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Jean-Pierre Karaquillo : « Bruno Cheyrou a les épaules pour s'imposer à l'OL »

« Cheyrou a les épaules pour s'imposer à l'OL »

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Comme prévu, Bruno Cheyrou a officiellement enfilé le costume de responsable du recrutement à l'OL, ce lundi. À 42 ans, l'ancien milieu de terrain a la mission de faire oublier Florian Maurice, en parvenant à s'imposer dans les coulisses du club rhodanien. Jean-Pierre Karaquillo, professeur des universités, a vu passer l'étudiant Cheyrou sur les bancs du Centre de droit et d'économie du sport (CDES), à Limoges. En fouillant dans ses souvenirs récents, il revient sur ses années de formation et la première décennie de sa reconversion.

Comment Bruno Cheyrou a-t-il atterri au CDES Limoges en 2013 ?
Je me souviens déjà qu’il m’avait été présenté par Eric Decroix (aujourd’hui responsable de la section féminine de Lorient, N.D.L.R.), qui avait une très bonne opinion de lui. Il m’a beaucoup parlé de lui en bien, puis Bruno est venu me voir à Limoges. Il a naturellement été sélectionné pour intégrer la 8e promo de ce master, dans lequel on pouvait aussi retrouver des footeux comme Édouard Cissé, Jean-Alain Boumsong, Ulrich Ramé...

Concrètement, comment se prépare l’admission dans la formation de manager général de clubs professionnels ?
Il y a deux étapes. La première, c’est d’aller chercher une grosse dizaine de renseignements du milieu sur la personne. Dans le cas de Bruno, ce n’était pas très compliqué : on a pu échanger avec des gens comme Pierre Dréossi, Xavier Thuilot, etc. On n'allait pas le prendre pour sa carrière de joueur. Zinédine Zidane, on ne l’avait pas pris pour son nom, on s’en fout. Si on me dit que c’est un type qui a le melon, qui se prend pour une star, c’est non. Ce n’était pas le cas de Bruno. Ensuite, il y a la rencontre avec Gérard Coudert, Jean-François Brocard ou moi. Sans faire le malin, je suis très animal, je sens les gens. Il ne faut pas attendre longtemps pour savoir si le feeling passe.

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Et qu’avez-vous senti au moment de rencontrer Bruno Cheyrou ?
Je l’ai senti très, très bien. D’abord, Bruno est très convivial, il a de l’empathie pour les gens et il dégage un vrai charisme. Dans son rapport avec les autres, vous vous apercevez rapidement qu’il n’a pas du tout le melon. Il y a des champions du monde 1998 qu’on a refusés parce qu’ils n’avaient pas les qualités nécessaires. Il faut du savoir-faire et du savoir-être. Bruno cochait déjà toutes les cases.

À l’époque, il sort d’une première expérience au sein de la cellule de recrutement du FC Nantes. En parlez-vous avec lui ?
Il avait à peine terminé sa carrière qu’il bossait déjà au recrutement à Nantes, c’est vrai. On en avait un peu parlé. En fait, il s’est très rapidement aperçu qu’il ne pouvait pas travailler avec Kita père et fils là-bas. Il n’avait aucun pouvoir, il ne pouvait pas exprimer ses capacités. Bruno a beaucoup d’aptitudes, un grand savoir et une âme de manager incontestable.

Comment décririez-vous l’étudiant Bruno Cheyrou ?
Pour ce diplôme, notre promotion ne dépasse jamais 20 étudiants (ils étaient 18 dans celle de Cheyrou en 2013-2015, N.D.L.R.). C’est quelqu’un qui s’était parfaitement intégré au groupe et qui aimait beaucoup participer. Il faut savoir qu’on ne donne pas de cours magistraux, ça ne serait pas intéressant, il y a beaucoup d’interactions pendant nos sessions, et Bruno n’était pas le dernier pour se manifester. Dans sa promo, on peut le comparer à Ramé, ce n’est pas du tout le même tempérament : Ulrich est très introverti, discret, Bruno c’est tout le contraire. Dans un groupe, il est éclairant et il dégage un charisme naturel. Il faisait clairement partie des gens qui portaient le groupe, et attention, je ne dis pas que c’était le seul. Je retiens surtout qu’il adorait échanger et qu’il était très curieux.

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Vous avez l’air séduit, mais il doit bien avoir quelques défauts.
Ne comptez pas sur moi pour ça. (Rires.) Je crois surtout que c’est quelqu’un de très ouvert sur le monde. Il a aussi cette qualité primordiale : il sait très bien séduire son interlocuteur de par ses postures et sa manière de s’exprimer.

Fin 2017, il enchaîne un deuxième diplôme en allant au bout du master exécutif pour joueurs internationaux de l’UEFA financé par l’instance européenne en partenariat avec le CDES de Limoges. Une étape supplémentaire dans son apprentissage.
Bruno a voulu se donner des atouts internationaux. Après sa formation de manager, il a intégré la première promotion de ce nouveau cursus réservé aux personnes issues du football professionnel. Il a pu se retrouver aux côtés de Raí, Éric Abidal, Christian Karembeu, Patrick Müller et bien sûr Juninho. C’était l’occasion pour lui de faire de nouvelles connaissances et surtout d’étendre son réseau, ce qui est très malin.

Comment les étudiants valident-ils leurs diplômes dans ces cursus ? Est-ce qu'il y a une épreuve finale spécifique ?
Dans le cas du MIP, ils ont une espèce de mémoire/dossier à réaliser, puis à présenter devant un jury international. Mais ils sont une trentaine dans ces promotions, je trouve que c'est beaucoup. C'est différent pour les formations internes, en petit comité. Chez nous, dans la formation de manager, ils ont deux dossiers à faire chaque année et un projet de club à présenter devant un jury de trois ou quatre membres pendant une soutenance d'une durée d'environ 1h30.

Vous souvenez-vous du projet club présenté par Bruno Cheyrou à l'époque ?

Pas du tout. (Il réfléchit.) Ah, si ! Je n'ai pas de certitudes, mais il me semble qu'il avait fait quelque chose de très solide sur Nantes ou le PSG, je ne veux pas dire de bêtises. Je me souviens que c'était extrêmement rigoureux, minutieux, très structuré. J'ai fait beaucoup d'enseignement en doctorat, et quand je vois des présentations comme celle de Bruno ou des autres étudiants au CDES, c'est bien meilleur. Ce qu'ils nous présentent comme projets au bout de leur formation, c'est fabuleux.

Dans la foulée de l'UEFA MIP, le 14 novembre 2017, il devient le nouveau directeur sportif de la section féminine du PSG.
C’est l’occasion de se lancer ! Il ne faut jamais manquer l’opportunité de mettre le pied à l’étrier, c’était le moment parfait pour lui. Je répète toujours la même chose quand on me demande conseil : « Il ne faut pas que tu hésites, mon gars ! » Bruno est suffisamment malin pour s’imposer partout.

Êtes-vous surpris de le voir prendre la tête de la cellule de recrutement à l’OL trois ans plus tard ?
Oh non, je ne suis absolument pas surpris. Il a les épaules pour s’imposer à Lyon, je dirais même qu’il est fait pour ça. Je l’ai souvent au téléphone, comme beaucoup d’autres personnes passées par le CDES. Je sais qu’il était très tenté par la perspective d’occuper un poste à responsabilités à l’OL. C’est normal que ça le titille dans la mesure où les projecteurs sont braqués sur beaucoup de gens du même profil.

On peut imaginer qu'avoir côtoyé Juninho pendant sa deuxième formation a pu l'aider à décrocher ce poste.
C'est une possibilité, mais je connais très peu Juninho, donc je ne pourrais pas vraiment vous dire de quelle nature est leur relation. J'ai juste l'impression qu'il n'est pas très expansif. Pour rester chez les Brésiliens, j'aurais plutôt comparé Bruno à Raí : ils ont le même éclat.

Il va devoir travailler avec des grands noms : Jean-Michel Aulas, Gérard Houllier, Juninho. La cohabitation entre ces personnalités pourraient parfois être délicate.
Je ne me fais pas de souci pour ça, Bruno est suffisamment subtil pour savoir jusqu’où il peut aller. Il sait bien qu’il ne pourra pas la jouer frontale avec un dirigeant comme Aulas, c’est peine perdue. Mais je suis sûr que le président lyonnais ne fonctionnera pas en imposant les choses, il délègue en fonction de sa confiance. Surtout, je pense que Bruno saura faire passer ses messages intelligemment, tout en faisant attention à rester à sa place. Ce n’est pas du tout un bourrin, les dirigeants de l’OL vont rapidement le découvrir.