Avec Dabadie, trois générations ont ri, chanté, pleuré

by

– Dis, Grand-père, comment on l’appelle le métier de Jean-Loup Dabadie ?

D’autres, ici et ailleurs, et bien mieux que je ne saurais le faire, feront l’éloge et retraceront la longue et belle carrière de Jean-Loup Dabadie, décédé dimanche à 81 ans. Mais je retrouve des notes et des souvenirs d’il y a tout juste dix ans – il me recevait, au premier anniversaire de son entrée à l’Académie française.

Sa conversation comme le personnage me parurent à domicile exactement comme nous aimions le voir à la télé, plein d’élégance et de gaité. Mais rigoureux. Au moment de titrer l’article titré de notre entretien, je lui avais soumis ma proposition. Cela aurait pu être : « Mes copains de l’Académie ». « Oh non, s’il vous plaît, pas ce titre ! » Il ne voulait pas céder à la familiarité.

Admiratif

Jean-Loup Dabadie se rappelait d’un moment particulier, le jour où il avait pris séance, en 2009. Quelques minutes passées dans la bibliothèque de l’Institut de France avant d’être introduit parmi les académiciens : « J’attendais, protégé par des millions de pages. J’étais reçu par les livres avant d’être reçus par les hommes. »

Très vite, l’auteur va trouver ses marques et mesurer la somme des talents ainsi réunis sous la Coupole. C’est peu dire qu’il les admire, ses compagnons en habits verts ! « Brillantissimes », « puits de science et de culture », « esprits étincelants » : pour qualifier ses pairs académiciens, il n’a pas assez de superlatifs.

« Avec Frédéric Vitoux, Jean-Luc Marion et Michel Serres, je me suis même fait trois amis comme moi fous de sport. Ceux qui caricaturent l’Académie en y voyant des grammairiens poussiéreux d’un autre temps, seraient bien surpris en nous entendant parler de rugby autant que de littérature et de musique. »

Dans la rue

Lors de son élection, certains médias évoquent « le saltimbanque ». Jean-Loup Dabatie ne s’en offusque pas. « Le mot n’est pas offensant, mais impropre. Le saltimbanque, c’est le bateleur qui monte et fait des pirouettes sur les tréteaux, avec parfois une connotation d’artiste à deux balles ! Je me revendique comme écrivain populaire. » Et il se déclare très fier des milliers de lettres qu’il reçoit d’inconnus, pour un film, un sketch, une chanson.

« Des gens, dans la rue, viennent vers moi. Ils me confient que j’accompagne leur vie de famille depuis des années… Tant d’affection, de la part de trois générations, cela me touche au fond du coeur ! » Trois générations, oui, avec nos parents, nos enfants et nous-mêmes.

Le mot d’une vie

À l’Académie, la tradition veut que les parrains présentent à leur filleul le mot sur lequel ils travaillent à ce moment-là. Si le nouvel académicien l’accepte, il devient « leur » mot pour la vie entière. « Le mien, c’est « retard », et il me va très bien », souriait l’auteur.

Dimanche, Jean-Loup Dabadie a donc honoré le rendez-vous que le destin lui fixait. S’il avait pu tricher, gagner quelques années sur l’échéance et s’y présenter plus tard, personne ne lui en aurait voulu de ce retard-là !

Pour Charlebois, il avait écrit une chanson : « Je me fous pas mal du temps qui passe… »