Touquet : des grains de sable dans le rouage des plagistes
by Kathleen MeneghiniDepuis quelques jours, la plage du Touquet est rouverte, mais les acteurs économiques en sont absents. L’été se fera-t-il avec ou sans eux ? Et dans quelles conditions pourront-ils travailler ?
Du sable à perte de vue, sans rien qui vienne accrocher l’œil… La réouverture de la plage telle qu’on la connaît depuis quelques jours réjouit assurément ceux qui prêchent pour une plage 100 % nature, sans activité commerciale.
Reste qu’au Touquet, ces dites activités font partie du paysage de Pâques à la Toussaint. Les clubs de plage ont, pour la plupart, vu passer trois générations ; les tentes VIC sont de tous les clichés et les modules, tant décriés, créent aujourd’hui une émulation incontestable. Et c’est aussi, pour une centaine de jeunes, l’occasion de trouver un job d’été.
Mais tout ça, c’était avant la crise sanitaire… À quoi va donc ressembler l’été 2020 dans le sable du Touquet ? On a fait le point avec plusieurs acteurs de la plage.
Ojem veut préserver les emplois
Vincent Miellot, c’est monsieur Ojem ! Avec son épouse, Sophie, et son associé, Loïc, ils gèrent trois clubs de plage qui accueillent habituellement les enfants dès les vacances de Pâques. Comme ses collègues, Vincent ignore encore à quelle date il pourra rouvrir : « On en saura plus début juin si on sort de la zone rouge. » Ce dont il est sûr, en revanche, c’est que « ça ne se fera pas dans les mêmes conditions ». Exit les activités libres et les sports collectifs : « J’ai écrit un protocole qui sera envoyé en mairie et en préfecture, car chaque plage a sa particularité, mais globalement on sait qu’on devra travailler en atelier, en activités dirigées avec des groupes entre 10 et 15 enfants et maximum 10 enfants pour les moins de 6 ans. On prendra aussi sûrement moins d’enfants que d’habitude et il faudra s’inscrire au plus tard la veille, plus question de venir le matin pour déposer son enfant sans inscription au préalable. Il faudra aussi qu’on fixe des horaires précis afin qu’il n’y ait pas d’attente, c’est tout un planning à mettre en place. On doit faire tout ce qu’il faut pour rassurer les parents. Et puis je vais demander à avoir un WC dans le club, bien entendu avec toutes les normes, qu’on pourrait nous désinfecter. Ça fait très longtemps que je formule cette demande et dans ce contexte, j’espère être entendu ! »
Évidemment, Ojem n’organisera pas non plus de grands concours, ni d’interclubs, mais ce que souhaite Vincent Miellot par dessus tout, c’est préserver les emplois : « J’ai mon effectif de moniteurs, 10 par club, soit 30 saisonniers avec lesquels on va bientôt travailler sur l’organisation de jeux différents. Alors oui, il y aura un manque à gagner et tant pis si on fait une année blanche, tant qu’on est présent sur la plage, qu’on rend un service et qu’on peut préserver les emplois ! »
Toilettes : 1/3 de chiffre en moins !
Ça peut prêter à sourire, mais les toilettes, c’est passage quasi obligé des familles.
Et à la descente dite de la « banane », c’est Jean-Luc Van-Godtsenhoven, alias « Vic », qui les gère : « Notre contrat, c’est d’être un service public, on se doit d’être ouvert, peu importe la météo, à l’Enduro, chaque week-end et vacances scolaires de Pâques et tous les jours du 15 juin au 15 septembre. » Mais pour l’instant, Jean-Luc est comme tout le monde : dans l’expectative ! « Par chance, j’ai deux entrées, donc je vais pouvoir remplir les conditions sanitaires, mais ce qui est sûr, c’est que ce qui est perdu n’est pas rattrapable et j’estime que je vais perdre un tiers de mon chiffre ! »
Bars et restaurants : la double peine…
Reste que les plus grands perdants du Covid-19, additionné à la zone rouge, ce sont les bars et restaurants de plage.
C’est Julien Krizek, gérant du O’Safran, qui nous explique : « Comme tout restaurant, on ne connaît ni la date, ni les conditions d’ouverture, mais la double difficulté pour nous, c’est que comme on est dépendant d’un marché public, les modules n’ont toujours pas été installés. Et c’est ce manque d’anticipation de la mairie qui m’inquiète, car il faut savoir que pour préparer le terrain, installer les modules et faire les petits travaux nécessaires chaque année, on en a pour un mois ! » Julien Krizek plaide donc pour une installation rapide afin de pouvoir accueillir la clientèle dès que les voyants gouvernementaux seront au vert.
De tempérament positif, il veut néanmoins croire en une belle saison : « Je suis plutôt confiant pour l’activité. Les gens vont venir dans leur résidence secondaire et même s’il fallait respecter la distanciation, on a 1 000 m2 et on pourrait conserver une capacité d’accueil importante. En plus, comme on fait de la location de transat, du service de boisson, de la vente à emporter etc., une équipe peut être dédiée à chaque activité ! » Côté emploi, c’est là que le bât blesse : « J’ai 5 emplois fixes et les extras ça peut aller jusque 20… cette année, je suis un peu moins confiant pour le nombre d’extras ! »
Une hypothèse partagée par Laurent Aouizerat, du Waïkiki Beach, qui pense embaucher « 50 % de personnes en moins ! » et qui regrette également le fait que si les modules avaient été montés, ils auraient pu, dès ce week-end, faire de la vente à emporter.