“Après Chypre, d’autres pays de l’UE pourraient se tourner vers le Mécanisme européen de stabilité”
L’Etat insulaire a activé avec succès cet outil de gestion de crise selon le responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank, Christopher Dembik. Notre chroniqueur estime que d’autres pays, rassurés par l’exemple chypriote, pourraient se laisser tenter par le MES.
Chypre est le premier pays de l’Union européenne à solliciter l’aide du Mécanisme européen de stabilité (MES) pour faire face à la hausse des dépenses de santé engendrée par la pandémie de coronavirus. Le pays est durement touché sur le plan économique du fait de sa forte dépendance au tourisme (contribution directe de 22% au PIB) et d’une position externe fragile qui posait déjà problème avant la pandémie (déficit important au niveau du commerce de marchandises). Le tourisme s’est effondré de 73,5% au mois de mars, renforçant ainsi les craintes d’une saison estivale anéantie par la menace de la pandémie. Si l’activité touristique reste faible en juillet et en août, le PIB pourrait chuter de plus de 13% en 2020, ce qui ferait de Chypre le pays européen le plus affecté par la crise économique engendrée par le virus. Contrairement à d’autres pays, comme l’Italie, l’utilisation de la facilité de crédit du MES n’a pas fait l’objet d’un débat intense au sein de la classe politique chypriote.
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Le MES a été rendu très attractif pour les pays en difficulté avec peu ou pas de conditionnalité (pas de surveillance renforcée et pas de macro-conditionnalité) et une faible marge prélevée pour couvrir le coût de l’emprunt contracté (0,1 %). Le marché a bien réagi à l’annonce : l’écart entre les obligations chypriotes à 10 ans et l’Allemagne s’est resserré de près de 60 points depuis le 15 mai, tandis que le CDS (credit default swap, ou couverture contre le risque de défaillance) sur les obligations à 5 ans du pays a diminué de 20 points de base sur la même période. La crainte de stigmatisation liée à l’utilisation du MES semble avoir été largement exagérée.
Si la réaction du marché reste inchangée et que la proposition conjointe d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron tarde à être mise en œuvre, d’autres pays de l’UE qui ne peuvent pas emprunter à des taux négatifs sur l’ensemble de la courbe, en particulier sur les tranches de maturité allant jusqu’à 10 ans (maturité qui correspond à la durée moyenne des prêts accordés par le MES), pourraient se tourner vers le MES.
Christopher Dembik est un économiste français et responsable de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank depuis 2016