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Jean-Marie Bigard en mai 2014 à Paris.
Photo Joël Saget. AFP

Bigard, Zemmour, Villiers… quand Macron flatte les réacs

Le Président cultive ses liens avec des figures de droite parmi les plus discutables. Une stratégie censée lutter contre le populisme.

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Une petite faveur à Philippe de Villiers, un coup de fil «sympa» à Jean-Marie Bigard, un message de soutien à Eric Zemmour… Jusque dans les couloirs de l’Elysée, les amabilités du chef de l’Etat pour des personnages incarnant le populisme et la droite la plus extrême passent assez mal. Sollicités par Libération, conseillers et communicants ne se bousculent pas pour expliquer ces interventions présidentielles. Il se trouve tout de même quelques volontaires pour tenter un décryptage : si Macron parle aux populistes, c’est qu’il veut les désarmer en franchissant les barrières derrière lesquelles ils font prospérer leurs discours, explique-t-on en substance.

Ivrogne

L’analyse peine à convaincre certains dans la majorité. «Le Président appelle qui il veut, quand il veut. Le problème, c’est de le voir répondre en direct à un poivrot aviné qui nous parle de ses couilles. C’est pire que Leonarda», peste une parlementaire macroniste mainstream, en référence aux propos de Bigard. Comme beaucoup de ses collègues, cette élue LREM n’a pas compris que le Président réserve ainsi un traitement de faveur à l’humoriste qui, au motif qu’il en a «marre de voir des guignols nous diriger», diffusait début mai sur les réseaux sociaux une vidéo - visionnée près de quatre millions de fois - dans laquelle il interpellait le Président avec des intonations d’ivrogne pour faire rouvrir les bistrots. Au micro de Sud Radio dimanche, Bigard révélait avoir reçu une réponse du sommet de l’exécutif. «Je ramène ma gueule, je chie sur le Président et le Président m’appelle. Je trouve ça génial», triomphait-il.

Selon l’un de ses conseillers, les gestes de Macron en direction de personnalités qui lui sont ouvertement hostiles visent d’abord à protéger le pays du péril populiste. «Si on veut que les gens sensibles à ces personnes ne leur tombent pas dans les bras en 2022, il faut leur parler, leur manifester de la considération, montrer qu’on les entend», explique-t-il. Comme tous les experts des questions politiques, les stratèges de la majorité considèrent que le risque est désormais bien réel de voir émerger une personnalité antisystème issue de la société civile, comparable à l’Américain Donald Trump ou à l’Italien Beppe Grillo.

Cette inquiétude justifiait déjà le déplacement controversé du chef de l’Etat à Marseille le 9 avril pour rencontrer le professeur Raoult. Plébiscité sur les réseaux sociaux des gilets jaunes, celui qui se fait fort de guérir le Covid-19 à l’hydroxychloroquine s’est retrouvé, dans les enquêtes d’opinion, parmi les «personnalités politiques» préférées des Français depuis le début de l’épidémie. En passant voir ce «grand professeur», Macron ne voulait pas laisser s’installer l’idée qu’il y aurait une médecine du pouvoir qui n’aurait que mépris pour ceux qui sortent du cadre. La même explication est avancée par ce conseiller pour justifier le coup de fil à Eric Zemmour après l’agression dont ce dernier a été victime dans la rue 30 avril : «On nous dit : "Vous êtes en train de légitimer un type qui crache sur les musulmans." Mais ce n’est pas du tout ça. Laisser sans réponse ce type d’agression, c’est au contraire faire le jeu des extrémistes et des identitaires. Ils n’attendent que ça pour trouver une justification à leur violence.»

Vicomte

C’est ainsi qu’il faudrait aussi comprendre le traitement de faveur réservé à Philippe de Villiers, champion d’un souverainisme aux accents complotistes. Bousculant au passage son Premier ministre, Macron a fait du sauvetage du Puy du Fou, deuxième parc à thème français, une affaire personnelle. Le vicomte vendéen s’est fait un plaisir de raconter lundi au Figaro le détail de ses échanges avec le chef de l’Etat. Et c’est, assure-t-il, avec l’accord de ce dernier qu’il a rendu public le contenu du SMS présidentiel annonçant pour le 2 juin la réouverture de son parc.

Au-delà de leurs justifications politiques, les gentillesses du chef de l’Etat à l’égard de ses opposants de droite les plus radicaux semblent avoir des origines plus intimes. «Il connaît très bien les codes de la culture de droite. D’où l’intérêt, parfois même la fascination, de ses interlocuteurs», confie un familier de l’Elysée. En avril 2019, la remise de la Légion d’honneur à Michel Houellebecq en avait donné une éloquente illustration. Parmi les invités du jour, le directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, Geoffroy Lejeune, avait félicité Macron pour le discours qu’il avait improvisé, quelques jours plus tôt, sur le parvis de Notre-Dame ravagée par les flammes. «En fait, vous n’êtes jamais meilleur que quand vous êtes sur notre terrain», avait lancé le journaliste. Réponse en forme d’aveu de Macron : «C’est celui que je préfère