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De simples gestes comme partager le matériel vont l'encontre de la distanciation sociale.Photo: Elaine Thompson Associated Press

La distanciation et le développement des enfants

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Comme enseignant à la maternelle, je suis convaincu des effets négatifs de la distanciation physique sur le développement affectif et relationnel des enfants.

En classe, j’utilise un référentiel de 26 images de gestes positifs qui permettent de nourrir et de prendre soin des relations. Lorsqu’on en fait l’analyse, on constate que la distanciation interdit ou nuit à l’enseignement, en classe, de la majorité de ces gestes qui sont nécessaires au développement de compétences relationnelles saines.

Nous pouvons séparer l’enseignement de ces gestes relationnels en quatre catégories par rapport à la distanciation.

Gestes désormais interdits : faire un câlin ; partager le matériel (aucun partage n’est permis) ; inviter un ami à jouer (chacun a une place pour travailler et jouer seul) ; bien jouer ensemble, faire des compromis (idem) ; inclure un autre enfant à notre groupe d’amis, ne pas le laisser seul (idem) ; rendre service (interdiction de toucher au matériel de l’autre ou à son espace de jeu et de travail) ; aider un ami à ranger (idem) ; laisser une place libre à côté de soi (chacun a une place bien délimitée) ; faire un cadeau, comme un dessin (interdiction de toucher au même matériel).

Gestes à peu près exclus (difficile de placer les enfants dans une situation favorisant l’émergence et l’enseignement de ces compétences puisque aucun travail, aucun jeu d’équipe et aucun partage de matériel n’est permis) : dire merci (les enfants ne peuvent plus s’aider de façon concrète, seulement verbalement et à une distance de 2 m) ; partager ses idées et accepter les idées d’un ami (en jouant et en travaillant seuls dans un espace qui leur est réservé, les enfants ont des interactions beaucoup plus limitées et ne sont à peu près pas confrontés aux idées des autres) ; aider un ami (seulement verbalement et à une distance de 2 m, ce qui est à peu près impossible pour les plus petits) : prendre soin d’un ami (idem) ; consoler un ami (idem) ; parler doucement lorsqu’on n’est pas d’accord (tout se faisant de façon individuelle et dans un espace réservé et protégé, il y a donc peu d’interactions où l’enfant est confronté et où il doit exprimer ses limites et ses besoins doucement même s’il est contrarié) ; faire une belle demande à un ami (il y a peu de situations où un enfant aurait à demander de l’aide à un ami ou sentirait le besoin de faire respecter ses limites) ; laisser passer quelqu’un devant soi (presque tous les déplacements sont orchestrés par l’adulte pour s’assurer que tous les enfants respectent la distance de 2 m et ne se croisent pas de trop près) ; donner la chance à un ami de faire quelque chose, lui laisser son tour (il n’y a pas d’interaction avec le même matériel).

Gestes pouvant encore être encouragés (même si le contexte est vraiment moins favorable à leur possibilité, étant donné le peu d’interactions) : sourire à un ami ; faire un clin d’œil ; regarder et écouter attentivement un ami qui me parle ; féliciter (difficile pour un enfant de prendre conscience des réalisations d’un ami qui travaille à 2 mètres, voire plus, dans la classe — pour encourager ce comportement, l’enseignant doit relever publiquement les réussites de chacun et encourager ensuite les félicitations) ; encourager (difficile pour un petit de prendre conscience des difficultés d’un ami qui travaille à 2 mètres ou plus loin dans la classe) ; s’intéresser à l’autre, lui poser des questions (difficile de s’intéresser à ce que fait un ami à une distance de 2 mètres ; il y a le risque que ce comportement disparaisse si l’adulte intervient chaque fois qu’un enfant qui s’intéresse à un autre s’en approche trop) ; dire des mots doux (se fait habituellement de façon spontanée lorsqu’il y a des interactions entre les enfants).

Gestes encore faciles à encourager : accueillir à l’arrivée ; saluer au départ.

Il m’apparaît très inquiétant de constater que la distanciation sociale exclut l’immense majorité des gestes relationnels positifs entre enfants.

De plus, dans un contexte de distanciation sociale (sans travail ou jeu d’équipe et sans partage de matériel), il est à peu près impossible, en classe, de stimuler le développement de compétences telles qu’aller vers les autres, oser, s’affirmer, être attentifs aux besoins des autres, faire des compromis, gérer des frustrations, mettre des limites et résoudre des conflits.

Je sonne donc l’alarme comme enseignant.

Si la distanciation sociale se prolonge en septembre, nous courrons le risque qu’il y ait des répercussions importantes, à moyen et à long terme, sur le développement affectif et relationnel des jeunes d’aujourd’hui et sur leurs interactions futures, quand ils seront adultes.