Américains et Chinois sauront-ils éviter le piège de Thucydide ?

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Depuis qu’ils commencent à sentir le sol de l’hégémonie sur le monde se dérober sous leurs pieds, les Américains sont devenus hantés par les guerres. Ils ne veulent pas se laisser distancer sur le plan économique, scientifique ou militaire par quiconque. Ils jouent le rôle de leadership du monde depuis si longtemps qu’ils tiennent à le rester définitivement. Jusqu’à la fin des temps. Sauf que d’autres pays ne l’entendent pas de cette oreille. On leur dispute actuellement ce rôle. Et c’est de bonne guerre.

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 En fait, c’est la crise sanitaire provoquée par la Covid-19 qui vient révéler d’une manière on ne peut plus subtile comment les Chinois sont sur l’offensive pour mettre fin, le plus tôt possible et sans entrer directement en conflit militaire avec les armées de l’oncle Sam, à l’hégémonie américaine. Les Chinois ont non seulement pu faire face à cette épidémie de coronavirus en recourant d’abord à un confinement général de plus de deux mois de la population de la ville de Wuhan (11 millions d’habitants) puis en proposant leur aide logistique et médicale à des pays de l’Europe, entre autre l’Italie, qui, idéologiquement et politiquement appartiennent au bloc occidental. Il va de soi que les Américains et le président Trump en premier n’ont pas du tout apprécié le fait que les Chinois, tenus comme les seuls responsables de cette pandémie, en viennent à se comporter comme les sauveurs de l’humanité. En effet, l’intervention des Chinois et leur aide si précieuse pour un certain nombre de pays ne se sont pas limités aux seuls pays de l’Europe mais à l’ensemble des pays d’Afrique, par exemple, qui en avaient fait la demande. 

Souvenons-nous d’abord du fameux « Choc des civilisations » de Samuel Huntington qui a fait l’objet de nombreuses critiques, en particulier de l’intellectuel palestino-américain Edward Saïd qui n’y voyait ni plus ni moins qu’un « choc de l’ignorance ». A postériori, on pourrait dire que ce livre a, peut-être, été commandité par le pouvoir militaro-industriel étasunien qui devait trouver un substitut à l’ennemi communiste, incarné par l’URSS, qui venait d’être disloquée à la suite de la chute du mur de Berlin. La guerre froide étant finie, il fallait au gendarme du monde un autre ennemi, même imaginaire, de quoi alimenter les hauts fourneaux industriels de son industrie militaire et garder toujours en alerte les GI’s. 

Voilà ce que je disais, en 2013, dans un article intitulé « essai de déconstruction du mythe de « choc des civilisations » que j’avais publié sur le site français Agorvox : « La fin de la guerre froide ne pouvait donc qu’engendrer, de la part des penseurs et des intellectuels états-uniens une autre conception du monde qui puisse leur permettre de sauvegarder leur hégémonie économique, politique, militaire et culturelle sur le monde. Il fallait donc, coûte que coûte, créer un ennemi. Mais un ennemi qui fasse consensus au sein de l’opinion publique de l’Occident. Et qui, mieux que l’Islam, pourrait faire ce consensus ? ». 

S’en suivirent alors des guerres en Afghanistan d’abord sous le prétexte que les Talibans avaient soutenus El Qaida à commettre les attentas du 11 septembre 2001. Ensuite ce fut le tour de l’Irak, accusé de posséder des ADM (armes de destruction massive), de faire les frais de cette folie guerrière des Américains. En fait, toutes ces guerres étaient déjà programmées et n’avaient pour but que de provoquer « le chaos constructeur », tel qu’imaginé par les think tanks américains, qui conduirait au morcellement du GMO (Grand-Moyen-Orient.

Graham Allison, un autre intellectuel américain, est revenu sur la question si je puis dire en écrivant, en 2017, un livre sous le titre de « Vers la guerre. L’Amérique et la Chine dans le piège de Thucydide ? » qui renforce encore l’idée que les Américains sont ou plutôt devraient rester sur leur garde pour ne pas faire les frais de ce piège qui s’est répété, semble-t-il, plusieurs fois dans l’histoire.