CHSLD: climatiseurs et ventilateurs possibles avec certaines précautions
by Élisabeth FleuryQuébec s’active afin que les usagers et le personnel des CHSLD ne souffrent pas trop de la chaleur annoncée dans les prochains jours et pendant la saison estivale, a-t-on assuré lundi lors du point de presse du gouvernement Legault. L’utilisation de ventilateurs sur pied ou de climatiseurs mobiles est possible en milieux de soins dans un contexte de COVID-19, mais certaines précautions doivent être prises, indique l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) dans un avis qui vient d’être publié.
Actuellement, à peine le tiers des chambres des 319 CHSLD publics de la province sont climatisées, selon la ministre responsable des Aînés, Marguerite Blais, qui rappelle en entrevue que plusieurs installations sont trop vétustes pour supporter des charges électriques supplémentaires.
«Il faut être extrêmement agile. Quand on reconstruit ou qu’on rénove, on s’arrange pour qu’il y ait ce qu’on appelle une ventilation mécanique dans tout le bâtiment, et même dans les chambres et toutes les unités, et ça, ça comprend une déshumidification de l’air», explique la ministre.
Si à peine 30 % des chambres sont climatisées, la très grande majorité (97 %) des CHSLD comportent au moins une zone climatisée ou déshumidifiée, selon Mme Blais.
«Dans les régions plus chaudes, comme Montréal ou Laval, c’est 100 % des CHSLD qui ont des zones climatisées ou déshumidifiées, où l’air est tempéré», précise la ministre, tout en soulignant que la problématique n’est pas la même dans des régions moins chaudes comme la Côte-Nord, la Gaspésie ou l’Abitibi.
Le problème à l’heure actuelle, c’est qu’on a dans les CHSLD des zones COVID-19 et d’autres qui ne le sont pas. «Là où on avait un espace tempéré, il va falloir être créatif et en faire plus. Faire plus d’espaces tempérés dans les unités COVID-19 et dans les unités non COVID-19, parce qu’on ne peut pas [mélanger] les patients» infectés et ceux qui ne le sont pas, explique la ministre.
«Une des solutions qu’on regarde aussi actuellement, c’est l’aménagement par des entrepreneurs de systèmes qui propulsent de l’air frais à l’intérieur des bâtiments. Est-ce que ça peut aller jusqu’au 5e étage? Comment ça peut se répartir?» expose-t-elle.
Marguerite Blais promet aussi de faire en sorte que «tous les CHSLD qui en ont la possibilité puissent accueillir des climatiseurs portatifs» (qui seraient fournis par les usagers).
«Je sais qu’on hésitait énormément à permettre ces systèmes-là à cause du virus, mais on ne peut pas laisser les usagers et le personnel qui travaille avec des équipements de protection dans cette chaleur-là», estime Marguerite Blais.
Au point de presse du gouvernement Legault, lundi, la ministre de la Santé, Danielle McCann, a convenu que le gouvernement s’était «un peu fait prendre» avec la canicule annoncée dans les prochains jours, en plein mois de mai, «ce qui n’est pas très fréquent».
«On a un plan qui devait se déployer au mois de juin pour ajouter des unités additionnelles de climatisation, et on va le devancer, et même l’accélérer», a-t-elle promis.
Le directeur national de santé publique a pour sa part indiqué pendant le point de presse de 13h qu’une directive allait être envoyée «au courant de la journée» à tous les pdg des CIUSSS et des CISSS «pour s’assurer que les usagers des CHSLD ne souffrent pas de la chaleur».
Le Dr Horacio Arruda a aussi dit avoir lu l’avis de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) sur le risque de transmission de la COVID-19 lié à l’utilisation de climatiseurs mobiles ou de ventilateurs sur pied en milieux de soins.
«On sait qu’il y a certaines façons de faire, qu’il ne faut pas envoyer l’air dans le visage des personnes pour ne pas envoyer, s’il y en avait, des gouttelettes sur le visage», a-t-il dit.
Le Dr Arruda a également évoqué la possibilité que soient installées des génératrices extérieures dans certains bâtiments dont le système électrique est vétuste «afin de permettre de rafraîchir les chambres».
Le premier ministre François Legault a de son côté rappelé l’objectif de son gouvernement de doter le Québec de maisons des aînés, «où chaque chambre serait plus grande et climatisée». «Mais on ne peut pas faire ça du jour au lendemain», a-t-il souligné, rappelant qu’une dizaine de projets étaient toutefois commencés.
Avis de l’INSPQ
Dans son avis publié en fin de journée, lundi, l’INSPQ souligne qu’il n’existe pas dans la littérature de données probantes substantielles spécifiques à l’utilisation de climatiseurs mobiles ou de ventilateurs sur pied pour des usagers infectés par la COVID-19 ou suspectés de l’être. La décision d’utiliser ces appareils en zone chaude doit donc être soumise localement à une évaluation du risque pour déterminer si les avantages dépassent les désavantages, indique l’organisme.
Si on juge que l’utilisation de ces appareils est nécessaire pour la santé et la sécurité du personnel, des principes directeurs sont à respecter. Ainsi, pour tous les usagers, le flux d’air provoqué par ces appareils ne doit pas être orienté vers la porte de sortie de la chambre ou de l’unité pour éviter la dispersion de gouttelettes.
De même, comme l’a évoqué le Dr Arruda en point de presse, le flux d’air ne doit pas être orienté vers le visage de l’usager ou d’un autre usager. «Si cela n’est pas possible, un déflecteur ou un écran pourrait être installé devant l’appareil pour rediriger le flux d’air loin du visage des occupants», écrit l’INSPQ.
Dans une chambre hébergeant plusieurs usagers, une évaluation du risque pour chaque usager doit être faite. «De plus, il est recommandé d’arrêter le système de rotation du ventilateur sur pied afin d’éviter la dispersion radicale ou non contrôlée des particules», ajoute l’organisme.
Dans les unités où sont hébergés des usagers infectés par la COVID-19 ou suspectés de l’être, il faut prévoir un entretien fréquent (désinfection et nettoyage) des ventilateurs sur pied et des climatiseurs mobiles. L’INSPQ recommande également d’arrêter les appareils lors d’interventions médicales générant des aérosols ou de procédures stériles ou aseptiques.
«Le port du respirateur N95 n’est pas requis dans les endroits où ces appareils sont utilisés puisque ceux-ci ne produisent aucune aérosolisation de sécrétions respiratoires. Par contre, les flux d’air qu’ils produisent peuvent contribuer à disperser les gouttelettes infectieuses émises par l’usager», indique l’INSPQ, qui souligne du reste l’importance de «limiter le nombre de personnes provenant de l’extérieur qui circulent dans les installations et les unités en période d’éclosion (installateur de climatiseur, par exemple)».
Situation dans la Capitale-Nationale et Chaudière-Appalaches
Dans la Capitale-Nationale, 100 % des CHSLD publics disposent d’au moins une aire commune climatisée (salon ou salle à manger, par exemple).
Des climatiseurs personnels peuvent aussi être installés dans les chambres si les installations électriques le permettent, signale une porte-parole du CIUSSS de la Capitale-Nationale, Annie Ouellet. «L’an dernier, on a reçu seulement une vingtaine de demandes, et elles ont toutes été répondues positivement», précise-t-elle.
Au-delà de la climatisation, des mesures comme l’hydratation fréquente des usagers, la distribution de rafraîchissements et les sorties à l’extérieur, à l’ombre, peuvent être appliquées, ajoute Mme Ouellet.
Le CIUSSS de la Capitale-Nationale prendra connaissance de l’avis de l’INSPQ avant de décider «ce qu’on peut faire de plus» en période de pandémie «pour assurer à la fois le confort et la sécurité des usagers et des membres du personnel».
Dans les CHSLD publics du CISSS de Chaudière-Appalaches, la majorité des chambres ne sont pas climatisées, mais les aires communes le sont. L’établissement permet également l’utilisation de climatiseurs personnels si les installations électriques le permettent, précise la porte-parole Mireille Gaudreau.
«Nous travaillons au déploiement de mesures pour s’adapter à la nouvelle réalité de la COVID-19, tant pour les résidents que pour les employés», indique Mme Gaudreau.