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Le directeur parlementaire du budget à Ottawa, Yves Giroux, se dit préoccupé par la situation sans précédent qui vient sans capacité de surveillance immédiate de la part du Parlement.Photo: Adrian Wyld La Presse canadienne

Yves Giroux en appelle à la transparence d’Ottawa et à la vigilance des élus

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Le gouvernement Trudeau s’est donné des pouvoirs discrétionnaires sans précédent pour répondre à la crise de la COVID-19 qui commande une transparence de sa part et une vigilance du Parlement tout aussi importantes, prévient le Directeur parlementaire du budget à Ottawa.

« Je trouve cela très très préoccupant », a martelé Yves Giroux, mardi, lors d’une vidéoconférence devant un comité du Sénat se penchant sur les conséquences économiques de la pandémie de coronavirus. Le Conseil des ministres, quand ce n’est pas un ministre seul, a le pouvoir d’annoncer des milliards en aide, de créer de nouvelles sociétés de la Couronne ou de décider de nouveaux transferts aux provinces comme bon leur semble.

Le Directeur parlementaire du budget a dit comprendre l’importance d’assurer au gouvernement le maximum de souplesse et de rapidité d’action possible. « Ces pouvoirs sont sans précédent », souligne-t-il néanmoins, et « viennent sans capacité de surveillance immédiate de la part du Parlement ». « Heureusement, ces pouvoirs ont été limités dans le temps », mais, d’ici là, il est à espérer que le gouvernement saura au moins faire preuve de toute la « transparence » possible et que les élus le suivront à la trace.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, pourrait commencer par présenter une mise à jour budgétaire et financière, a-t-il suggéré. Il est vrai que la situation actuelle présente énormément d’incertitude, mais cela n’a pas empêché, le mois dernier, la Banque du Canada de présenter, à tout le moins, de possibles scénarios.

Une addition salée

Chose certaine, tout cela coûtera cher, a confirmé Yves Giroux. Plus cher même que sa dernière estimation.

Au dernier compte, il avait établi ce manque à gagner d’Ottawa à un peu plus de 252 milliards à la fin de l’année. Mais c’était sur la base des mesures annoncées il y a un mois. Depuis, « le gouvernement a fait de nouvelles annonces sur une base quasi quotidienne ». Le coût de ces nouvelles mesures devrait s’élever à environ 7,6 milliards, pour un déficit total de 260 milliards, a-t-il estimé avant de promettre une mise à jour complète de ses analyses financières quelque part au mois de juin.

Aux membres du comité qui exprimaient leur inquiétude devant l’ampleur de ce déficit, Yves Giroux a répété que, étant donné son taux d’endettement relativement bas avant le début de la pandémie de coronavirus, le gouvernement canadien dispose encore d’une certaine marge de manœuvre financière, le poids de sa dette par rapport à la taille de l’économie. Toutefois, « il est certain qu’on ne pourra pas rester sur cette trajectoire plus que quelques années. Un virage marqué sera nécessaire. »

Mais avant cela, l’économie aura sans doute besoin d’encore un peu d’aide des pouvoirs publics pour assurer notamment son redémarrage. Pour ce faire, il ne faudra pas trop compter sur la Banque du Canada à qui il ne reste plus beaucoup de munitions. Non, la charge principale en reviendra encore au gouvernement qui pourra, par exemple, procéder à des baisses d’impôt, ou à des programmes de dépenses, mais alors « très ciblés » parce qu’à lui non plus il ne restera pas beaucoup de munitions à utiliser.

Bonne note de Poloz

De passage à son tour devant le comité sénatorial, le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, a redit un peu plus tard dans la journée tout le bien qu’il pensait des mesures déployées par le gouvernement fédéral. Ciblées précisément de manière à soutenir les revenus des travailleurs et des entreprises touchées plutôt que le produit intérieur brut, elles devraient avoir suffisamment protégé leur confiance pour éviter que le ralentissement économique ne se prolonge dangereusement.

Quant aux moyens d’action encore à la disposition de la banque centrale, son gouverneur se fait rassurant. S’il est vrai qu’on peut difficilement encore abaisser beaucoup un taux directeur qui n’est plus qu’à 0,25 %, et que le gros du travail de relance économique devra être fait par les gouvernements, toutes les autres mesures d’injection de liquidités pour assurer le bon fonctionnement des marchés financiers peuvent encore être musclées.