ENQUETE - Après s'être déchiré concernant l'arrêt de la saison, le football français s'écharpe sur l'épineux dossier de la répartition des droits télévisés de la saison prochaine

Par Antoine MAIGNAN

Après s'être déchiré concernant l'arrêt de la saison, le football français s'écharpe sur l'épineux dossier de la répartition des droits télévisés de la saison prochaine, ceux de l'alléchant contrat signé avec Mediapro. Entre inconnues qui persistent et désaccords Ligue 1-Ligue 2, les discussions houleuses ne sont pas terminées...

- La manne n'en est plus une -

Il est loin, le temps où les dirigeants du football français salivaient d'avance devant le fameux "milliard annuel" (1,217 milliard d'euros, Ligue 1 et Ligue 2 comprises) obtenu par la Ligue de football professionnel (LFP) lors de l'appel d'offre du cycle 2020-2024. L'arrivée du diffuseur sino-espagnol Mediapro semblait assurer plus de 400 millions d'euros annuels de revenus supplémentaires par rapport au précédent contrat, mais la pandémie de coronavirus a rebattu les cartes.

D'une part, une grande partie de ces 400 millions additionnels sera utilisée pour commencer à rembourser le prêt garanti par l'Etat (PGE) de 224,5 millions d'euros contracté par la LFP pour soulager à court terme les trésoreries. Et d'autre part, les conditions du démarrage de la saison prochaine (huis clos, reports éventuels...) laissent planer le doute sur l'échéancier, voire le montant du futur contrat.

"Tant que ce virus est au-dessus de nos têtes, il y a une menace", soulignait la semaine dernière Bernard Caïazzo, le président du syndicat Première Ligue, majoritaire en L1, lors d'une conférence de presse. "S'il y a une deuxième vague du virus, que se passe-t-il avec les droits TV?", s'interroge le président de Lorient Loïc Féry, concédant à demi-mot qu'il faudra peut-être revoir certaines dispositions contractuelles dans le but d'éviter une suspension unilatérale des versements, comme l'ont fait Canal+ et beIN Sports cette saison, en cas de nouvelle interruption des compétitions.

"L'industrie doit trouver une solution constructive pour gérer ce type d'imprévu (...) On peut faire les erreurs une fois collectivement, mais faire deux fois la même erreur serait un manque de lucidité", poursuit le patron du club breton, promu en L1.

- La L1 tombe d'accord -

Entre présidents de Ligue 1, le mode de répartition du nouveau contrat semble faire consensus. Un accord, révélé par le quotidien L'Equipe, avait déjà été trouvé en mars, à l'aube de la crise, entre les 20 clubs de l'élite pour se répartir de manière parfaitement égalitaire les 400 millions d'euros annuels supplémentaires.

Cet accord a été validé vendredi lors du collège de L1, réunion des 20 présidents, a-t-on appris de source proche du dossier. Petit ajout: un volet de conditions supplémentaires ont été intégrées, relatives à une modification de la gouvernance de la LFP plus favorable aux clubs de Ligue 1. Un tout autre débat, pour le moment largement retardé par l'actualité... L'accord, qui prévoit par ailleurs que les droits internationaux de la L1 (environ 60 M EUR par an) seront eux exclusivement répartis entre neuf équipes à "vocation européenne", doit désormais être adopté mercredi matin par le Conseil d'administration de la LFP.

- Divorce L1-L2 -

Autre sujet, beaucoup plus brûlant, la répartition des droits TV entre L1 et L2, objet de vifs désaccords mardi soir à la veille de l'assemblée générale de la Ligue, où ce sujet sera débattu. Les clubs de deuxième division, soumise actuellement à un plafond de ses droits TV annuels à 110 millions d'euros, se sont mis d'accord la semaine dernière pour demander un déplafonnement, pour obtenir "une base de pourcentage de 12,4%, ce qui fait 162 millions par an" dans le nouveau contrat, explique à l'AFP Claude Michy, président de l'UCPF, le syndicat d'une majorité des clubs de L2.

Mais leurs homologues de L1 n'en veulent pas: selon M. Michy, neuf clubs de l'élite sont contre, certains y étant "totalement opposés car ils ont besoin d'argent pour leur club qui n'est pas très bien géré". Problème: la L2 ne décide pas seule. Les clubs de L1 devront être d'accord car l'unanimité est requise pour acter ce déplafonnement.

Mais "ils ont tout balayé, il n'y a même pas eu de discussion", regrette le dirigeant de l'UCPF, indigné du "mépris" exprimé par ces clubs de L1. Pour convaincre les pensionnaires de l'élite, les clubs de deuxième division proposaient pourtant là aussi des promesses liées à la gouvernance de la LFP. Problème là aussi: la réforme de la gouvernance de la LFP n'est pas pour tout de suite. Ainsi, certains clubs de L1 ont pu juger déséquilibré cet accord.

"On ne trouvera jamais 100% des clubs de L1 pour voter le déplafonnement si la gouvernance n'est pas effective", relève un acteur de la L1. "C'est le serpent qui se mord la queue".