Philippe, Le Maire, Darmanin... Ces ministres de droite qui sont devenus des poids lourds du gouvernement
by Christine OllivierReprésentants de la génération montante à droite, ils sont devenus des poids lourds de la Macronie. Edouard Philippe, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire et Sébastien Lecornu... Une partie de la bande avait pris l'habitude de se réunir au Bellota-Bellota, un restaurant du 7e arrondissement de Paris, sous le mandat de François Hollande.
Décembre 2018. Gérald Darmanin et Edouard Philippe posent côte à côte. Epuisé par la crise des Gilets jaunes, le Premier ministre a les traits tirés, le regard préoccupé. Le chef du gouvernement n'a pas remarqué qu'à côté de lui son ministre des Comptes publics fait le pitre, grimaçant à l'intention du photographe. Ce soir-là, on est entre amis. Avant la trêve de Noël, et alors que Philippe traverse l'une de ses périodes les plus éprouvantes à Matignon, c'est tout naturellement qu'ils se sont retrouvés pour un dîner au ministère de la Culture, chez Franck Riester. Le député LREM Thierry Solère et le fidèle conseiller du Premier ministre, Gilles Boyer, sont aussi là.
Le 12 mars dernier, Emmanuel Macron vient d'annoncer la fermeture des écoles pour cause de coronavirus, et c'est encore Thierry Solère, devenu son conseiller officieux, et le ministre des Collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, que Philippe rejoint pour dîner dans un restaurant parisien. Ce petit groupe aime se retrouver. Parce qu'ils adorent plaisanter ensemble, se lancer dans des imitations de Nicolas Sarkozy ou d'Alain Juppé, ces monstres avec lesquels ils ont entamé leur carrière. Mais, surtout, pour faire de la politique.
Des racines politiques communes
Flash-back. Sous le mandat de François Hollande, le député UMP Benoist Apparu a l'idée de réunir pour la première fois au Bellota-Bellota, un restaurant espagnol du 7e arrondissement de Paris, quatre représentants de la génération montante à droite. Entre deux tranches de pata negra, Bruno Le Maire, Edouard Philippe, Thierry Solère et Franck Riester y refont le monde. "On avait les mêmes idées et la même façon de faire de la politique", se souvient Riester. Lors de la primaire de 2016, Solère sympathise avec Gilles Boyer et Sébastien Lecornu, chargés des intérêts de leurs candidats respectifs, Alain Juppé et Bruno Le Maire. Difficile de côtoyer Lecornu sans croiser rapidement son meilleur ami, Gérald Darmanin, alors directeur de campagne de Nicolas Sarkozy. Leurs patrons ne se ménagent pas, mais qu'importe : une petite bande est née.
Aujourd'hui, certains partent en vacances ensemble. D'autres préfèrent parler d'"amitié politique" ou de "compagnonnage". Bruno Le Maire a vite pris ses distances pour tenter l'aventure présidentielle, et ses relations avec Lecornu se sont rafraîchies : son ex-conseiller politique lui reproche le fait que sa propre entrée au gouvernement soit davantage due à l'appui de Philippe qu'au sien. Le Premier ministre, lui, s'est aussi rapproché d'autres ministres : Marc Fesneau, Olivier Dussopt ou Sibeth Ndiaye. Mais ils gardent en commun des racines politiques. Un vécu partagé lors de la primaire de la droite, avec l'effondrement de François Fillon. Le ralliement au panache d'Emmanuel Macron. Et une ascension fulgurante qui pourrait bien en faire un jour des rivaux.
Car, après avoir trahi leur camp et rejoint in extremis la Macronie, Philippe, Darmanin, Le Maire et Lecornu en sont devenus des poids lourds. Politiques jusqu'au bout des ongles dans une équipe qui en compte peu, ancrés dans leur territoire, ils ont fait leurs preuves. Le maire du Havre s'est imposé à la tête du gouvernement depuis trois ans. Et ne se voit pas céder la place pour l'acte 3 du quinquennat. "Le Premier ministre se sentira-t‑il d'incarner les prochaines propositions?", se demande un membre du premier cercle présidentiel. Pour l'entourage de Macron, pas de doute : Philippe veut rester à Matignon et fait tout pour.
Ils se sont fait une place au sein du premier cercle
Gérald Darmanin et Bruno Le Maire tiennent solidement Bercy. Le premier a mené à bien trois budgets et la réforme du prélèvement à la source. Il a désormais des envies de promotion. En première ligne et solide dans la crise du coronavirus, "BLM" se verrait bien à Matignon. Obscur secrétaire d'Etat à la Transition écologique promu ministre chargé des Collectivités, Lecornu s'est fait remarquer par Macron en s'emparant du dossier de la fermeture de la centrale de Fessenheim, puis en usant de ses talents d'élu local pour renouer le lien entre le chef de l'Etat et les maires lors du grand débat. Tous se sont fait une place au sein du premier cercle. Dès 2018, Darmanin comme Lecornu étaient conviés aux très politiques dîners du lundi soir autour de Macron. Bruno Le Maire les a rejoints un peu plus tard.
A l'occasion, ils peuvent encore chasser en meute. Au printemps 2019, ils lancent une offensive médiatique coordonnée pour pousser leurs idées alors que s'achève le grand débat. Ils plaident notamment pour un report de l'âge de la retraite, pourtant exclu par Macron pendant sa campagne. Indignation de l'aile gauche de la majorité : ils n'auront pas gain de cause. Mais le chef de l'Etat ne leur en veut pas. "Nous sommes un certain nombre à lui proposer des choses nouvelles", lance crânement Darmanin.
Leur irrésistible ascension agaçait. Désormais, elle inquiète des macronistes historiques. Avant les municipales, certains redoutaient déjà de voir leur poids renforcé par le scrutin. Car Philippe, Darmanin et Lecornu avaient décidé d'aller se frotter au suffrage universel pour asseoir leur légitimité. L'ex-maire du Havre devra attendre un second tour incertain pour savoir s'il a gagné son pari. Darmanin et Lecornu ont été réélus dès le premier tour, à Tourcoing et à Vernon. Avec le coronavirus, leur victoire est passée inaperçue. Pour un temps.