https://image1.lamontagne.fr/photoSRC/VVNUJ1paUTgIBhVOCRAHHQ4zRSkXaldfVR5dW1sXVA49/reportage-la-problematique-des-librairies-la-librairie-giber_4770649.jpeg
La crise sanitaire a porté le coup de grâce à un site qui se battait depuis des années pour survivre. © Francis CAMPAGNONI

La liquidation judiciaire de la librairie Gibert Joseph à Clermont-Ferrand se confirme

Jeudi 28 mai, dans la matinée, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand examinera la demande de dépôt de bilan de la librairie de l'avenue des Etats-Unis, déposée par la direction du groupe Gibert Joseph. La liquidation judiciaire est probable. Les quatorze salariés sont amers et inquiets. 

Le jour du grand déconfinement approchait. Mais, à l'approche du 11 mai, les quatorze salariés de la librairie Gibert Joseph, enseigne présente à Clermont-Ferrand depuis 1942, n'avaient aucune nouvelle de leur direction. Rien sur le port du masque, aucune information sur les mesures de distanciation sociale à respecter quand le magasin rouvrirait. « On ne s'est d'abord pas affolés », se souvient Jean-Philippe Baré, représentant du personnel au comité social et économique et responsable de la partie scolaire et universitaire de la librairie.

https://www.lamontagne.fr/photoSRC/Gw--/reportage-la-problematique-des-librairies-la-librairie-giber_4770648.jpeg
La librairie Gibert Joseph n'a pas rouvert ses portes depuis le 17 mars. Photo Francis Campagnoni

Mais quand les autres librairies du groupe ont commencé à rouvrir leurs portes, la suspicion est montée d'un cran. « On s'est aussi dit que la direction voulait faire jouer le chômage partiel jusqu'au bout. » Les rumeurs sont arrivées. De plus en plus insistantes. « J'ai su qu'un dossier de cessation de paiement avait été déposé au greffe du tribunal de commerce. » Les choses s'accélèrent. « Le DRH s'est déplacé de Paris à Clermont-Ferrand. Il m'a rencontré avec mon suppléant et a indiqué que l'on partait sur la liquidation judiciaire de la librairie. »  

Salariés pour la plupart quadragénaires ou quinquagénaires

Jean-Philippe Baré, qui, comme la plupart de ses treize autres collègues, affiche vingt-cinq ans d'ancienneté - « la majorité de mes collègues sont des quadras ou des quinquas » - n'a guère de doute sur l'issue de l'audience prévue ce jeudi 28 mai. 

« La probabilité qu'une décision autre que la liquidation judiciaire soit prononcée est très faible. Nos dirigeants sont partis là-dessus, les comptes ne permettant pas d'espérer un redressement judiciaire. »Jean-Philippe Baré ( Salarié de Gibert Joseph depuis 25 ans et représentant du personnel)
https://www.lamontagne.fr/photoSRC/Gw--/capture_4770718.jpeg

Si la juridiction décide effectivement de mettre fin à l'activité de la librairie, un liquidateur judiciaire sera alors désigné. Et les 14 salariés seront licenciés. 
« Il n'y a pas forcément de colère chez les salariés, indique le représentant du personnel. Il y a de l'amertume et de la frustration, plutôt. Les gens étaient attachés à leur métier et à leur enseigne. Il y a aussi beaucoup d'inquiétudes sur la suite. Avec notre tranche d'âge, ça va être très compliqué de retrouver quelque chose, surtout vu le contexte économique... »

Le Covid-19, le coup de grâce

La crise sanitaire a porté le coup de grâce à un site qui se battait depuis des années pour survivre. « Il y a de nombreuses années que nous sommes dans la difficulté financière, avoue Jean-Philippe Baré. Parce que certains choix n'ont pas été faits et d'autres qui ont été faits n'étaient pas les bons. » Sans compter que le marché du livre d'occasion est devenu concurrentiel. Et que les manuels scolaires et universitaires se vendent de moins en moins, les établissements du supérieur optant de plus en plus pour le format numérique. 

« Nos dirigeants ont fait ce qu'ils pouvaient »

« Je pense néanmoins que nos dirigeants ont fait ce qu'il pouvaient pour sauver cette entité », dit Jean-Philippe Baré. Illustration ? « Au premier trimestre 2020, notre directrice est partie. il y a eu une interrogation sur le devenir du site. Mais le choix a été fait de continuer, en recherchant un nouveau directeur et en embauchant deux jeunes en CDD. Un de nos collègues avait même été promu responsable de la papeterie. Il était prévu de repartir au 11 mai. » Mais le Covid-19 a sonné la fin de l'histoire. « Le confinement est arrivé alors  que le bilan comptable tombait : on peut penser que nos dirigeants n'ont pas eu le choix... »   

Dans un communiqué publié ce vendredi 22 mai sur sa page Facebook, la section CGT de la librairie Gibert Joseph dénonce la « fermeture brutale » de trois magasins en France. Outre celle de Clermont-Ferrand, les enseignes d'Aubergenville et de Chalon-sur-Saône sont également concernées. Soit une trentaine de salariés au total. 

Contactée, la direction du groupe Gibert Joseph n'a pas réagi. 

Nicolas Faucon