Des astronomes observent pour la première fois les signes de la naissance d’un "bébé planète" dans un jeune système solaire
by Grégoire RyckmansDes astronomes ont mis en évidence les signes révélateurs d’un système planétaire en formation. Autour d’une jeune étoile appelée AB Aurigae, située à 520 années-lumière de la Terre, se trouve un disque dense de poussière et de gaz dans lequel les scientifiques ont repéré une structure en spirale proéminente avec une "torsion" qui marque le site où une planète pourrait se former.
Cette structure observée pourrait être la première preuve directe de la naissance d’une planète. Les nouvelles observations réalisées fournissent des indices cruciaux pour aider les scientifiques à mieux comprendre ce processus de création de ce nouvel astre.
Une chercheuse française de l’ULiège fait partie de cette équipe de chercheurs qui étudie la naissance des planètes et qui a publié une étude suite à ces observations dans la revue scientifique Astronomy&Astrophysics. Anne-Lise Maire a partagé avec ses collègues son expérience en analyse de données de l’instrument utilisé, l’instrument d’imagerie d’exoplanètes SPHERE.
Comment se forme une nouvelle planète ?
"Des milliers d’exoplanètes ont été identifiées jusqu’à présent, mais on sait peu de choses sur leur formation", explique Anthony Boccaletti de l’Observatoire de Paris, qui a dirigé l’étude. Les astronomes savent que les planètes naissent dans les disques de poussière entourant les jeunes étoiles, comme AB Aurigae, lorsque le gaz froid et la poussière s’agglutinent.
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"Nous devons observer de très jeunes systèmes pour vraiment saisir le moment où les planètes se forment", ajoute le chercheur. Mais jusqu’à présent, les astronomes n’avaient pas réussi à prendre des images suffisamment nettes et profondes de ces jeunes disques pour trouver le point précis qui indique l’endroit où un "bébé planète" devrait être en train de naître.
Ce que les astronomes ont pu observer
Les nouvelles images montrent une étonnante spirale de poussière et de gaz autour d’AB Aurigae, située à 520 années-lumière de la Terre dans la constellation d’Auriga (le Cocher). Les spirales de ce type signalent la présence de bébés planètes, qui "excitent" le gaz, créant "des perturbations dans le disque en forme d’onde un peu comme le sillage d’un bateau sur un lac", explique Emmanuel Di Folco du Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux (LAB), qui a également participé à l’étude.
À mesure que la planète tourne autour de l’étoile centrale, cette onde prend la forme d’un bras spiral. La région en jaune très brillant près du centre de la nouvelle image d’AB Aurigae est l’un de ces sites de perturbation où l’équipe pense qu’une planète est en train de se former. Ce point de perturbation se trouve à peu près à la même distance de l’étoile que Neptune du Soleil.
Grâce au puissant système d’imagerie de SPHERE, les astronomes ont pu voir la lumière plus faible des petits grains de poussière et des émissions provenant du disque interne et ont également repéré une autre caractéristique remarquable, une "torsion", qui indique la présence d’une planète en cours de formation dans le disque.
Ils ont donc pu confirmer la présence de ces bras spiraux de gaz près de l’étoile, situés dans la région interne du disque et détectés pour la première fois par ALMA le "grand réseau d’antennes millimétrique/submillimétrique de l’Atacama".
Une structure en forme de S dans un bras spiral du disque
"Ces observations présentent la vue la plus détaillée en infrarouge proche du disque circumstellaire jeune autour de l’étoile AB Aurigae (4 millions d’années)", explique la Docteure Anne-Lise Maire. Les modèles de formation d’exoplanètes prédisent que les nouvelles planètes se forment dans ce type de disques.
"Cependant, la très grande majorité des exoplanètes connues ont été détectées autour d’étoiles d’âge similaire au Soleil (4,5 milliards d’années). Nous disposons donc de très peu de contraintes observationnelles sur les premières phases de formation des exoplanètes. Ces observations d’AB Aurigae montrent une structure en forme de S dans un bras spiral du disque qui ressemble aux structures observées dans des simulations de formation d’exoplanètes géantes. Ceci suggère qu’une planète géante est en train de se former dans ce système", explique la chargée de recherches au FNRS à l’Université de Liège.
"Cette torsion en forme de S (..) correspond à la connexion de deux spirales, l’une s’enroulant vers l’intérieur de l’orbite de la planète, l’autre s’étendant vers l’extérieur, qui se rejoignent à l’emplacement de la planète. Elles permettent au gaz et à la poussière du disque de s’accréter sur la planète en formation et de la faire croître", détaille la coauteure Anne Dutrey,
Les images uniques de ce phénomène ont été réalisées grâce au "Very Large Telescope (VLT)" de l’Observatoire Européen Austral de l’ESO. L’ESO est la première organisation intergouvernementale pour l’astronomie en Europe. L’organisation est soutenue par 16 pays, dont la Belgique.
Des images de plus en plus précises de l’espace avec l’ALMA, le SPHERE et bientôt l’ELT
Et ces observations du système AB Aurigae ne sont pas les premières, mais elles sont à l’heure actuelle les plus précises. Et cela ne s’arrête pas là, car la course aux outils pour observer l’espace est intense et les images sont de plus en plus précises.
Les premières images du système AB Aurigae ont donc été effectuées il y a quelques années avec le Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), dont l’ESO est partenaire.
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Puis, en 2019 et début 2020, une équipe d’astronomes de France, de Taïwan, des États-Unis et de Belgique ont entrepris de capturer une image plus précise de l’étoile en utilisant l’instrument SPHERE du VLT de l’ESO au Chili. Les images obtenues avec SPHERE sont les images les plus profondes du système AB Aurigae obtenues à ce jour.
L’ELT, un télescope de 39 mètres prévu pour être opérationnel en 2025
L’ESO est actuellement en train de programmer la réalisation d’un télescope géant, l’ELT (Extremely Large Telescope). Ce télescope qui fera 39 mètres permettra aux astronomes d’obtenir des images encore plus détaillées des planètes en formation.
L’ELT sera "l’œil le plus grand au monde tourné vers le ciel" et devrait permettre aux astronomes d’être en mesure de voir directement et plus précisément comment la dynamique du gaz contribue à la formation des planètes.
"Les toutes premières observations de l’ELT sont prévues fin 2025. Le télescope est en construction sur le Cerro Armazones au Chili, tout proche du site du VLT. Avec une taille de 39 m de diamètre, l’ELT sera le plus grand télescope astronomique sur Terre. Par rapport au VLT, il permettra des observations spatiales plus fines (en combinaison avec des systèmes d’optique adaptative) et des observations d’objets astronomiques plus faiblement lumineux et plus lointains", explique la Docteure Anne-Lise Maire.
Ce télescope géant permettra donc aux astronomes d’accentuer leurs observations, et de continuer à tenter de percer les mystères de l’univers.