Aulas publie une lettre ouverte au Premier ministre et à la ministre des Sports pour redémarrer
by Marc AlvarezJean-Michel Aulas n’abdique pas et utilise la carte de l’opinion publique. Le président de l’Olympique Lyonnais veut que la saison de Ligue 1 2019/2020 arrêtée et entérinée reprenne. Il s’adresse au gouvernement publiquement avec un long argumentaire. “Pourrions-nous imaginer que le 2 juin soit aussi une opportunité formidable de rectifier l’erreur concernant le football français et de permettre, avec un protocole sanitaire utilisé partout, de donner le point de départ d’une reprise progressive des entraînements (en juin) et, pourquoi pas, d’une reprise des championnats de la saison 2019/2020 sur les mois de juillet ou août comme l’a suggéré précisément l’UEFA dès le 21 avril dernier et depuis confirmé par Aleksander Ceferin par courrier le 14 mai ?”, écrit JMA sur le site officiel de l’OL.
Lettre ouverte à Monsieur le Premier ministre et à Madame la ministre des Sports pour que le 2 juin soit synonyme d’espoir pour tout le football français
Que s’est-il passé entre le 21 avril et le 1er mai concernant l’arrêt du championnat de France de L1 et la méthode de classement choisie ?
- 21 avril : l’UEFA présente aux secrétaires ou directeurs généraux des 55 Fédérations et aux membres de l’Association EPFL (European Leagues) les 3 principales lignes directrices avec un ordre de préférence pour valoriser le « mérite sportif » :
- Terminer les championnats dans la forme habituelle,
- Ou terminer dans un format différent,
- Ou, dernière issue, arrêter les championnats nationaux.
- Les associations ont jusqu’au 25 mai, date du COMEX de l’UEFA, pour se positionner. Madame Florence Hardouin, membre du COMEX de l’UEFA et DG de la FFF, et Mr Didier Quillot, membre de l’EPFL et DG de la LFP, ont eu accès à ces informations majeures.
- 24 avril : l’UEFA envoie une lettre aux différentes Fédérations et Ligues pour réaffirmer l’ordre des priorités pour les associations membres et ligues européennes : terminer le championnat y compris après le 3 août
- 27 avril : Emmanuel Macron, Président de la République, s’entretient par téléphone avec Didier Deschamps, Sélectionneur National, pour évoquer l’arrêt des championnats. Didier Deschamps semble privilégier la crainte de reprise des joueurs et staff à ce moment-là de la catastrophe sanitaire.
- 28 avril : Mr Edouard Philippe, Premier ministre, à l’Assemblée Nationale : « la saison 2019-2020 de sports professionnels, notamment celle de football, ne pourra pas reprendre. »
- 28 avril : Mr Jean-Pierre Rivère, Président de l’OGC Nice, La Chaîne L’Equipe : « Je considère que la décision qui a été prise est une décision de sagesse et c’est une bonne chose ».Cette décision favorisait alors son club.
- 28 avril à 19h46, Mr Noel Le Graët, Président de la FFF, Le Télégramme : « Ligue 1 et Ligue 2 définitivement arrêtées. C’est la dernière journée complète jouée (soit J27) qui comptera pour les équipes européennes »
- 29 avril, Mr Jean-Michel Aulas, Président de l’Olympique Lyonnais : Proposition d’une solution idoine et conforme aux préconisations de l’UEFA en date du 21 avril, pour valoriser le « mérite sportif » et éviter une catastrophe financière : mise en place de play-offs au mois d’août pour terminer le championnat sous un format différent et pour relancer l’activité de tout l’écosystème.Cette solution est alors à adapter lors d’échanges entre tous les intervenants.
- 30 avril, concomitamment au Bureau de la LFP: La Ligue reçoit un mail de Canal + pour résilier unilatéralement son contrat sur la seule base des déclarations du Premier ministre.Environ 300 millions d’euros s’évaporent.Etonnamment, cette information majeure n’appelle pas de remarque de la part du Directeur Général ou de la Présidente de la LFP.
- 30 avril, en ouverture du CA de la LFP, Mr Didier Quillot, Directeur Général de la LFP : la LFP vient de recevoir un pré-accord de PGE octroyé par la Société Générale à hauteur de 25 % du CA de la Ligue, soit 224,5 millions d’euros
- 30 avril, Communiqué de la LFP : « le Conseil d’Administration de la LFP acte la fin de la saison 2019/2020 » et « Le classement final en Ligue 1 Conforama est donc attribué selon le critère du classement établi par un indice de performance prenant en compte le nombre de points marqués sur tous les matchs joués. »Paradoxalement, alors que la solution déjà utilisée par la FFF ne prévoyait pas de titre de champion, la LFP a décerné les titres de Champion de France de L1 et de L2 ce qui montre, sans rien enlever au mérite des deux champions, que les décisions prises ont alors été à géométrie variable.
- 1er mai, France Info, Didier Quillot, Directeur Général de la LFP : « C’est une décision qui s’impose à nous. On a pris acte de la décision du Gouvernement et 48 heures après on a prononcé l’arrêt de nos championnats. »
- Selon la LFP, la L1 a été arrêtée sur décision du Gouvernement.
- Contrairement aux propositions de l’UEFA, la LFP n’a pas souhaité attendre pour prendre une décision alors qu’il lui restait alors presque 1 mois pour étudier l’évolution de la pandémie et des conditions sanitaires ainsi que pour définir un protocole sanitaire permettant de reprendre la compétition, comme nos voisins européens ont su le faire.
- Contrairement aux hypothèses privilégiées par l’UEFA, la LFP n’a pas souhaité discuter d’un format différent autorisé durant le mois d’août.
- Contrairement à la déclaration initiale de Mr Noel Le Graët, Président de la FFF, le classement n’a pas été réalisé selon la dernière journée complète disputée (J27) mais selon un quotient qui prend en compte une journée non entièrement disputée (J28).
- La décision hâtive et contraire aux préconisations de l’UEFA de ne pas reprendre sème, de fait, un doute sur l’orientation des votes du CA de la LFP, l’intérêt particulier ayant pu primer sur l’intérêt général du football français.
- L’évolution très positive des conditions sanitaires a permis aux pouvoirs publics d’autoriser la reprise progressive d’activités de nombreux secteurs depuis le 11 mai.
Que s’est-il passé depuis le 1er mai et quelles sont les principales révélations à la suite de ces décisions ?
- 5 mai, Madame Roxana Maracineanu, Ministre des Sports, La Chaîne L’Equipe : « C’est la proposition que j’avais entre les mains : une saison qui devait se finir au 3 août, à cause des dates imposées par l’UEFA »
- 7 mai, Mr Jean-Michel Aulas, Président de l’OL, La Chaîne L’Equipe : « Peu de clubs avaient pris conscience de ce qui allait arriver, de la catastrophe économique… Le foot français n’est pas sûr de se remettre de cet arrêt prématuré. »Une catastrophe économique de l’ordre de 700 millions à 900 millions d’euros est envisagée.
- 10 mai, Mr Bernard Caïazzo, Président de l’ASSE (favorisé par l’arrêt de la L1), conférence de presse par visio : « La décision d’arrêter est de la responsabilité du 1er Ministre »
- 10 mai, Mr Nicolas Holveck, Président du Stade Rennais FC (favorisé par l’arrêt de la L1), conférence de presse par visio : « On n’allait pas aller contre une décision du Président de la République. »
- 10 mai, Mr Loïc Fery, Président du FC Lorient (favorisé par l’arrêt de la L2), conférence de presse par visio : « cette décision a été prise par le Gouvernement »
- 13 mai, Mr Dominique Séverac, journaliste au Parisien sur La Chaîne L’Equipe : « C’est un classement qui exclut Lyon des places qualificatives pour la Coupe d’Europe. C’est pour cela que des Présidents de club ont décidé de voter pour ce scénario-là, scenario qu’ils avaient préparé en amont. Ils en avaient décidé entre eux par WhatsApp pour écarter Jean-Michel Aulas. »
- 14 mai, Mr Aleksander Ceferin, Président de l’UEFA, dans une lettre à Jean-Michel Aulas : confirmation que :
- Les dirigeants du football français connaissaient les lignes directrices de l’UEFA depuis le mois d’avril
- Le format des play-offs était une solution à étudier si l’intégralité du championnat ne pouvait pas être disputé
- La date du 3 août n’était qu’une simple recommandation
- 14 mai, Mr Vincent Duluc, Journaliste l’Equipe sur La Chaîne l’Equipe : « Un Président de Ligue 1 m’a clairement dit qu’il avait passé tout un samedi soir à appeler les cabinets de Macron et Edouard Philippe pour obtenir l’arrêt du championnat »
- 14 mai dans l’After Foot sur RMC : « Il s’avère que des Présidents de club ont appelé le Cabinet de Macron pour inciter le Président à prendre la décision suivante : on arrête. Vraisemblablement, les Présidents en question sont Jacques-Henri Eyraud et Jean-Pierre Rivère. Marseille et Nice avaient tout intérêt à ce que cela s’arrête »
- 16 mai : La Bundesliga reprend officiellement.
- 18 mai : l’UEFA reporte son Comité Exécutif prévu le 27 mai au 17 juin
- 19 mai : Dépêche AFP : La L1 pouvait se terminer après le 3 août selon l’UEFA (lettre)
- 19 mai, Mr Eric Di Meco, consultant RMC : « Je ne comprends pas pourquoi ils ont arrêté aussi vite. La lettre d’Aleksander Ceferin enfonce le clou : il n’y avait pas de deadline pour finir le championnat. Pour l’UEFA, l’équité sportive est plus importante que le reste. On pouvait attendre. Des Présidents de clubs sont intervenus auprès du Président de la République pour arrêter le championnat. Si c’est le cas, honte à eux. »
- 20 mai, Mr Sacha Houlié, Député LREM sur RMC : « Si des personnes qui exercent par délégation de service public ne vous donnent pas une position claire, ou si elles vous donnent une position claire qui dit « on arrête », il y a de fortes chances que les pouvoirs publics vous disent d’arrêter, puisque les acteurs du terrain nous disent d’arrêter. On a arrêté cette position en fonction de ce qui nous a été dit. Qu’est-ce que vous voulez qu’on change à cela ? »
- 21 mai, Mediapart sort des documents confidentiels qui mettent en évidence ce que le Président de l’Olympique Lyonnais dit depuis près de trois semaines : état général catastrophique des finances du football français, avec une crainte maximale d’effondrement à la suite de l’arrêt du championnat.
- 22 mai, l’Equipe : BeIn Sport n’a pas réglé la totalité des droits TV de la saison de L1
- 23 mai : le Gouvernement espagnol annonce la reprise de la Liga dans la semaine du 8 juin. BeIn Sport se félicite de ce retour et prévoit un dispositif exceptionnel pour la diffusion pour les abonnés français.
- Selon le Gouvernement, la L1 a été arrêtée à partir d’informations données par certains dirigeants du football français
- Les informations données par le football français au Gouvernement ne sont pas conformes aux préconisations de l’UEFA : il n’y avait pas de date limite pour finir les championnats contrairement à ce qui a été dit et répété par les dirigeants aux plus hautes autorités.
- Certains Présidents de club directement favorisés par un arrêt du championnat rejettent la responsabilité de l’arrêt sur le Gouvernement (tantôt le Premier Ministre, tantôt le Président de la République)
- Certains Présidents de club favorisés par un arrêt du championnat sont directement accusés par des journalistes d’avoir fait pression auprès du Gouvernement pour arrêter le championnat, puis d’avoir fomenté un complot pour faire la part belle à leurs intérêts particuliers.
- L’Etat qui pourrait être mis en responsabilité d’avoir décidé à la place des instances et qui, de ce fait, pourrait engager sa propre responsabilité face au déficit colossal des clubs (700 à 900 millions d’euros), a mis en place un PGE pour combler les trésoreries des clubs de L1 à la suite de la résiliation et du non-paiement de Canal + et de Bein Sport.
- Sur 55 pays membres de l’UEFA, plus de 20 ont déjà décidé de reprendre leur championnat et seuls 7 ont décidé d’arrêter définitivement. Tous les autres étudient les conditions d’une reprise
- Parmi les 7 plus grands championnats européens, la France est le seul à avoir choisi d’arrêter. La Bundesliga a repris les matchs le 16 mai, l’Espagne reprendra le 8 juin, l’Italie, la Russie et le Portugal ont repris les entraînements collectifs, l’Angleterre travaille sur une reprise après le 19 juin. Comment la France pourra-t-elle ne pas être très rapidement déclassée et voir son football professionnel dévalorisé ?
- La situation financière des clubs français est terrible. Un arrêt définitif de la saison entraînerait tout le football français vers une crise économique et sociale sans précédent.
- Début mai, une loi a été proposée par la Ministre des Sports. Cette loi a pour objectif de faire en sorte que la décision prématurée d’arrêt des championnats par la LFP soit définitivement entérinée sans recours possible. Présentée dans un premier temps à l’Assemblée Nationale, afin de protéger les associations et ligues par un dispositif d’ordonnances, elle a fait l’objet de très vives contestations. En conséquence, elle a été derechef transformée pour devenir un élément constitutif du « projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ». Cette initiative législative viendrait paradoxalement conforter une erreur manifeste de la LFP. Les décisions prises par le football français sont à ce jour contestées par plusieurs centaines de clubs amateurs et par différents clubs professionnels. Pourquoi vouloir conforter une décision injuste ?
Monsieur le Premier ministre, Madame la ministre des Sports, le 2 juin va permettre d’aménager le déconfinement, d’homogénéiser les décisions relatives à la pratique collective du culte, aux courses hippiques ou encore aux prochaines élections municipales. Beaucoup d’évolutions et d’espoirs sont attendus à cette date pour que la France retrouve progressivement une belle dynamique.
Pourrions-nous imaginer que le 2 juin soit aussi une opportunité formidable de rectifier l’erreur concernant le football français et de permettre, avec un protocole sanitaire utilisé partout, de donner le point de départ d’une reprise progressive des entraînements (en juin) et, pourquoi pas, d’une reprise des championnats de la saison 2019/2020 sur les mois de juillet ou août comme l’a suggéré précisément l’UEFA dès le 21 avril dernier et depuis confirmé par Aleksander Ceferin par courrier le 14 mai ?
Jean-Michel Aulas – Président de l’Olympique Lyonnais