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«Place à la solidarité entre générations». La chronique de Hakim El Karoui

« Si l’on sort maintenant du domaine sanitaire, on constate, à court et à long terme, que les victimes de la crise, ce sont les jeunes »

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Quand on aura un peu de recul, on se rendra compte que la crise du Covid-19 a donné lieu à un formidable élan de solidarité entre générations. La société française et plus généralement le monde entier a décidé d’arrêter l’économie pour permettre de sauver la vie de centaine de milliers de personnes âgées. Certains y vont vu la preuve que « la civilisation existait toujours » (Alain Finkielkraut), d’autres ont regretté que dans la panique, on foule aux pieds quelques principes anthropologiques fondamentaux comme celui de rendre hommage à ses morts.

Maintenant que l’épidémie semble s’éloigner (pourquoi, combien de temps ?), faisons une première lecture de la situation à l’aune de la solidarité entre les générations : l’âge moyen des victimes du Covid est en France de 80 ans. Bien sûr, des personnes plus jeunes ont été malades, parfois gravement, mais la seule variable qui explique la morbidité due à la maladie est l’âge.

Si l’on sort maintenant du domaine sanitaire, on constate, à court et à long terme, que les victimes de la crise, ce sont les jeunes. Les enfants et adolescents d’abord qui vont pâtir de la déscolarisation subie pendant six mois, notamment ceux qui viennent des milieux les plus populaires. Huit cent mille jeunes sont concernés ; les jeunes en fin d’études dont l’entrée dans la vie active va être rendue plus complexes : moins de stages pour les diplômés, moins d’alternance pour les élèves de l’enseignement professionnel, moins d’emplois tout simplement, qui seront plus précaires et plus mal payés. Pour ceux déjà rentrés sur le marché du travail, le spectre du chômage menace : ce sont les contrats les plus récents et les plus courts qui vont les premiers pâtir de la crise économique.

« Je propose que les pensions des retraités baissent un temps, pendant deux ans par exemple, ce qui permettra de renflouer les caisses du système social »

Situation paradoxale. A plus long terme, la politique monétaire ultra-expansionniste qui a été mise en place va avoir pour conséquence, comme depuis dix ans, une bulle de la valeur des actifs et notamment des actifs immobiliers : les jeunes vont donc être rejetés toujours plus loin des centres-villes. Enfin, et malgré tous les discours lénifiants sur le sujet, il faudra bien rembourser la dette accumulée : la contraction de la dépense publique ne se fera pas sur le système de santé, compte tenu de la crise. Elle risque donc de porter sur l’ensemble des dépenses destinées à préparer l’avenir (éducation, enseignement supérieur…). Et dans le même temps, les revenus des actifs vont baisser : hausse du chômage, augmentation de la précarité en temps incertain, stagnation des salaires, tout va contribuer à cette évolution.

Quid cette fois des revenus des retraités ? Ils vont continuer à augmenter sans coup férir puisqu’ils sont décorrélés de la situation économique. La valeur de leur patrimoine va augmenter avec la hausse probable de l’immobilier. Et l’on va se retrouver dans la situation paradoxale que le sacrifice bien justifié des actifs ne va pas s’accompagner d’une évolution similaire pour les retraités.

Je propose donc ici que les pensions des retraités baissent un temps, pendant deux ans par exemple, ce qui permettra de renflouer les caisses du système social : les retraites, c’est 370 milliards d’euros par an financés par les actifs. Les retraités accepteront, dans un contexte de crise économique et sociale généralisé, de rendre aux actifs et notamment aux jeunes, un peu de ce que ces derniers leur ont donné ces derniers temps. La solidarité entre les générations sera ainsi non pas un mythe mais une réalité. Chiche ?