le rapport soit déposé à l’automne 2021. Ne craint-elle pas qu’il soit alors trop tard et que le gouvernement ait déjà réformé le réseau ? « C’est pour ça que j’ai annoncé un rapport d’étape cet automne », répond du tac au tac la protectrice du citoyen, qui souhaite néanmoins que le gouvernement ne tarde pas à se « mettre en mouvement » parce que « la situation actuelle est inacceptable ».

Le bureau de la protectrice n’en est pas à sa première enquête sur le sujet. Selon Mme Rinfret, qui a été nommée en 2017, certains rapports du passé auraient dû être davantage pris au sérieux. « Si on avait été écoutés […], je pense que les milieux d’hébergement auraient été solidifiés de manière graduelle au fil des années. Et qu’on ne se retrouverait pas dans la crise où on est. »

Le bureau du Protecteur du citoyen avait notamment enquêté sur la résidence l’Eden, à Laval, où 46 personnes sont décédées de la COVID-19. « À ce jour, des lacunes persistent, notamment quant à l’application de consignes et à la communication avec les familles, écrivait-il dans un rapport publié en juillet dernier. Toutefois, globalement, la situation s’est grandement améliorée depuis que le CISSS a intensifié ses activités de suivi et de surveillance. »

Par ailleurs, en libérant des lits d’hôpital pour envoyer des patients vers les CHSLD, le Québec a confirmé un constat déjà fait par son organisme, poursuit Mme Rinfret : l’orientation très « hospitalocentriste » du réseau.

« Les fonds, les budgets sont dirigés vers les centres hospitaliers. […] Le gouvernement a libéré les lits dans les hôpitaux et ils ont dirigé les personnes âgées dans une ressource intermédiaire ou dans un CHSLD, constate-t-elle. Mais, au moment où on a fait ce transfert-là, est-ce qu’on s’est demandé si ces ressources étaient capables de les accueillir, compte tenu du cas, du personnel en place, des risques associés à la contagion ? »

D’autres enjeux ont souvent été pointés du doigt dans le passé, poursuit Mme Rinfret, qui mentionne le sous-financement, le manque de lits dans les CHSLD et l’organisation des services.

« La pénurie de personnel, ça faisait déjà un moment qu’on le constatait parce que les soins d’hygiène étaient reportés, observe l’avocate de formation. Lors des vacances estivales, on constatait que des personnes âgées n’étaient pas levées de leur lit. La vétusté aussi des milieux… Le “H” dans CHSLD, c’est pour “hébergement”. Ce sont des centres d’hébergement où on a des personnes qui sont de plus en plus vulnérables et il y a encore des chambres partagées par jusqu’à quatre personnes. Est-ce que ça en fait un milieu de vie ? Et est-ce que c’est correct pour prévenir la propagation des infections ? »

Même lorsque la COVID-19 sera dernière nous, il y aura des éclosions de grippe, de gastro-entérite, souligne-t-elle au passage.

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