Se déconfiner sans paniquer

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Loin du sentiment général de soulagement, le déconfinement progressif peut devenir un cauchemar pour certaines personnes. Rues bondées, distanciation sociale difficile à respecter, perte de contrôle sanitaire; les craintes sont nombreuses pour les personnes qui ont peur d’attraper la COVID-19.

Vous éprouvez de l’anxiété par rapport au déconfinement? Sachez que c’est une réaction totalement normale. En effet, selon le psychologue Francis Lemay, puisque nous sommes en terrain inconnu, il est naturel d’avoir une certaine réaction face à la situation. Se méfier des gens, diminuer au strict minimum ses allées et venues ou encore garder une distance exagérée entre nous et autrui sont des symptômes qui vont de soi étant donné la situation que nous vivons actuellement. 

«La dernière pandémie date de plus de cent ans. Nous sommes peu nombreux à l’avoir vécu. C’est normal de vivre de l’anxiété par rapport à ce qui se passe. On est en territoire inconnu. Par contre, c’est important d’avoir une réaction adaptative face à la situation. Si, après que la majorité de la population ait reçu un vaccin contre la COVID-19, vous continuez d’avoir ce type de réaction, là, on pourra parler de réaction excessive», explique M. Lemay. Le psychologue chez Psychologie Déploiement à Québec souligne qu’on ne peut pas vraiment parler de compulsions problématiques étant donné les différentes mesures recommandées présentement par la santé publique. 

Pour le Dr Camillo Zacchia, spécialiste des troubles anxieux et des phobies, l’augmentation de l’anxiété qu’on observe dans la population face au déconfinement est compréhensible. «La peur, l’anxiété, c’est naturel. Ça fait partie de notre instinct. C’est ce qui nous a permis de survivre jusqu’à aujourd’hui. Notre perception du danger, c’est-à-dire notre jugement, va faire en sorte qu’on éprouve peu ou trop d’anxiété. Ce qu’il faut arriver à faire, c’est trouver un niveau d’anxiété qui nous convient, qui est sécuritaire», affirme le spécialiste. 

Selon le vice-président de Phobies-Zéro, un organisme montréalais qui vient en aide aux personnes vivant des troubles anxieux, puisque cette réaction est naturelle, on ne peut pas actuellement dire que les gens qui ressentent de l’anxiété par rapport au déconfinement sont agoraphobes ou vivent des TOC comme celui du lavage des mains. «Les gens qui ont des troubles anxieux vont souvent avoir peur d’avoir peur. Ils vivent une sorte de cercle vicieux. S’ils sentent que leur rythme cardiaque augmente et que, leur phobie, c’est d’avoir une crise cardiaque, ils vont avoir peur, ce qui augmente leur rythme cardiaque et ainsi de suite. Les gens dans la population n’ont pas peur d’avoir peur du coronavirus», précise M. Zacchia. 

«Ça va bien aller», une solution naïve?

«Je peux vous garantir qu’avec les psychologues avec qui j’ai discuté dans les dernières semaines, nous ne sommes pas vraiment friands du “Ça va bien aller”. Parce que la vérité, c’est qu’on ne le sait pas si ça va bien aller», fait valoir M. Lemay. Les psychologues préconisent plutôt le fait de relativiser, de se parler. Et M. Zacchia insiste, le but n’est pas d’essayer de se convaincre. «Il faut faire la part des choses entre ce qui est possible et probable. Si vous n’êtes pas dans une zone chaude, que vous ne faites pas partie des personnes à risque et que vous appliquez les mesures recommandées par la santé publique, c’est possible que vous attrapiez quand même le virus. Mais ce n’est pas probable. Et, même si vous attrapez le virus, c’est possible que vous mouriez. Mais, encore une fois, c’est peu probable», ajoute le spécialiste.

M. Lemay conseille, quant à lui, de se donner le droit de se déconfiner à notre propre rythme, d’y aller de façon graduelle : «Même si on dit que les dentistes et les coiffeurs vont rouvrir, si vous vous n’êtes pas à l’aise, vous n’êtes pas obligé de prendre rendez-vous! Allez-y graduellement, sur le long terme. Si vous avez peur d’attraper le virus dans une foule, commencez par aller prendre une petite marche à l’extérieur près de chez vous ou dans un endroit peu achalandé. Il faut réussir à apprivoiser cette anxiété-là tranquillement.»

Pour plusieurs, le déconfinement se fera peut-être encore plus lentement que celui préconisé par le gouvernement. Tranquillement, mais sûrement les choses reviendront à la normale. «Lorsque le Viaduc de la Concorde s’est effondré en 2006, après, on s’est tous mis à regarder et vérifier les viaducs lorsqu’on passait sous un en voiture. Après la pandémie, c’est certain qu’on va être sensibilisé aux virus et qu’on va changer nos habitudes. Mais tout va revenir à la normale. L’important, c’est de ne pas se laisser emprisonner par la peur», conlut M. Zacchia.