Gold : critique minée
by Geoffrey CrétéGold, ce soir à 20h40 sur OCS Max !
Matthew McConaughey, dans un nouveau numéro de métamorphose hollywoodienne, cherche de l'or avec Edgar Ramirez pour le réalisateur de Syriana et scénariste oscarisé de Traffic : l'excitation est là. Que Gold, produit a priori estampillé Oscars (les Weinstein sont derrière), soit passé inaperçu, avec une sortie américaine soldée par un échec, inquiète. A juste titre ?
IL EST L'OR
La dernière fois que Matthew McConaughey a cherché de l'or, c'était en 2008 pour L'Amour de l'or, une comédie romantique avec Kate Hudson. A l'époque, bien avant sa renaissance spectaculaire, l'acteur interprète un surfeur musclé qui part à la recherche d'un trésor aux Bahamas avec son ex-femme, pour le réalisateur de Fashion victime et Hitch - Expert en séduction.
Presque une décennie après, un Oscar en poche, c'est une autre histoire. McConaughey a pris une vingtaine de kilos et s'est en partie rasé le crâne pour incarner un anti-héros dans la version noble de l'aventure. Derrière la caméra, la preuve nette d'un virage à 180° pour l'acteur : Stephen Gaghan, scénariste oscarisé du superbe Traffic de Steven Soderbergh, et réalisateur de Syriana. Deux démonstrations de sa capacité à manier les récits denses et polyphoniques, où la petite histoire se mêle à la grande, où le personnage est une fenêtre sur la complexité du monde.
Avec entre ses mains une histoire inspirée par le scandale de la mine d'or de Bre-X Busang, une immense arnaque qui a mis en valeur le caractère grotesque de la bourse spéculative dans les années 90, Gaghan laissait donc espérer un film de haut vol. La déception n'en est que plus grande : Gold est un film tristement raté, incapable d'assembler ses différentes pièces pour former une oeuvre satisfaisante et claire.
L'OR, J'ABHORRE
Que le projet soit passé entre les mains de Michael Mann (il a failli se lancer avec Christian Bale, qui a néanmoins expérimenté le look chauve bedonnant dans American Bluff) n'est pas étonnant : Gold est sur le papier une histoire passionnante et étourdissante dans la jungle verte mais également celle bétonnée de la bourse. De l'humidité de Borneo à la transpiration camouflée des bureaux de Wall Street, cette grande arnaque est un image fabuleuse de l'absurdité du monde et son miroir aux alouettes, qui convoque à la fois le récit d'aventure et le film de braquage. Le matériau est d'une richesse évidente.
Sauf qu'à l'arrivée, il y a un film malade, incapable de trouver une quelconque harmonie. Très loin de la maîtrise narrative de Traffic ou même de Syriana, Gold s'éparpille, s'étale et accumule les scènes et les ellipses, sans faire sens. Le fil conducteur reste trop mince, trop simple, pour créer une vraie dynamique narrative. Matthew McConaughey a beau se lancer avec l'énergie attendue dans son numéro, il n'est pas porté par le film. Sa performance se transforme alors en caricature peu inspirée, la faute à une écriture qui le réduit à sa métamorphose.
Si bien qu'à la place d'une aventure et du suspense, il y a l'impression d'un grand théâtre artificiel et forcé, construit autour de motifs et séquences d'une banalité étonnante. A l'image des scènes téléphonées avec Bryce Dallas Howard, qui occupent ou trop ou pas assez d'espace pour être justifiées au-delà de l'humanisation mécanique et paresseuse d'un homme sinon répugnant.
LES ZOUAVES DE L'OR
Si le film se rattrape grossièrement dans sa dernière bobine avec une conclusion qui ramène l'histoire sur des territoires plus classiques susceptibles de contenter le public, Gold échoue sur l'un des principaux fronts : celui de la soif de l'or qui habite et définit les deux héros. Alors même que l'idée est au coeur de l'histoire, Stephen Gaghan refuse de l'exploiter au-delà d'une simple évidence censée expliquer toutes les décisions et offrir quelques twists. Jamais le film ne s'aventure sur le terrain de cette passion dévorante, absurde et mythique.
C'est pourtant l'évident sujet de cette histoire, et le moteur des plus belles scènes. Notamment lorsque le très bon Edgar Ramirez, dans la froideur des bureaux new-yorkais, se lance dans une tirade sur cette obsession, sur cet or qu'il respire et sent couler sur ses doigts. Là, Gold a un sens.
Ailleurs, il se résume à une très longue errance (deux bonnes heures) qui manque cruellement d'un regard de cinéaste et narrateur ; qui sous-exploite bêtement ce personnage de Mike, pourtant passionnant et interprété par un acteur fantastique ; qui, par peur ou manque d'ambition, n'ose pas s'aventurer au-delà des limites ordinaires. Une déception immense donc, à la hauteur d'un pari ambitieux et d'une équipe talentueuse, réunie pour bien peu.