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Le confinement et la crise du coronavirus ont eu des impacts forts sur nos émotions — NICOLAS MESSYASZ/SIPA

« Le confinement n’a pas mis fin aux confrontations, bien au contraire »

Robert Zuili, psychologue, a conçu une application et une intelligence artificielle qui permettent de mesure l'impact de la crise du coronavirus sur nos émotions

Le confinement a, presque, pris fin. Nos relations sociales ont, presque, repris un cours normal. Mais la crise du coronavirus aura eu, et aura encore, un impact considérable sur nos relations à nos proches. Une application Web, utilisant une intelligence artificielle, se propose de mesurer cet impact « émotionnel » qu’auront eu le Covid-19 et le confinement.

Robert Zuili, psychologue clinicien et spécialiste des émotions, a développé l'application The Liiife qui fournit, une fois que l’utilisateur a répondu à une série de questions, des préconisations et conseils personnalisés pour œuvrer à la préservation des relations qui comptent. Le créateur de l’intelligence artificielle qui se cache derrière l’application nous explique comment sa technologie peut nous aider à vaincre le spleen du coronavirus.

Nous avons passé beaucoup de temps sur nos écrans pendant le confinement. En quoi passer encore du temps sur votre site peut-il nous aider ?

Il y a eu beaucoup de souffrances liées à la maladie et la crise, ou encore au confinement. De notre côté, nous avons cherché à travailler sur la question des émotions, qui est majeure. La souffrance émotionnelle naît de l’altération du lien avec les gens qui comptent pour nous. Or cette période a pu, parce qu’on ne pouvait plus communiquer normalement avec les autres, créer des distances, des malentendus. Notre modèle théorique propose une gestion des conflits, des conflits naissent des pertes de confiance.

Votre application peut réparer ces liens ?

En partie, oui. L’application a pour objectif d’analyser la capacité qu’ont les gens à bien s’entendre. Il s’agit d’une technologie que nous avions déjà développée dans le milieu de l’entreprise, comme une démarche de soutien aux RH. Le constat est que, pour la qualité de vie au travail, tout se joue dans la relation que vous avez aux autres. Même si vous avez un job de rêve, si on ne s’entend pas avec son chef ou ses collègues, on peut vivre un enfer. La question du lien est fondamentale. Mais attention, nous avons une approche éthique, on n’aide pas à choisir avec qui travailler.

En quoi cette technologie est-elle applicable dans le cas de proches qui se seraient fâchés pendant le confinement ?

Le confinement a exacerbé les émotions tout comme le stress de la vie professionnelle les exacerbe. Ces mécanismes sont les mêmes dans la vie de tous les jours. Dès le début du développement de cette technologie, je savais qu’un jour ou l’autre je développerais une application grand public.

Comment cela fonctionne-t-il ? C’est, en gros, un test de personnalité ?

Le modèle est mécanique, il s’agit d’un questionnaire qui s’adapte aux circonstances. Mais ce n’est pas un quiz de magazine, c’est une étude scientifique sérieuse, il faut s’engager un peu dans les réponses, être rigoureux, faire un effort de réflexion. Ce n’est pas fun fun… L’objectif est de se projeter dans une situation.

En quoi l’intelligence artificielle s’adapte-t-elle à la situation du confinement ?

Le confinement n’a pas mis fin aux confrontations, bien au contraire. La technologie identifie les atouts et les risques liés à vos interactions et propose de renégocier la manière dont on interagit.

Comment l’IA de votre application juge-t-elle l’impact de la crise du coronavirus sur nos relations ?

On ne se comporte plus de tout de la même manière avec les autres. Je ne parle pas seulement de nos moyens de communiquer, mais des émotions que l’on ressent lors de nos interactions. Pour beaucoup, il s’agit d’une situation très anxiogène, pour d’autres, ce n’est même pas un sujet. Et ce, peu importe les conditions du confinement. Nous ne sommes pas égaux face aux situations de stress. Dans cette situation émotionnelle, la peur est exacerbée, mais aussi l’angoisse, la colère… Tout ceci modifie nos interactions.

Une IA permet-elle, comme vous l’annoncez, de « retrouver la qualité du lien » ?

Elle pose un diagnostic. Il y a des mécanismes qui émergent. Devant nos peurs et nos colères, face à un sentiment d’incertitude, nos comportements varient. Certains vont avoir un comportement de fuite en avant, un besoin de faire des choses. D’autres sont inhibés et d’une prudence extrême, bloqués par l’incertitude. Il faut prendre en compte ces différentes appréciations de la situation, sans jugement de valeur.

Certains, par peur des conflits, subissent la situation, et le stress des autres. Ça altère la capacité à se réjouir quand des bonnes nouvelles arrivent. D’autres affichent une volonté de rébellion, veulent dénoncer les injustices, et vivent comme une violence les témoignages de personnes qui ont bien vécu, ou pas trop mal, leur confinement.

Cette application s’adapte-t-elle au déconfinement ?

Oui, car tout se joue maintenant sur le plan émotionnel. Il y a une ambivalence. Certains vont devoir faire le deuil de leur vie d’avant le coronavirus, d’autres vont devoir faire le deuil de leur confinement. Il y a une sorte de sentiment de honte d’avoir bien vécu le confinement qui émerge, de dire : « Je ne veux pas reprendre ma vie d’avant. »

Il y a aussi un sentiment d’injonction, parfois douloureux, à l’impact que cet événement doit nécessairement avoir sur moi et dans mes relations aux autres. Certains le ressentent et le décident vite. Pour d’autres, ce processus sera très long. Emotionnellement, personne n’est épargné. Dans nos fonctions émotionnelles, la crise va laisser une trace qui peut modifier notre relation au monde.

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