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Loueurs de voitures en péril: "nuage noir" annoncé sur le marché automobile
© Jan Woitas - BELGAIMAGE

Loueurs de voitures en péril : "nuage noir" annoncé sur le marché automobile

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Europcar, Hertz, Avis, les grands loueurs de voitures subissent l’arrêt de l’économie de plein fouet. Il suffit de constater l’évolution de la valorisation de certains d’entre eux. Avec quelles conséquences sur le marché automobile ?

D’abord, la possible abondance de véhicules sur le marché d’occasion. Un engorgement qui pourrait aussi concurrencer les véhicules neuf. Saupoudrez cet engorgement du marché à d’autres incertitudes, et les fermetures d’usines ne sont pas loin. Déjà aujourd’hui, en Europe, tout le marché automobile s’effondre à cause du Covid-19, avec une baisse de plus de 70% des immatriculations de véhicules neuf au mois d’avril.

Le "quasi-neuf" pour remplacer le neuf ?

Même s’il est "très compliqué de savoir à ce stade quelles conséquences les déboires du gros acteur qu’est Hertz, aux Etats-Unis vont avoir en Europe", Stéphanie Popovic, Product Manager chez Gocar.be annonce que l'"on peut s’imaginer une tendance : que les particuliers se tournent plus vers l’occasion que vers le neuf, parce que les prix seront attractifs. Et du coup, le neuf va en souffrir".

Pourquoi ? Parce que ces grands acteurs de location ont déjà dû, et vont peut-être encore devoir, se séparer d’une partie de leur flotte de véhicules – pour réduire leurs coûts. Des véhicules qui se retrouvent soit vendus directement sur le marché de l’occasion, soit sont "renvoyés" aux constructeurs plus tôt que prévu. Dans les deux cas, les prix sur le marché des "occasions récentes" seront forcément tirés à la baisse, selon Les Echos.

Grand chambardement annoncé

Il est donc clair que la faillite déclarée de Hertz, mais aussi les grandes difficultés des groupes comme Avis ou Europcar en Europe, vont avoir pour conséquence la mise sur le marché d’un grand nombre de véhicules d’"occasion", entre guillemets, précise Xavier Daffe, rédacteur en chef au Moniteur Automobile, qui annonce un secteur en plein bouleversement : "Ces faillites des gros loueurs, qui risquent de mettre sur le marché des milliers et des milliers de modèles pour réduire leurs dettes et retrouver des capitaux vont inévitablement avoir des conséquences sur le marché de la voiture d’occasion, mais aussi du véhicule neuf".

"Parce que la demande n’est pas élastique à l’infini. Une fois qu’un ménage a sa voiture, il est parti pour une durée de 5 à 7 ans, en général. Donc il faut s’attendre à un grand chambardement sur le secteur".

Les prix ont déjà baissé en Belgique

Or, le prix des voitures a déjà baissé sur le marché belge. Gocar.be analyse les sites de petites annonces pour des véhicules neufs et d’occasion (qui concernent majoritairement les concessionnaires). Leur constat ? Entre début avril et mi-mai, le nombre d’annonces dont le prix à été revu à la baisse a explosé : +155%.

De 1000 à 2700 annonces revues à la baisse entre la semaine du 6 avril et celle du 11 mai. Le mouvement s’est "stabilisé" la semaine suivante (du 18 mai) mais à un niveau qui reste interpellant. Cette stabilité apparente n’est donc pas une bonne nouvelle en soi pour les vendeurs – puisque le nombre de révisions de prix à la baisse reste important, en dépit de la reprise de l’activité (de l’augmentation du nombre d’annonces publiées chaque semaine).

Possible effet domino

Cet indicateur de prix "revus à la baisse" ne dit pas dans quelle proportion les prix ont baissé, mais la tendance est bel et bien là. Et elle pourrait même se poursuivre en Belgique, selon Stéphanie Popovic, parce qu’"en Espagne, par exemple, les prix continuent de baisser".

Et pour l’observatrice du marché, "cela veut dire que le marché espagnol a du mal à se défaire de son stock – notamment un énorme stock de voitures d’occasion. On peut imaginer un effet domino, sur le marché belge. Parce qu’il y a des personnes qui, en Belgique, exportent vers le marché espagnol. Ce marché à l’export risque donc de se fermer. Et d’influencer les prix, à la baisse, en Belgique".

Des stocks impossibles à écouler

Il est donc bien question de stocks avant toute autre chose. Un risque majeur pour les constructeurs, souligne Xavier Daffe. Des constructeurs qui risquent de se retrouver avec "des grands stocks de voitures impossibles à écouler".

"Parce qu’entre le moment où ces voitures auront été construites, et le moment où elles auront été mises sur le marché, la demande aura évolué dans un sens contraire – à ce que les constructeurs auront anticipé. Cela va être très compliqué pour les constructeurs, à très court terme".

Et le leasing dans tout ça ?

Un autre élément à ne pas perdre de vue : le leasing. Là aussi, des "réductions de flottes" pourraient avoir lieu. Impossibles à quantifier à ce stade, mais la dégradation de l’économie pourrait engendrer des ruptures de contrats de leasing avec, à nouveau, des véhicules d’occasion en nombre, inondant le marché.

Selon la FEBIAC, le leasing représente 350.000 voitures sur les 800.000 véhicules d’entreprises en Belgique. Et le marché était déjà plutôt en mauvaise posture avant la crise sanitaire. De quoi donner une idée de l’ampleur de ce qui pourrait arriver, de ce côté-là, sur le marché de l’occasion.

Moins de modèles, moins d’usines

"La situation du neuf, vu le contexte économique difficile risque de devenir très compliquée. D’autant que certains particuliers restent prudents et préfèrent attendre avant d’acheter, pour voir comment le marché va évoluer", selon Stéphanie Popovic.

Des incertitudes liées à la demande des consommateurs – dans la quantité et la nature des produits demandés, un engorgement du marché à la fois du neuf et de l’occasion. Deux ingrédients explosifs qui, pour Xavier Daffe, annoncent "un nuage noir au-dessus du secteur automobile".

Le "nuage noir"

"Cela va peser lourd. Des constructeurs vont devoir envisager une réduction du nombre de modèles proposés. Et de sacrifier les modèles les moins rentables. Je pense que Renault envisage d’arrêter la production des 'Espace' et des 'Scenic', qui sont sur des segments de marché de moins en moins porteurs. Et de réduire leur nombre d’usines pour faire des économies".

Au moins autant que des prix en baisse pour les voitures d’occasion, ce sont donc bien des bouleversements douloureux en emplois qui s’annoncent pour le secteur automobile.