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Avocate verbalisée devant le tribunal : pourquoi le procureur classe sans suite
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Avocate verbalisée devant le tribunal : pourquoi le procureur classe sans suite

Samedi, Me Hanna Rajbenbach s’était vu délivrer une amende de 135 euros pour rassemblement interdit sur la voie publique, alors qu'elle échangeait avec des proches de ses clients devant les grilles du tribunal judiciaire de Paris.

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C’est une vidéo postée par une journaliste indépendante attendant son compagnon après quarante-huit heures de garde à vue, qui, samedi 23 mai, a provoqué l’indignation de nombreuses robes noires. On y voit une équipe de policiers, casqués et en tenue d’intervention, entourer une avocate et un groupe de personnes, devant le tribunal judiciaire de Paris, pour les verbaliser. «Ce n’est pas un rassemblement, ce sont des personnes qui viennent chercher leurs proches au tribunal, leur explique, médusée, Me Hanna Rajbenbach, qui représentait trois clients déférés après avoir participé jeudi dernier à une manifestation en soutien aux soignants organisée devant l’hôpital Robert-Debré. Ils viennent de passer quarante-huit heures de privation de liberté pour un classement sans suite, pour des faits qui ne sont pas constitués. Je sors du dépôt, je viens expliquer aux proches ce qui se passe, et vous me dites qu’on va tous se faire verbaliser, y compris l’avocate ?» Face à elle, un brigadier lui répond laconiquement : «Avocat ou pas, vous devez respecter les distances.»

Dans la foulée, la préfecture de police de Paris se félicitait sur Twitter de cette intervention, indiquant que 16 personnes avaient été verbalisées devant le tribunal de grande instance de Paris pour non-respect de l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes en raison de l’état d’urgence sanitaire. Sur les réseaux sociaux, l’avocate reçoit de nombreux soutiens. Dont celui de Christiane Féral-Schuhl, la présidente du Conseil national des barreaux (CNB), qui représente les 70 000 robes noires du pays : «Verbaliser un avocat qui exerce sa mission (là où il peut) est plus qu’inquiétant. Je m’étonne de l’absence (intentionnelle ?) de discernement et des ordres donnés. Les avocats, de plus en plus poussés hors des tribunaux, ne peuvent pas en plus être poursuivis sur la voie publique.»

Choix «disproportionné»

Ce lundi, le parquet de Paris a indiqué à l’AFP avoir classé sans suite le procès-verbal établi contre MRajbenbach. Avec ce commentaire du procureur de la République, Rémy Heitz : «On ne verbalise pas un avocat dans l’exercice de ses fonctions sur le parvis du tribunal de Paris.» Joint par Libération, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris, Oliver Cousi, dénonce le choix «disproportionné» de la préfecture de police de dépêcher «une équipe de vingt-cinq personnes». «MRajbenbach était présente pour des raisons professionnelles, devant le tribunal qui est son lieu de travail, et n’est pas responsable de l’attroupement. C’est aux gardes et aux policiers en faction de faire respecter les gestes barrières du côté des justiciables qui attendent une décision, souligne-t-il. Pas à l’avocate.»

MCousi indique néanmoins que la préfecture «a pu imaginer un rassemblement» de soutien à l’un des prévenus, le gilet jaune Stéphane Espic. Ce lundi, l’intéressée a réagi sur Twitter à ce classement sans suite, et réclame l’annulation de la totalité des verbalisations dressées devant le TGI, qu’elle juge «illégales» : «Mon activité professionnelle consistait à rencontrer les proches de mes clients pour les tenir informés, ce sont eux qui doivent être protégés par les droits de la défense.»

Contactée par Libération, la préfecture de police de Paris a indiqué qu'«une trentaine de personnes se sont rassemblées devant le tribunal judiciaire en soutien à quatre personnes interpellées le jeudi 21 mai». La préfecture a également précisé qu’à «l’arrivée des forces de l’ordre, certains se sont dispersés mais seize personnes sont restées sur place malgré l’interdiction de rassemblement de plus de dix personnes. Ils ont fait l’objet d’une verbalisation».