Une restriction supplémentaire, croient des experts

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Qualifié de « bonne nouvelle » par la vice-première ministre Geneviève Guilbault, le décret « autorisant » les rassemblements de moins de 10 personnes n’est en fait qu’une restriction supplémentaire, selon des experts en droit. Cette « confusion » pourrait même ouvrir la voie à la contestation de centaines de contraventions.

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Le décret, en vigueur au 22 mai, indique qu’en gardant l’obligation de distanciation de deux mètres « dans la mesure du possible », les rassemblements dans un lieu extérieur privé, comme une cour arrière, sont maintenant limités à 10 personnes. 

Or, de tels rassemblements étaient déjà permis sans restriction quant au nombre, font remarquer des juristes consultés par Le Journal. « C’est le cas depuis deux mois ! C’est écœurant. En plus, ils surfent là-dessus politiquement », s’exclame Me Frédéric Bérard.

« Le 20 mars, le décret était clair et net : les rassemblements extérieurs sont interdits, sauf s’il y a une distance de deux mètres. [...] On a ajouté des nouvelles restrictions. C’est plus sévère ! », insiste le docteur en droit.

« Si vous pensez qu’on vous donne des libertés, vous les aviez déjà. On vous les enlève », seconde l’avocat de défense Me Didier Samson, qui regrette aussi le ton de « politique partisane » donné à cette annonce.

Munitions

Le professeur en droit public à l’Université Laval, Patrick Taillon, dénote un « flou » dans la communication des directives, rappelant qu’il faut d’abord se fier au texte de loi ; le propos tenu en conférence de presse, aux yeux de la loi, « ne vaut pas grand-chose ».

« Ça envoie un signal sur la manière dont la norme est perçue et interprétée par la machine. Si la machine va trop loin parce que son interprétation est en décalage avec la vraie règle, ça donne des munitions pour attaquer [la validité des contraventions] », remarque-t-il.

Au 7 mai, plus de 650 constats d’infraction, pour la majorité de 1546 $, avaient été donnés pour des rassemblements illégaux ou le non-respect des règles de distanciation, selon une comptabilisation de Justice Québec. Plus de 1 M$ en amendes a été amassé.

Que ce soit en raison de la proportionnalité de la sanction ou d’une possible imprécision de la norme applicable pour la distanciation, soit une distance de deux mètres, « les chances de contester sont excellentes », résume Me Frédéric Bérard. « Le problème avec ça, c’est que plusieurs vont déjà avoir payé leur contravention, enchaîne-t-il. Il y a certainement des gens qui ont violé le décret du 20 mars. Mais la question, c’est : est-ce qu’ils le respectaient, mais ils se sont fait coller des amendes parce que les policiers étaient mêlés ? »