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La mosquée Malek-Ibn-Anas à Carthage était le seul lieu de culte ouvert pour l'Aïd. © FETHI BELAID / AFP

Tunisie : un drôle d'Aïd

Jours fériés, mosquées fermées, interdiction de se déplacer dans un autre gouvernorat : la fin du mois de ramadan aura été fêtée mezza voce.

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« Un Aïd pas comme les autres », titrait en une La Presse de Tunisie. Le quotidien imprimait noir sur blanc une réalité partagée par de nombreux Tunisiens. Le mois de ramadan s'est achevé comme il avait débuté : à huis clos. Certes, le « déconfinement ciblé », selon la terminologie des autorités, a modifié la physionomie des rues et ruelles. La vie a repris une partie de son cours ordinaire entre séance unique pour les employés de la fonction publique, réouverture de nombreux magasins, cohue à la Transtu, les transports en commun de la capitale. On a ainsi pu satisfaire ce rituel qui accompagne l'Aïd en faisant le plein de vêtements pour les enfants. Pour le spirituel, le rite n'a pas eu lieu, les mosquées demeurant portes closes.

Pas de Celtia au Sidi Dhrif

À chaque Aïd el-Fitr, signifiant la fin du jeûne journalisé, le bar de l'hôtel Sidi Dhrif est pris d'assaut. Le vaste parking affiche complet. On vient y déguster ses premières Celtia, la bière nationale, après un mois d'abstinence. Cette année, pas de houblon en public. Hôtels, restaurants et cafés n'ont pas rouvert, hormis pour accueillir ceux et celles qui étaient mis en quatorzaine. Plus de 15 000 nuitées ont été consacrées à ce sas sanitaire. Il faudra attendre le 4 juin, début de la phase 3 du déconfinement, pour s'attabler, siroter un capucin, dîner ailleurs qu'à la maison. C'est la date fixée pour que leurs activités reprennent. Dès le 26 mai, restaurateurs et cafetiers pourront pratiquer la vente à emporter. Si la semaine a été quasi normale, elle s'est achevée par trois jours fériés décrétés par le gouvernement pour les plus de 800 000 employés de la fonction publique. De samedi à lundi, c'était congé dans les administrations. De quoi faire bondir certains chefs d'entreprise qui ne comptent pas les heures pour tenter de sauver deux mois de quasi-inactivité. Certains membres du gouvernement ont multiplié les sorties ce week-end. Objectifs : rassurer, appeler à la vigilance.

Gestes politiques et institutionnels

Samedi, c'est le ministre de l'Intérieur, Hichem Mechichi, qui inspectait, tantôt masqué tantôt pas, différentes unités des corps sécuritaires. Il a arpenté l'avenue Habib-Bourguiba, au cœur de Tunis, avenue où au numéro 7 siège son ministère. Message : la vigilance doit être redoublée. Le président du gouvernement, Elyes Fakhfakh, se rendait à Sousse pour échanger les vœux avec des personnes âgées résidant dans un centre d'accueil. Un geste à l'égard de la population la plus vulnérable face au coronavirus. Le pays n'aura connu que 1 051 cas en deux mois et quelques, déplorant 47 décès. La situation semble totalement maîtrisée. Quinze jours après le début du déconfinement, aucune remontée n'a été constatée.

La prière à domicile

La mosquée de Carthage, où chaque année les trois présidents (République, gouvernement, Assemblée) célèbrent de concert l'Aïd, est demeurée fermée. La chaîne nationale publique, la Wataniya, a retransmis dès 7 h 30 la prière. Le mufti de la République ainsi que le ministre des Affaires religieuses ont multiplié les déclarations indiquant que la prière à domicile était « indiquée ». Cette fête familiale, où l'on se réunit pour célébrer la fin du mois saint, a été modifiée. Les familles n'ont pas pu se réunir comme elles le font chaque année, les déplacements d'un gouvernorat à l'autre étant interdits par les autorités. Ce qui n'a pas empêché certains de franchir le Rubicon. L'Aïd el-Kébir, la fête du sacrifice, aura lieu le 1er août. Elle devrait, sous réserve de la non-apparition d'une seconde vague du coronavirus, se tenir dans les conditions habituelles. Librement, mais avec les gestes barrières et les masques.