Dark Army : le film de monstre de Paul Feig ne sera pas un film d'horreur
by Mathieu JaborskaAprès un partenariat pour le moins rentable avec Blumhouse, Universal va-t-il enfin utiliser ses monstres classiques pour faire peur ? Rien n'est moins sûr.
Le fruit de cette collaboration, le Invisible Man de Leigh Whannell, aura beaucoup rapporté aux deux firmes, avant et pendant la pandémie, une prouesse dont beaucoup d'autres gros studios rêvent. Les 7 millions de dollars de budget se sont transformés en 122,9 millions de dollars amassés dans le monde, et l'exploitation en VOD a également très bien marché, du moins plus que la concurrence. Après le semi-échec commercial et total échec artistique de La Momie, ainsi que l'arrêt d'un projet de Dark Universe censé concurrencer Marvel, ce carton fait du bien.
Que vont donc devenir ces personnages, devenus cultes depuis les années 30 grâce à un univers étendu étrangement dans l'air du temps ? En dépit du fait que beaucoup de projets seraient en développement (The Invisible Woman, Renfield, Monster Mash), il est difficile de statuer sur la teneur de ceux-ci.
Le film le plus difficile à cerner, et celui qui suscite le plus d'appréhension est probablement Dark Army, sorte de crossover confié à Paul Feig, coupable de Spy, le remake de S.O.S. Fantômes et dernièrement Last Christmas, oeuvre saisonnière destinée à disparaitre des esprits une fois les beaux jours arrivés.
Autant dire qu'il y a de quoi être intrigué par ce blockbuster en théorie inspiré par les classiques du genre comme le très célèbre La Fiancée de Frankenstein. Après avoir déjà expliqué qu'il ne considérait pas la saga originale des Universal Monsters comme des films d'horreur, le cinéaste a évoqué plus en détails l'état de la production dans un entretien avec Collider.
"Eh bien, j'ai fini deux versions et j'adore, c'est un de mes scripts préférés parmi ceux que j'ai écrit. Universal, ils ne sont pas trop sûrs de ce qu'ils font en ce moment. Parce que Invisible Man a vraiment bien marché avec un micro-budget, et mon film est un peu plus cher que ça. Donc, je prie pour qu'on puisse le faire, parce que je l'adore juste totalement. Il me passionne tellement."
Le projet ne serait donc pas encore officialisé du côté de chez Universal. Il avait été question d'un Dark Army avant les premiers pas au box-office du long-métrage maitrisé de Leigh Whannell. Maintenant que 7 petits millions de dollars et un sens de la mise en scène particulièrement efficace ont réussi à rapporter le gros lot, le studio hésite peut-être à se lancer dans une vraie production de taille, avec un réalisateur loin d'être chouchouté par le public après la débandade S.O.S. Fantômes. En tout cas, l'intéressé y croit :
"Aujourd'hui, je suis très fidèle au genre traditionnel du film de monstre. Pas du film d'horreur, du film de monstre. J'adore ces films des années 1930, les films de James Whale ; La Fiancée de Frankenstein est, je pense, toujours un des plus grands films de tous les temps. Donc je veux ce ton parce que ces films étaient vraiment fun. Ils les traitaient sérieusement, mais vous savez aussi qu'ils s'amusaient beaucoup avec eux, alors ils contiennent beaucoup de personnages extrêmes et de personnages amusants. C'est ce que je veux, je n'ai jamais voulu faire un film d'horreur. Je veux un vrai film de monstre."
Le metteur en scène persiste et signe : il est probable que Dark Army ne soit pas conçu pour nous arracher le moindre frisson. Pour lui, les Universal Monsters movies n'étaient pas des films d'épouvante, remarque que beaucoup d'historiens du cinéma doivent considérer d'un air dubitatif. Vu comment il insiste sur le côté amusant de l'animalerie développée ici, on pourrait même se trouver en présence d'une comédie déguisée, genre qui constitue la quasi-intégralité de sa filmographie.
"Pour moi, il est question des exclus. Ces films de monstre, beaucoup d'entre eux étaient réalisés par des réalisateurs gays, et j'ai beaucoup lu sur à quel point ces monstres représentaient des exclus de la société et ce qu'ils ressentaient et tout ça. Alors ce type de réalisme et les émotions qu'il provoque sont très importants pour moi. Ce n'est pas juste faire peur aux gens, c'est comment vous vous investissez dans ces situations et ces personnages. Vous savez, Frankenstein est un tel personnage tragique. C'est le type de sentiments que je veux.
Ça sera drôle, mais ça ne sera pas une parodie. C'est amusant et drôle grâce aux interactions de ces personnages, mais les situations sont très réelles et sérieuses. J'espère qu'on pourra le faire. Qui sait ce qui va se passer ? Maintenant, tout est dans la tourmente à cause du virus."
Feig fait référence à James Whale, auteur des plus grands chef-d'oeuvres de cette période et homosexuel, une orientation sexuelle très rare dans l'industrie profondément attachée aux bonnes vieilles valeurs américaines de l'époque (ou en tout cas, largement dissimulée). Sa vie, romancée dans le film Ni dieux ni démons, a en effet probablement influencé ses longs-métrages.
Pas sûr que son successeur auto-proclamé ne s'empare de ces personnages cultes avec le même degré de subtilité, imposé par un contexte culturel et social à 1 000 lieues du Hollywood progressiste actuel. Encore faudrait-il que son film se fasse.