Des taux négatifs aux chaînes d'approvisionnement
by James Mazeau, UBS Global Wealth ManagementLe monde de l'après COVID-19 commence à se profiler. Dans cette optique, un certain nombre de questions se posent. Ebauches de réponses.
Les marchés internationaux se sont redressés en ce début de semaine. Car l'amorce d'un déconfinement et d'un redémarrage de l'activité économique a éclipsé les données macroéconomiques médiocres. Depuis leur point bas du 23 mars, les indices MSCI All Country World et S&P 500 ont rebondi respectivement de 25% et 28%.
Après avoir clôturé pour la première fois de son histoire en terrain négatif en avril, le contrat à terme à échéance la plus proche sur le baril WTI est remonté à près de 35 dollars. On peut commencer à se demander à quoi ressemblera le monde de l'après COVID-19. De leur côté, les investisseurs aimeraient en savoir plus sur les évolutions macroéconomiques et le comportement des principales classes d'actifs à l'avenir. Voici des réponses à quelques-unes des questions les plus fréquemment posées.
1. Vers des taux d'intérêt négatifs aux Etats-Unis?
Le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, a déclaré le 13 mai que la Fed ferait le nécessaire pour soutenir la reprise de l'économie américaine, mais qu'une politique de taux zéro n'était pas envisagée, contrairement à ce que reflètent les cours des contrats à terme sur les Fed funds arrivant à échéance au deuxième trimestre 2021.
Tout semble indiquer que la Fed a raison mais, même en l'absence de taux d'intérêt négatifs, il est clair que les investisseurs devront se démener pour améliorer le rendement de leur portefeuille car les obligations de grande qualité offrent toujours une rémunération très faible. Ils peuvent, par exemple, s'exposer à des segments obligataires plus risqués comme le haut rendement américain.
Autres suggestions en matière d'obligations: les obligations investment grade américaines et les obligations souveraines émergentes libellées en USD. Pour les investisseurs qui peuvent avoir recours aux options, la vente d'options put offre un rendement relativement élevé à l'heure actuelle car les marchés sont très volatils. Et comme les taux d'intérêt devraient rester bas, la donne pourrait pencher en faveur des stratégies d'emprunt, ce qui veut dire que les investisseurs disposés à prendre des risques peuvent améliorer la performance de leur portefeuille.
2. L'apparition de nouveaux cas de COVID-19 en Chine dissuadera-t-elle les investisseurs en actions chinoises?
Les nouveaux cas enregistrés à Wuhan et dans d'autres villes chinoises, ainsi qu'en Corée du Sud, ont suscité la crainte d'une deuxième vague d'infections au coronavirus. Néanmoins, l'apparition de foyers d'épidémie localisés ne semble pas de nature à miner l'argumentaire d'investissement faveur des actions chinoises.
Les autorités ont réagi rapidement: les 11 millions d'habitants de Wuhan seront dépistés et des mesures de confinement sont rétablies dans la ville de Jilin. La Chine est à un stade plus avancé du cycle de l'épidémie de COVID-19 que le reste du monde. Les actions chinoises devraient être le fer de lance du rebond et surperformer les actions des marchés développés hors Etats-Unis.
La Chine devrait atteindre le plancher du cycle des bénéfices avec une longueur d'avance sur les pays développés. Le rebond des bénéfices ne devrait pas tarder. On peut ainsi tabler sur une croissance des bénéfices de 3% cette année en Chine, contre une contraction à deux chiffres pour la zone euro.
En outre, de nombreuses entreprises chinoises sont exposées à des facteurs de croissance à long terme tels que l'urbanisation et la transformation numérique. Une exposition diversifiée aux actions A (cotées en Chine continentale) et aux actions H (cotées à Hong Kong), ainsi qu'aux American depository receipts (ADR) peut sans doute être recommandée.
3. Faut-il des chaînes d'approvisionnement plus locales?
Intervenue dans le sillage des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, la pandémie de COVID-19 a clairement mis en évidence la vulnérabilité des chaînes d'approvisionnement internationales. Après la crise, les entreprises et les gouvernements chercheront sans doute à les diversifier en trouvant des fournisseurs plus proches de leur pays.
Plusieurs bénéficiaires à long terme de cette tendance se dessinent. Les entreprises spécialisées dans l'automatisation des entrepôts devraient enregistrer une croissance structurelle avec l'essor du commerce électronique. L'automatisation des usines devrait également avoir le vent en poupe car les entreprises disposant d'usines automatisées sont parvenues à maintenir leur production tout au long de la crise, ce qui est manifestement un avantage concurrentiel.
4. Le rebond des cours du pétrole est-il durable?
Les cours des contrats à terme sur le baril de brut WTI sont remontés à 29 dollars après avoir chuté en terrain négatif en avril. Les distorsions sur les marchés du pétrole devraient continuer d'alimenter la volatilité.
Néanmoins, même si le marché est aujourd'hui totalement saturé, il devrait se rapprocher de son équilibre lors du prochain trimestre. Il pourrait même devenir déficitaire au quatrième trimestre. En effet, la levée des restrictions sur les déplacements à partir de la mi-mai est de nature à favoriser un rebond de la demande de pétrole au second semestre.
Par conséquent, un rebond du baril WTI à 40 dollars d'ici la fin de l'année paraît probable. Cela crée des opportunités d'investissement dans le secteur de l'énergie. Côté actions, il conviendrait de privilégier les entreprises américaines dont les finances sont solides et les valeurs défensives européennes. Côté obligations, quasiment tout l'éventail paraît offrir de belles opportunités. Mais la préférence devrait aller aux émetteurs qui jouissent de faibles coûts de production, de fondamentaux relativement solides et d'un accès aux capitaux.
5. Le marché américain plus fragile après le rebond?
Les actions mondiales ont été plus volatiles en raison d'une actualité moins encourageante sur le front de la reprise économique, de la réapparition de nouveaux cas de COVID-19 en Corée du Sud et en Chine, ainsi que de la prolongation du confinement dans certains pays et certaines villes.
Mais il y a également des raisons d'être optimiste: la possibilité d'une percée médicale avec plus de cent traitements et vaccins en cours de développement, un modèle de dépistage et de traçage numérique plus sophistiqué et le soutien des gouvernements sont autant de facteurs qui pourraient encore faire grimper les cours.
Les parlementaires américains travaillent sur un nouveau projet de loi prévoyant 3’000 milliards de dollars de nouvelles dépenses. Si jamais il est adopté, des titres cycliques et certaines valeurs décotées pourraient surperformer.
Néanmoins, une deuxième vague épidémique significative ne saurait être exclue qui empêcherait un redémarrage durable de l'activité économique avant la mi-2021. Dans ce scénario, l'indice S&P 500 se situerait sans doute à 2’100 points en fin d'année.
Pour se couvrir contre ce scénario, on peut recommander une diversification à l'échelle mondiale, une allocation à l'or et aux TIPS (obligations indexées sur l'inflation du Trésor américain) ainsi qu'aux hedge funds, le recours à une allocation d'actifs dynamique ou à des produits structurés offrant un certain degré de protection du capital.
Néanmoins, comme l'incertitude reste forte (dans un sens comme dans l'autre), les obligations sont la classe d'actifs qui affiche le meilleur profil risque/ rendement, notamment les obligations investment grade et à haut rendement américaines et les obligations souveraines émergentes libellées en USD.