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Laurent Marcangeli : « La finale de la Coupe de la Ligue va se jouer, et les barrages seraient impossibles ? »

« Pas les mêmes règles pour tout le monde »

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Le 30 avril dernier, la Ligue de football professionnel actait l’arrêt définitif de la saison 2019-2020. Une décision qui a fait bon nombre de malheureux comme Ajaccio, Troyes et Clermont. De par leur classement, ces formations auraient pu disputer les barrages d’accession pour la Ligue 1. Mais la LFP en a décidé autrement, les annulant tout bonnement. Les maires de ces villes ont donc pris position à travers une lettre destinée à Noël Le Graët, où ils réclament le rétablissement des barrages. Parmi eux, Laurent Marcangeli. Échange avec le maire de la cité impériale, qui espère un dénouement heureux pour l’ACA.

À la suite de la décision prise par la LFP, Ajaccio, troisième de Ligue 2, se retrouve privé de barrages. Une décision que vous avez du mal à digérer.
Sincèrement, ce n’est pas facile à accepter. Parce qu’on est en position d’accéder à la Ligue 1, il faut dire les choses. L’AC Ajaccio a fait une très belle saison et on pensait pouvoir jouer ces barrages, donc le fait que la saison soit interrompue et que l'on n’ait pas le droit de les disputer est une très grosse déception.

Cette option ne doit-elle pas être considérée comme une mesure exceptionnelle face à une situation exceptionnelle ?
Oui, c’est exceptionnel. Mais personne ne s’attendait à ce que l’AC Ajaccio fasse une saison comme ça, c’est la magie de la Ligue 2. On avait une très bonne défense, on a eu des résultats assez exceptionnels à l’extérieur, on se retrouve à un point du second lorsque le championnat est arrêté, on gagne contre Lorient à domicile... Et la saison s’arrête. Difficile à encaisser.

Dans votre lettre, il est écrit qu’Ajaccio, Troyes et Clermont ont « gagné leurs places et auraient même pu aller plus haut si la saison était allée au bout » . Mais d’autres clubs, tels que Valenciennes ou Le Havre, étaient aussi en bonne position pour prétendre aux barrages...
Je le dis clairement : si la saison s'était terminée, l’ACA aurait pu terminer à la cinquième ou sixième place du classement. C’est aussi valable pour les autres. On avait encore des matchs difficiles, mais il a été décidé que le championnat s’arrêtait. Le PSG est sacré champion de France, les 19e et 20e descendent, les premier et deuxième de Ligue 2 montent en Ligue 1. Donc on est sur une règle très simple : les barrages doivent être joués, même sur terrain neutre. On va jouer deux matchs de coupe. La finale de la Coupe de la Ligue, qui est une coupe en chocolat amenée à disparaître et que personne n’apprécie, puis celle de la Coupe de France. Potentiellement, il y aurait aussi une phase finale de Ligue des champions sur terrain neutre en one shot... Et là, on dit que les barrages sont impossibles. Ça pose problème !

Ces barrages impliqueraient d’organiser au moins trois matchs et entraîneraient un risque sanitaire, non ?
Oui, il faut se poser la question. Je n’ai pas les clés pour pouvoir vous répondre avec certitude sur ce que nous réservera l’épidémie, puisque personne n'est en capacité de le faire. Il y a trois matchs qui devront être joués, et ça peut poser un problème. Mais la règle dit que si vous êtes troisième, quatrième ou cinquième, vous êtes potentiellement en barrage. Visiblement, les règles du jeu ne sont pas les mêmes pour tout le monde. C’est ce que j’ai du mal à comprendre.

Pensez-vous que l’arrêt des compétitions sportives était le meilleur choix, ou auriez-vous procédé autrement ?
Évidemment, il y a une problématique d’ordre sanitaire. Le football a une grande place dans ma vie, ça fait toujours un peu de peine quand ça s’arrête. J’étais impatient de voir comment les choses allaient se dérouler, je suis triste de ne pas pouvoir suivre l’Euro. Naturellement, je suis un peu taraudé, comme tous les gens qui adorent ce sport, de ne pas avoir le dénouement de cette saison. C’est un peu triste, il manque quelque chose. En tant qu’élu, je comprends la décision. La seule question que je pose, c’est pourquoi il n’y a pas eu de coordination européenne ? Il y a des championnats voisins qui reprennent et il n’y a pas d’uniformité, c'est problématique.

Si vous parlez de la Bundesliga, l’Allemagne a été beaucoup moins touchée et teste sa population en masse depuis avril. Pas la France.
Je suis d’accord, mais la Serie A devrait reprendre en juin.

Vous n’êtes donc pas en accord avec cette décision prise par Édouard Philippe ?
À titre personnel, je comprends parfaitement la décision du gouvernement français de suspendre toutes les compétitions. Je l’ai peut-être trouvée un peu hâtive, mais je la comprends parce qu’il y a des risques de répliques et de deuxième vague. La situation est inédite, c’est donc compliqué d’envisager une compétition qui se déroule dans des conditions normales.

Peu importe la décision prise par la LFP (saison blanche, gel du classement à la trêve hivernale...), il y aurait forcement eu des déçus...

De toute façon, quoi qu’il arrive, cette saison restera particulière et aura un goût d’inachevé. Si on discute avec les plus grands compétiteurs, ils se diront tous déçus de ne pas être allés au bout. Je ne suis pas sûr que les joueurs du PSG soient contents d’avoir remporté le titre de cette façon, il y a de la frustration. Avec les maires de Troyes et de Clermont-Ferrand, on a voulu donner un coup de pouce à nos clubs respectifs sans trop se bercer d’illusions. Car on sait comment fonctionnent les instances de football dans notre pays, c’est un monde à part. On a souhaité dire que les clubs de nos villes avaient fait leur saison, et qu’on pourrait envisager de leur donner une chance supplémentaire.

En co-rédigeant cette lettre, vous faites directement intervenir l’aspect politique dans le domaine sportif.
J’ai signé volontiers la lettre parce que j’ai une attache à ce sport et à ce club, donc il n’y pas seulement une volonté politique. Je ne suis pas concerné par le deuxième tour des élections municipales, j’ai été élu au premier tour. Ça ôte le doute concernant mon éventuel intérêt politicien de faire des voix en vue d’un second tour périlleux.

On pourrait vous rétorquer qu’il s’agit d’un moyen d’attaquer le gouvernement.
Non, je ne suis pas dans une opposition systématique au gouvernement. Je suis ami avec Édouard Philippe, j’ai été député avec lui pendant cinq ans et nous avons tous les deux suivi Alain Juppé quand il était candidat à la primaire de l'élection présidentielle. Je suis détaché de ces contingences, je ne suis pas sur une attaque du gouvernement. J’étais membre de l’UMP et des LR, j’ai quitté cette famille politique en 2018 et je suis sans étiquette. Tout ce que je dis, je le dis librement. Je parle en tant que passionné, et en tant que spectateur.

Alors, qu’est-ce qui vous a poussé à vous unir à des politiciens de bords différents du vôtre ?
Si Ajaccio n’était pas en position de pouvoir monter, je n’aurais pas co-signé cette lettre et il ne me serait pas venu à l’esprit de la signer seul non plus. C’est une démarche qui est commune avec deux autres villes, Clermont-Ferrand et Troyes, cela s’est fait de manière assez naturelle. Nous avons discuté avec Olivier Bianchi (PS) et François Baroin (LR), il n’y avait pas d’intérêt politique. On a seulement voulu donner un coup de pouce en toute discrétion, je ne pensais pas que ça allait prendre une telle proportion. On a envoyé un courrier à la Fédération pour dire qu’il y avait un problème d’équité sportive, c’est vraiment l’argument de base. On va voir comment les choses vont se dérouler et si cela n’aboutit pas, on prendra acte. La Ligue est une autorité administrative indépendante, elle agit comme elle veut. Je pense que Jean-Michel Aulas s’en est aperçu ! Cela fera partie de ce que certains qualifieront d’injustice terrible, mais même si c’est triste, la vie continuera.