Stéphane Séjourné: «La crédibilité des institutions européennes va se jouer dans les semaines qui viennent»
Pour le chef de file des eurodéputés LREM, Ursula von der Leyen et les 27 pays membres de l’UE seront jugés sur l’ambition du plan de relance
by Gilles SengèsUn an après la tenue des élections européennes, Stéphane Séjourné, qui préside la délégation française du groupe Renew Europe, dresse un premier bilan.
Comment jugez-vous la réaction des institutions européennes à la crise du coronavirus ?
La santé n’est pas une compétence européenne. Ce qui a provoqué un retard à l’allumage de la Commission qui n’a pas su se saisir de ce sujet. Mais, je retiens surtout les envies et le désir des peuples de l’UE d’avoir, aujourd’hui, une réponse au niveau des Vingt-Sept. Mieux vaut une demande qu’une indifférence. Maintenant, la Commission a compétence pour ce qui est du plan de relance économique et c’est là qu’elle doit montrer que l’Europe peut et doit être utile. Y compris pour nous, parce que les Français sous-estiment le fait que l’avenir du pays se joue au niveau des institutions européennes. L’aide que la France pourrait recevoir est en mesure d’avoisiner deux à trois points de son produit intérieur brut (PIB). Ce qui est énorme.
Ursula von der Leyen a été accusée d’être trop allemande…
Elle a aussi été accusée d’être trop française ! Je ne vois pas d’emprise d’un pays ou d’un autre dans les échanges que nous avons avec elle. Elle essaye justement d’être à la conjonction des sensibilités du conseil ; elle écoute, tout comme l’ensemble de la Commission, le Parlement européen et ses présidents de groupe. Maintenant, elle sera jugée sur son plan de relance. Toute la crédibilité des institutions européennes va se jouer dans les semaines qui viennent.
On assiste aussi avec la crise du Covid à la mise en cause du système sino-américain. L’Union européenne doit s’ériger en modèle et jouer un rôle plus important face à la Chine, son manque de transparence et son autoritarisme et face aux Etats-Unis dont le modèle social ne correspond plus aux attentes de solidarité, de standards environnementaux du monde actuel. D’où la nécessité de tirer les enseignements de la crise, de trouver des convergences sur les volets sécuritaires, sanitaires, de la défense car les crises à venir pourront être militaires, diplomatiques ou environnementales.
« L’UE doit s’ériger en modèle face à Chine, son manque de transparence et son autoritarisme et face aux Etats-Unis dont le modèle social ne correspond plus aux attentes du monde actuel »
Le plan de relance proposé par Emmanuel Macron et Angela Merkel répond-il à vos attentes ?
Il est à la hauteur de ce qu’on espérait. Il est nécessaire et essentiel mais il ne sera pas suffisant. Avec Renew à la manœuvre, le Parlement européen est d’ailleurs allé au-delà en se prononçant à la majorité, il y a quinze jours, sur un dispositif plus ambitieux avec une augmentation conséquente du budget européen et une capacité d’emprunt de 1 000 milliards d’euros avec plus de transferts que de prêts pour les pays bénéficiaires. Cela a sans doute été le déclic pour que Français et Allemands s’entendent sur un plan.
Maintenant, rien n’est fait. Il va falloir que Paris et Berlin arrivent à convaincre les autres pays membres mais je pense qu’il y a une voie pour arriver à un accord au prochain Conseil européen. Car quand on regarde dans le détail les votes au Parlement européen, qui se font certes à la majorité et non à l’unanimité, on s’aperçoit que les partis politiques au gouvernement dans leurs pays respectifs ont voté en faveur d’un tel dispositif.
Comment ont réagi les Néerlandais au sein de Renew alors que leur gouvernement est hostile au plan franco-allemand ?
Les groupes pro-européens ne sont pas si homogènes qu’on veut le penser. C’est valable chez nous comme dans le groupe socialiste ou du côté de la droite conservatrice. Plus de 75 % des députés de Renew sont alignés sur la proposition franco-allemande. Il y a des divergences minoritaires sur certains points précis avec la délégation néerlandaise, elle-même divisée sur le sujet. Les deux partis formant la majorité de Mark Rutte, le Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VDD), sa formation, et Démocrates 66 ne sont pas sur les mêmes positions. Le D66 est favorable à la proposition franco-allemande tandis que le VDD est plus réservé. C’est donc plus complexe politiquement que l’on ne le dit. Il y a, cette semaine, une séance plénière au Parlement européen pour discuter en même temps du plan franco-allemand et il faut que chacun prenne ses responsabilités. Notamment les Verts autrichiens, alliés du chancelier conservateur Sebastian Kurz, qui ne peuvent avoir une position d’affichage dans l’hémicycle et laisser leur partenaire gouvernemental torpiller l’accord.
« On souhaite un rééquilibrage des pouvoirs du Parlement par rapport à la Commission avec un pouvoir d’initiative en matière législative »
Comment le Parlement européen peut-il peser dans les semaines à venir ?
On souhaite bien évidemment un rééquilibrage des pouvoirs du Parlement par rapport à la Commission avec un pouvoir d’initiative en matière législative. Je pense que la Conférence sur l’avenir de l’Europe proposée par Emmanuel Macron, avalisée par le Parlement et qui devrait être lancée au second semestre au moment de la présidence allemande, sera un point d’arrivée pour rebâtir une harmonie entre les trois institutions que sont le Conseil, la Commission et le Parlement européen.
Renew a-t-il trouvé sa place ?
On ambitionnait d’être un groupe central au Parlement européen ce qu’on a réussi. On avait aussi l’espoir d’avoir une délégation française qui pèse au sein de ce groupe, ce qui est le cas. Sur l’ensemble des votes, 92 % sont conformes à la position de Renew. Soit plus que pour n’importe quel groupe. On a mis fin à l’accord technique entre les socialistes et les conservateurs européens. Aujourd’hui, cela se joue à trois pour adopter des textes et trouver des majorités. Nous avons trouvé notre place et nous sommes en train de gagner la bataille culturelle : on a été moteur sur des sujets comme le Pacte vert, la souveraineté européenne, la mutualisation des investissements.