Burundi : Évariste Ndayishimiye déclaré vainqueur de l'élection présidentielle
by FRANCE 24Évariste Ndayishimiye, le candidat du parti au pouvoir au Burundi, a été proclamé, lundi 25 mai, vainqueur de l'élection présidentielle par la Commission électorale nationale indépendante (Céni), avec 68,72% des voix. Celle-ci avait jusqu'ici publié des résultats partiels qui lui accordaient une très large avance sur ses adversaires. Les chiffres définitifs seront rendus publics le 4 juin.
Le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, a été donné large vainqueur des élections présidentielle, législatives et communales, selon les résultats partiels des 119 communes du pays publiés depuis jeudi par les médias burundais.
L'opposition dénonce le pouvoir de "tricherie"
Âgé de 52 ans, le général Ndayishimiye doit ainsi succéder au président Pierre Nkurunziza. Au pouvoir depuis 2005, celui-ci avait décidé de ne pas se représenter pour un quatrième mandat, et l'avait adoubé comme son "héritier".
Le principal candidat de l'opposition, Agathon Rwasa, président du Conseil national pour la liberté (CNL), a déjà qualifié ces résultats de "fantaisistes" et accusé le pouvoir de "tricherie" et de "pure manipulation".
Selon des résultats partiels compilés par l'AFP et portant sur 105 communes, Évariste Ndayishimiye obtient la majorité absolue des voix dans 101 communes. Dans les quatre communes où il est battu, il ne fait jamais moins de 43 % des voix. Il obtient au moins 70 % des voix dans 66 communes et plus de 50 % dans 35 autres.
Maintenues malgré la pandémie de coronavirus, ces élections se sont globalement déroulées dans le calme, mais depuis mercredi, le CNL dénonce les pressions exercées sur ses assesseurs, dont certains ont été arrêtés, ainsi que des fraudes massives.
Aucune mission d'observation de l'ONU autorisée par le gouvernement
Agathon Rwasa n'a ainsi obtenu que 24,6 % des voix à Kabezi, commune de la province du Bujumbura-rural (ouest du pays), pourtant considérée comme l'un de ses fiefs historiques.
Le CNL s'indigne aussi du cas de la commune de Musigati (ouest), où le général Ndayishimiye réunit 99,9 % des voix. Selon un calcul de l'AFP, le taux de participation y serait de plus de 102 %.
De nombreux témoins et des journalistes burundais ont confirmé à l'AFP la validité de ces accusations, alors qu'aucune mission d'observation de l'ONU ou de l'Union africaine n'avait été autorisée par le gouvernement.
Les analystes s'attendaient à un duel disputé entre Évariste Ndayishimiye et Agathon Rwasa, qui avait attiré les foules pendant la campagne, émaillée de violences et d'arrestations arbitraires.
Un diplomate en poste au Burundi a émis de forts doutes sur les résultats. "On s'attendait à ce que ça se passe comme ça, personne ne pouvait imaginer une seule seconde que le CNDD-FDD et ses généraux cèderaient ainsi le pouvoir", a-t-il déclaré, sous couvert de l'anonymat. "S'il n'y a pas de violences, tout le monde se contentera du résultat qui va être annoncé", a-t-il prédit. "On va positiver, en prenant acte du nouveau visage du pouvoir CNDD-FDD (...) afin d'encourager le changement et l'ouverture politique."
Crise politique
Depuis la crise politique de 2015, déclenchée par la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat controversé, le Burundi est sous le coup de sanctions de ses principaux bailleurs de fonds, à l'instar de l'Union européenne, la Belgique, ou encore l'Allemagne. Cette crise politique a fait au moins 1 200 morts et poussé quelque 400 000 Burundais à l'exode.
Le pays est tenu d'une main de fer par le régime, grâce aux "Imbonerakure", la ligue de jeunesse du CNDD-FDD, et au Service national du renseignement (SNR), qui sèment la terreur dans la population.
Agathon Rwasa a déjà laissé entendre qu'il n'en appellerait pas à la rue pour l'instant et se contenterait d'un recours devant la Cour Constitutionnelle. Sans toutefois se faire d'illusions sur son issue, car il considère cet organe comme étant soumis au pouvoir.
S'émanciper de la tutelle de Nkurunziza
Considérant le général Évariste Ndayishimiye comme plus conciliant que son prédécesseur, Pierre Nkurunziza, la communauté internationale semble prête à s'accommoder du nouveau président burundais. Même si, en tant que secrétaire général du CNDD-FDD depuis 2016, il n'a pas empêché les violations des droits de l'Homme.
Reste aussi à voir comment "Neva", son surnom, saura s'émanciper de la tutelle de Pierre Nkurunziza, élevé au rang de "guide suprême du patriotisme" en février par l'Assemblée nationale, et qui restera le président du très influent Conseil des sages du parti.
Évariste Ndayishimiye, qui a promis de faire du rétablissement économique du pays, sa priorité, devrait être investi en août (date de la fin du mandat de Pierre Nkurunziza), pour une durée de sept ans.
Le Burundi est classé parmi les trois pays les plus pauvres au monde selon la Banque mondiale. Selon cette dernière, 75 % de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, contre 65 % à l'arrivée au pouvoir de Pierre Nkurunziza en 2005.
Avec AFP