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Le ministre de la Santé, Olivier Véran, et le Premier ministre, Edouard Philippe, à l'ouverture du «Ségur de la santé» à Paris lundi.
Photo Michel Euler. AFP

Edouard Philippe promet du «radical» pour l'hôpital

Le Premier ministre a ouvert lundi le «Ségur de la santé», vaste concertation qui doit durer sept semaines, censée tirer les leçons de l'épidémie de Covid-19.

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Les choix, c’est promis, seront «forts et rapides». Les changements, «radicaux». Le quotidien des soignants, transformé «dans les tout prochains mois». Edouard Philippe a placé haut la barre des attentes en ouvrant, lundi, le «Ségur de la santé», une concertation censée tirer les leçons de l’épidémie de Covid-19 et réformer en profondeur le système hospitalier. «On ne répondra pas à la crise que nous connaissons, à son ampleur, par des demi-mesures», a décrété le chef du gouvernement, souhaitant utiliser «ce moment pour dénouer les blocages du système». Et à un rythme exigeant, la discussion, animée par l’ancienne secrétaire générale de la CFDT Nicole Notat, devant déboucher «sur des décisions en juillet».

Sur la politique hospitalière suivie jusqu’ici par le gouvernement, Edouard Philippe s’est montré moins sévère qu’Emmanuel Macron. «On a sans doute fait une erreur dans la stratégie», avait récemment jugé le chef de l’Etat au sujet de la loi «Ma Santé 2022», adoptée en 2019. Plus positif, son Premier ministre a félicité l’exécutif d’avoir «mis fin à la sempiternelle baisse des budgets» et «cassé la logique des silos». «Je continue à penser que c’était le bon cap», a-t-il fait savoir, estimant qu’il s’agissait davantage, pour la concertation, de changer le «rythme» que la substance de cette politique. Sans devancer les conclusions des 300 représentants du monde de la santé associés aux travaux, et devant lesquels il s’exprimait en vidéoconférence, il a toutefois acté quelques lignes directrices. «Certains niveaux de rémunération ne sont pas à la hauteur de l’engagement» consenti pendant la crise, a-t-il noté, annonçant une revalorisation «significative» de ces traitements, couplée à une réforme des déroulés de carrière.

«Choc de simplification»

L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam), fixé annuellement, sera lui aussi augmenté. Sujet plus délicat, mais dont Edouard Philippe a refusé de faire un «tabou» : le temps de travail à l’hôpital. «Là encore, le maître-mot doit être celui du pragmatisme», a-t-il jugé. Sans préciser quelles conclusions lui sembleraient bienvenues, mais classant la question parmi les «contraintes de toute nature» à examiner au cours de la concertation. Sur le plan financier, à la reprise déjà annoncée d’un tiers de la dette des hôpitaux publics, doit s’ajouter un «vaste plan d’aide à l’investissement». Son montant n’a pas été précisé, mais il sera orienté vers les besoins du «fonctionnement quotidien», davantage que vers «une course effrénée à la construction de nouveaux bâtiments». Edouard Philippe a également questionné l’importance de la tarification à l’acte. Celui-ci ne devra «plus être l’unique boussole du financement des activités hospitalières», et devra être complété d’un «système plus intelligent, plus respectueux de la qualité des soins […], moins ancré sur la nécessité de multiplier les actes pour multiplier les recettes».

Le Premier ministre a vu dans les contraintes imposées à l’hôpital un «accélérateur de changement» : «Des réformes dont la mise en œuvre a pu être difficile ont connu des accélérations, des procédures vécues comme des carcans ont été suspendues.» Un «choc de simplification» dont il veut«à tout prix» préserver les acquis, notamment par une réflexion sur les «modes de management», sur le déploiement de la télémédecine ou encore une meilleure exploitation numérique des données sur les patients : le déploiement de l’espace numérique de santé, qui doit regrouper beaucoup d’entre elles, est classé «prioritaire». Le statut du médecin, enfin, pourra évoluer, intégrant d’autres titres que celui de praticien hospitalier pour reconnaître «l’engagement des activités non cliniques».

Instances locales

Dernier acquis à préserver de la crise : la coordination entre les différents acteurs du système de santé – hôpitaux, cliniques privées, médecine de ville… «Une organisation vraiment territoriale, tournée vers les patients, a vu le jour», a salué Philippe, soulignant que des liens «que nous n’avions jamais réussi à établir se sont tissés en quelques semaines». L’exécutif entend les systématiser en «couvrant le territoire de communautés professionnelles territoriales de santé» (CPTS), instances locales regroupant les différents acteurs autour d’un projet de santé. Les participants au «Ségur» ont sept semaines pour en débattre, sous la pression d’un monde hospitalier dont plusieurs syndicats envisagent une journée de mobilisation, mi-juin.