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Une nouvelle proposition franco-allemande de création d’un fonds de relance de 500 milliards d'euros annonce une importante évolution dans l’approche utilisée.

SYNTHÈSE

UN NOUVEAU CHAPITRE EST-IL EN TRAIN DE S’ÉCRIRE POUR LES INSTITUTIONS EUROPÉENNES ET POUR LES MARCHÉS?

L’économie européenne a été lourdement frappée par l’irruption du COVID-19 — d’autant plus que sa croissance était déjà préalablement en difficulté. En 2019, la faiblesse du commerce mondial et la montée des risques politiques en France ainsi qu’en Italie ont cantonné la croissance du PIB de la zone euro à un niveau à peine supérieur à 0% pendant la plus grande partie de l’année. Désormais l’Europe est en récession. Une très large partie de son économie reste soumise à un confinement strict et lorsque ses membres ou ses régions ont levé celui-ci (graphique1), le redressement de l’activité s’est avéré jusqu’à présent modeste1. Si la trajectoire de la reprise européenne sera fortement dépendante des facteurs sanitaires, nous estimons que les réponses des politiques monétaires et budgétaires seront les facteurs clés de toute reprise économique. Dans ce bulletin, nous examinons les perspectives politiques et ce qu’elles pourraient impliquer pour les marchés d’actifs européens. Au cours de ces dernières semaines, les pays de la zone euro ont adopté des réponses politiques importantes. La Banque Centrale Européenne (BCE) a présenté un plan d’urgence d’achats d’obligations de 750 milliards d’euros sur 6 mois pour lutter contre les répercussions de la pandémie en cours (graphique2).

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Elle a aussi remis en place ses opérations habituelles de liquidité pour faciliter le financement des banques et a pris des mesures audacieuses pour assouplir ses exigences en matière de collatéral afin de prendre en compte la détérioration de la qualité de crédit consécutive au choc. L’accent mis par la BCE sur l’assouplissement du crédit et l’assouplissement quantitatif constitue un soutien décisif au secteur bancaire européen. Mais la confiance du marché dans la capacité de la BCE à soutenir l’économie de la zone euro s’est affaiblie à la suite d’une décision de la Cour constitutionnelle allemande appelant à mettre fin à la participation de la Bundesbank au dispositif de QE de la BCE si certaines conditions n’étaient pas respectées.

Sur le plan budgétaire, les gouvernements ont réagi à la crise du coronavirus en utilisant une panoplie d’actions diverses. Parmi celles-ci: des plans de soutien pour maintenir l’emploi à temps partiel, des garanties d’État sur les prêts aux secteurs lourdement frappés, des dépenses de santé pour contribuer à supporter l’effet du COVID-19. Jusqu’à présent, les réponses ont été principalement prises au niveau de chaque pays et leur ampleur combinée a été plus réduite que celle des États-Unis (stimulation budgétaire de 4 à 5% aux États-Unis en 2020 contre 2,5% en zone euro). En avril, l’Eurogroupe a annoncé une série de mesures au niveau européen (jusqu’à 4% du PIB de l’UE) pour soutenir les gouvernements, les entreprises et les salariés, comprenant notamment, sous couvert du Mécanisme Européen de Stabilité (ESM), des lignes de crédit et un plan d’emploi à temps partiel (SURE). Fait important cependant, ce soutien n’intègre pas encore une évolution vers un financement conjoint ou mutualisé.

Ceci pourrait bientôt changer suite à la proposition franco-allemande de création d’un fonds de relance de 500 milliards d’euros, soit l’équivalent de 3,6% du PIB de l’UE. Il impressionne par le fait qu’il s’agisse d’un fonds temporaire financé par des ressources budgétaires futures de l’UE. avec des financements attribués à titre de subventions et non de prêts, anticipés au cours des prochains années et allouées sur la base des besoins et non de la taille. La proposition, publiquement soutenue par la chancelière allemande Angela Merkel et le Président français Emmanuel Macron, autorise l’UE à financer ce fonds en empruntant sur les marchés, cette dette devant être remboursée par les revenus budgétaires futurs de l’UE.

Un modèle possible pour la mutualisation de la dette

Si d’importants détails doivent encore être précisés, cette proposition pourrait apporter un modèle de mutualisation des dettes et ouvrir enfin la voie à une intégration budgétaire européenne. La nouvelle structure financière pourrait émerger comme un élément clé d’une nouvelle architecture financière de l’UE. Nous considérons la proposition franco-allemande comme un pas en avant clair vers la création d’un actif refuge à l’échelle de l’euro et d’une capacité budgétaire étendue. Nous avons été positivement surpris par la proposition pour plusieurs raisons:

La proposition franco-allemande rencontrera sans aucun doute une résistance de la part des pays «frugaux» comme l’Autriche et les Pays-Bas. L’élaboration d’une proposition définitive prendra un certain temps. Le 27 mai, la Commission Européenne va publier la proposition officielle. Nous estimons que le Fonds de relance ne sera pas opérationnel cette année et devrait commencer à allouer ses financements en 2021. La BCE va continuer à être une source vitale de soutien à l’économie européenne. Certains acteurs de marché suggèrent que celle-ci pourrait accroître en juin son programme de QE lié à la pandémie (PEPP). Nous estimons qu’un coup d’accélérateur au cours du second semestre de cette année est probable lorsque le plein effet du ralentissement économique deviendra évident. Les dirigeants politiques espèrent que la proposition franco-allemande de fonds de relance – une marque claire de solidarité européenne – aidera le gouvernement italien à engranger un soutien politique interne et à faire reculer le sentiment anti-euro qui s’accumule dans le pays. L’Italie, qui a été dévastée par le virus, pourrait alors solliciter des lignes de crédit européennes (soutien de l’ESM), qui apporteraient un financement bon marché sans le fardeau d’un endettement supplémentaire.

IMPLICATIONS POUR LES CLASSES D’ACTIFS

Les actifs européens se sont montrés volatils au cours de ces dernières années. C’est en partie la conséquence de la dépendance marché des actions envers le sentiment général du marché au niveau mondial. Mais la volatilité reflète surtout la fragilité du cadre institutionnel de l’Europe qui a freiné la croissance économique, persisté comme un handicap pour l’euro, contribué au maintien de faibles rendements obligataires et à l’aplatissement de la courbe des taux et qui a enfin pesé sur les actions. Notre propre analyse a commencé à évoluer au cours de ces derniers mois. En mars, après l’annonce par l’Allemagne d’une forte relance budgétaire, nous avons placé les Bunds allemands dans le compartiment obligataire que nous prisons le moins. La récente proposition de création d’un Fonds Européen de Relance conforte cette analyse et donne de la consistance à un argument plus favorable aux produits de spread européens (obligations souveraines périphériques et crédit en EUR).

Les actions européennes ont été pendant un certain temps un marché de financement dans notre cadre relative value actions. Mais nous réévaluons cette approche du fait que le cycle économique évolue vers une nouvelle phase et que le cadre institutionnel de l’UE évolue. Les actions européennes ont pris du retard sur les autres marchés cycliques au cours de ces dernières semaines mais affichent désormais un bêta élevé à court terme par rapport aux actions internationales. Nous prévoyons que si une rotation cyclique sur les marchés d’actions s’accélère, les actions européennes devraient largement en profiter.