Négociation : Arrêter Le “Gagnant-Gagnant” Par Altruisme
by Julien PelabereLa négociation fait partie de ces rares disciplines que nous pratiquons au quotidien avec plus ou moins de succès, sans pour autant être formés en amont. Inconsciemment nous avons tous une idée de ce qu’est l’issue d’une négociation : tel un match de boxe, il y a un gagnant et un perdant. Impossible d’avoir deux gagnants ?
Pas exactement. A la différence de la boxe, il peut clairement y avoir deux gagnants en négociation, partant du principe que les deux parties obtiennent plus après l’accord qu’avant. De nombreuses personnes sont donc à la recherche de cette négociation “gagnant / gagnant” car c’est aussi leur façon de s’acheter une bonne conscience à la fin de la négociation. S’assurer que l’autre est satisfait, et qu’il a gagné un peu plus après la négociation qu’avant.
Cette logique “gagnant / gagnant” devenant même un credo de tout formateur en négociation ou de tout négociateur. La fin justifiant les moyens, on peut alors tout se permettre à partir du moment où le résultat semble favorable aux deux parties. Il n’est pas rare de constater que les adeptes du “gagnant / gagnant” agissent majoritairement de deux manières :
- Soit ils essaient de prendre l’ascendant sur l’autre dès le départ de la négociation en instaurant un rapport de force qui leur est favorable. Puis par dichotomie intellectuelle du bien et du mal, ils se permettent quelques petites concessions en fin de négociation pour s’assurer que l’autre n’est pas trop mécontent. Tel un bon samaritain, ils ont alors l’impression d’être altruistes même si leur attitude tout au long de la négociation a détérioré la relation ou s’ils se sont empêchés de maximiser leur profit global.
- Soit ils essaient de partager un maximum d’informations dès le début de la négociation, d’être dans une démarche réellement coopérative, et bien souvent ils tomberont devant des négociateurs moins scrupuleux qui n’hésiteront pas, au nom du “gagnant / gagnant”, à leur demander de faire toujours plus de concessions. L’accord se dessinant devant eux comme de moins en moins intéressant.
Paradoxalement, la pratique nous montre que viser le “gagnant / gagnant” par idéal ou par altruisme ne permet pas de maximiser complètement les gains à l’issu de la négociation.
Pour maximiser son gain mais aussi celui de l’autre en négociation, il faut paradoxalement être égoïste. Attention, être égoïste par choix ce n’est pas s’intéresser qu’à soi, faire fi de l’autre et convaincre à tout va pour anéantir l’autre et imposer sa décision. Bien au contraire.
- Être égoïste par choix dans la négociation, c’est comprendre que l’on ne pourra pas obtenir totalement ce que l’on veut sans comprendre puis résoudre totalement le problème de notre partenaire.
- Être égoïste par choix, c’est foncièrement s’intéresser pleinement à notre partenaire pour qu’il soit dans les meilleures conditions pour nous autoriser à prendre le maximum à la fin de la négociation.
- Être égoïste par choix, c’est respecter son partenaire de négociation, non pas en s’achetant une caution morale à partir de concessions non justifiées, mais en étant entièrement dédié à solutionner sincèrement son problème pour obtenir tout ce que l’on souhaite sans compromis.
- Être égoïste par choix, c’est s’autoriser un optimum de négociation pour les deux et non un équilibre de Nash pour les adeptes du dilemme du prisonnier.
Paradoxalement, si dans vos prochaines négociations, vous ne cherchez pas le “gagnant / gagnant” par altruisme ou encore pour que votre partenaire vous apprécie un peu plus, mais si vous souhaitez un “gagnant /gagnant” par égoïsme psychologique sachant que c’est l’unique moyen de parvenir à un optimum, vous verrez que tout le monde obtiendra beaucoup plus in fine et que la relation n’en sera que meilleure. Voilà le paradoxe de l’égoïsme en négociation, lorsqu’il devient source d’altruisme et d’une véritable situation de “gagnant / gagnant”.
<<< À lire également : Bien Digérer Un Départ Pour Un Leadership Sans Aigreurs >>>