Un ancien choix en a longtemps voulu à Therrien

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Pendant les années 1990, le Canadien de Montréal a connu des ratés au repêchage. Seul joueur sélectionné dans le top 10 de cette décennie, Terry Ryan fait partie d’un groupe de choix de premier tour qui se sont évanouis malgré les espoirs fondés en eux.  

Repêché au 21e rang en 1993, Saku Koivu est de loin le plus prolifique de la bande de joueurs sur lesquels le CH a jeté son dévolu au tour initial, avec 832 points en 1124 affrontements dans le circuit. En revanche, Brent Bilodeau, un défenseur de la Ligue de l’Ouest (WHL), n’a jamais vu d’action au niveau supérieur.   

Dans le cas de Ryan, un marqueur de 50 buts qui jetait les gants à répétition dans la WHL, plusieurs cherchent encore à comprendre comment l’expérience a échoué, 25 ans après sa sélection au huitième échelon de la séance annuelle. Le saut dans les rangs professionnels ne s’est pas passé comme prévu pour l’attaquant terre-neuvien. Et ç’a commencé par son nouvel entraîneur-chef.   

«C’est un portrait négatif qui a été dessiné sur mon passage dans l’organisation, a-t-il raconté dans un entretien avec le site TVASports.ca, dimanche. J’avais une relation tumultueuse avec Michel Therrien. Je ne l’aimais pas beaucoup.»   

«Et je suis sûr qu’il ne m’aimait pas...»   

Quand ça ne clique pas  

À sa première saison complète avec le club-école de Fredericton, en 1997-1998, celui qui a grandi en idolâtrant Chris Nilan a conclu au troisième rang des compteurs des siens avec 21 buts et ses 256 minutes au cachot étaient un sommet dans l’effectif. Ryan n’avait pas peur de montrer aux décideurs ce qu’il avait dans le ventre pour prouver sa valeur.   

«C’est le type de joueur qu’ils voulaient que je sois. Et c’était difficile de marquer des buts et de se battre tous les soirs dans cette section de la Ligue américaine (LAH).»   

Malgré les statistiques et le potentiel lui étant reconnus, il n’était pas capable de sentir l’homme qui le dirigeait. En bon français, ça ne cliquait pas, tant sur la glace qu’à l’extérieur.   

«C’était une autre époque avec des mœurs différentes. Therrien fumait dans l’autobus. Je trouvais ça ignorant de sa part. Je n’aimais pas ça, s’est-il souvenu. Mais je ne suis qu’un joueur et c’est lui qui guide le navire.»   

Et le capitaine de la croisière avait, semble-t-il, le jugement facile à l’égard de son jeune troupier. «Il s’était fait à l’idée que je pourrais aller voir un spectacle et revenir avec un mohawk bleu. J’étais un personnage imprévisible et authentique. Je ne crois pas qu’il aimait ça.»   

«Il voulait des soldats qui ne célèbrent pas après chaque but et qui n’ont pas une personnalité spéciale.»   

Un peu comme un certain P.K. Subban, plus de 10 ans plus tard? «Oui, totalement! Et j’étais dans l’organisation sept ans avant lui.»   

Il a exigé une transaction  

À l’aube de sa deuxième saison, sachant qu’il n’était pas dans les bonnes grâces de Therrien, Ryan a exigé une transaction au directeur général Réjean Houle parce qu’il était devenu évident que le mariage avec l’entraîneur était malsain.   

«Il a été gentil avec moi. Il m’a dit qu’il aimerait me voir avec le nouveau club-école de Québec et qu’il me voyait comme capitaine. J’ai répondu : "quoi? Pourquoi m’as-tu choisi au premier tour? Moi, je veux jouer avec le club". Il a rétorqué : "je ne t’ai pas sélectionné au premier tour".»   

Houle disait vrai. Dans les faits, Ryan a été la dernière sélection de premier tour du règne de 12 ans de Serge Savard, limogé quelques mois après l’encan amateur de 1995. L’instructeur-chef Jacques Demers s’est aussi vu montrer la porte. L’équipe venait de subir quatre défaites de suite pour commencer la saison.   

Ces perturbations du côté de l’administration ne changeaient en rien l’objectif du jeune espoir entêté. Mais il a compris que sa carrière ne décollerait pas avec le Bleu-Blanc-Rouge.   

«J’ai demandé à être échangé, j’ai boudé le camp, puis... je me suis blessé à une cheville. Les partisans ont dû se faire à l’idée que j’avais abandonné. Moi, je voulais continuer. Ç’aurait été génial à Montréal, mais je voulais jouer ailleurs. Que ce soit outre-mer ou à un autre endroit.»   

Mais les choses ne se sont pas déroulées ainsi et Ryan n’a pas vu son souhait exaucé. Après avoir refusé l’offre qualificative du Tricolore en 1999, il a roulé sa bosse entre la LAH, l’International Hockey League et la West Coast Hockey League. Il a de nouveau été blessé à une cheville au camp des Stars de Dallas en 2001.   

Tout un personnage  

Après un court passage dans l’ECHL, il a misérablement accroché ses patins en 2002.   

Cinq ans plus tard, l’auteur de ces lignes l’avait rencontré à l’occasion d’un tournoi de hockey-balle dans Villeray-Parc-Extension de Montréal. Il venait de connaître la gloire dans une émission de télé-réalité, dans laquelle il a perdu 50 livres.   

D’ores et déjà, discuter avec Terry Ryan est l’équivalent de s’entretenir avec un conférencier, un conteur, voire un humoriste... tout en un. Car c’est tout un personnage! Mais le sympathique cascadeur et acteur a dû se remettre d’un lourd sentiment d’échec lorsqu’il a mis un terme à sa carrière.   

«J’étais déprimé. Je mangeais et buvais sans cesse. J’étais frustré contre tout le monde parce que je cherchais à savoir si (les choses se seraient passées différemment). Ça ne te mène nulle part.   

«À la fin, j’ai réussi. J’ai joué huit matchs et je me contente d’avoir joué même un seul match.»   

En paix avec le passé  

Ryan ne jette pas complètement le blâme sur son ancien instructeur Michel Therrien s’il n’a pas réalisé son rêve de s’établir dans la LNH. Il aurait aimé que les choses se passent différemment afin que les deux hommes soient sur la même longueur d’onde.   

«C’était une courbe d’apprentissage. J’étais le premier (espoir bien côté) qu’il a eu à diriger, étant lui-même à sa première expérience dans les rangs professionnels, a-t-il concédé.   

«Je faisais mes classes en même temps que Therrien et je ne m’entendais vraiment pas avec lui. Mais de là à le tenir complètement responsable de mon parcours, ce serait injuste. (...) S’il avait été promu à Montréal et que j’avais été rappelé pendant qu’il était là, j’aurais joué.»   

Son dernier match: avec Dave Morissette   

Terry Ryan a une anecdote à raconter au sujet de son ancien camarade, l’animateur de la chaîne TVA Sports Dave Morissette.   

Les deux joueurs étaient souvent rappelés en même temps par le grand club. Un soir, face aux Blackhawks de Chicago, comme c’était l’habitude, ils ont participé à la période d’échauffement - Ryan en profitait pour refiler son numéro de téléphone à des dames entre les vitres - et ils se sont assis au banc en pensant qu’ils n’effectueraient aucune présence du tout.   

«On regardait le cadran et il me disait : "je te gage 100 $ que le temps va s’arrêter à telle seconde". La première période a passé sans que l’on ait été utilisés une seule fois, ce qui signifiait qu’on ne jouerait probablement pas.»   

«Soudainement, je ressentais une vive douleur aux pieds. J’ai dit au "Moose" que j’avais mal aux pieds et mes yeux commençaient à brûler. Il m’a répondu : "tu ne le savais pas? Les gars ont mis de l’A535 dans ton casque". Il m’a dit de défaire mes patins, car on ne serait pas lancés dans la mêlée.»   

Quelques instants plus tard, Morissette a été envoyé sur la glace par Alain Vigneault pour chasser Bob Probert. Un combat a suivi. Puis, le trio de Ryan, Trent McCleary et Patrick Poulin a été sollicité.   

«Je me suis battu contre Cam Russell. C’était un bon combat, s’est-il rappelé au sujet de l’actuel directeur général des Mooseheads de Halifax. Je ne le savais pas, mais c’était mon dernier match dans la Ligue nationale de hockey.»   

Des amitiés qui restent  

En 1996-1997, Ryan a disputé trois rencontres avec le Canadien. Il a tout de même passé une grande partie de la campagne dans les parages, puisque Houle et l’instructeur-chef Mario Tremblay voulaient qu’il s’entraîne avec les vétérans. C’est à ce moment qu’il a forgé des expériences de vie et formé des amitiés qui restent vivantes à ce jour.   

«Ça ne paraît pas sur les feuilles de match, mais tu t’entoures de gars comme Vincent Damphousse, Mark Recchi, Shayne Corson et Scott Thornton. Je parle encore à tous ces gars-là. J’ai parlé à Corson il y a deux jours et Thornton devrait venir me voir l’automne prochain pour aller à la chasse. Tous ces gars m’ont tellement appris de choses.»   

«Lorsque tu atteins ce haut niveau de jeu dans une organisation extrêmement professionnelle comme le Canadien de Montréal, tu apprends à être humain et comment donner au suivant.»