Distillerie Shefford passe aux mains d'un spécialiste de l'érable
by Nicolas BourcierLa Cabane à Boubou est maintenant propriétaire de Distillerie Shefford, ce qui lui permettra de faire ses premiers pas dans la production d’alcool en ajoutant, entre autres, l’Acerum — une eau-de-vie québécoise à base d’eau d’érable — à sa gamme de produits.
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La Distillerie Shefford continuera ses activités sous la même bannière et maintiendra la vente des produits déjà disponible en SAQ tout en poursuivant le développement de nouveaux produits, assure le cofondateur, Hugo Bourrassa, qui possède l’entreprise avec ses frères, Patrick et Charles.
«On est très excité, principalement parce que ça vient ajouter des produits à notre gamme de produits de sirop d’érable. C’est pas juste l’ajout de la distillerie, mais l’ajout des produits d’Acerum à partir du sirop d’érable selon les recettes développées par Gérald Lacroix et Josée Métivier [les fondateurs de la Distillerie] Shefford)», poursuit-il.
Les Frères Bourassa œuvrent dans la production et la mise en marché du sirop d’érable depuis plus de 20 ans et exploitent annuellement 45 000 entailles pour une production annuelle de 15 000 gallons de sirop d’érable.
C’est en apprenant le procédé de fabrication de l’Acerum qu’ils ont vu une opportunité de mettre leur sirop en valeur.
La demande pour un alcool à base de produits de l’érable était présente, mais Hugo Bourrassa était conscient de l’ampleur de la tâche. «Ça demande beaucoup de temps et beaucoup d’énergie. On n’était pas rendu à se dire qu’on partait à zéro et qu’on développait des produits», explique-t-il.
En achetant Distillerie Shefford, «le défrichage» était déjà fait pour l’Acerum, mais aussi pour le Whisky Tomahawk, en vente principalement sur le marché américain et européen, et une vodka à l’érable, en attente de l’approbation de la SAQ.
Cognac, scotch et Acerum
L’Acerum — qui signifie érable en latin — est un spiritueux élaboré à partir de la fermentation et de la distillation de réduit d’érable.
«Les Écossais ont le scotch, les Français le cognac, les Mexicains le mezcal, les Américains le bourbon... les Québécois ont maintenant l’Acerum», peut-on lire sur le site de l’Union des distillateurs de spiritueux d’érable, qui regroupe la Distillerie Shefford, la Distillerie du St Laurent de Rimouski et le Domaine Acer, au Témiscouata.
Les démarches pour que l’Acerum reçoive le titre d’Indication géographique protégée (IGP), une première pour un spiritueux québécois, sont entamées depuis 2018.
Beaucoup d’efforts ont été mis dans ce projet, indique le cofondateur de la Distillerie, qui tenait à ce que l’acheteur poursuive ce qui avait été commencé. «C’est notre bébé et on y a mis beaucoup d’efforts. La Cabane à Boubou est dans le domaine de l’érable et ça les intéressait de poursuivre ce qu’on a mis en place et c’était très important pour nous. C’est plus émotif que monétaire», admet Gérald Lacroix.
Raisons de la vente
Gérald Lacroix et Josée Métivier sont heureux que «leur bébé» demeure dans la région. La Cabane à Boubou se trouve à seulement 500 mètres de la distillerie, près de l’intersection des chemins Saxby et Denison Est.
«À la base, c’était un projet de préretraite, pour mon épouse et moi, et on n’avait pas anticipé que ça serait autant de travail, raconte Gérald Lacroix. On n’a pas commencé avec le produit le plus facile avec l’Acerum, un produit peu connu, donc les ventes n’étaient pas encore très intéressantes.»
La plupart des distilleries, poursuit-il, commencent souvent avec la conception d’un gin, un produit moins dispendieux à produire et qui connait un certain engouement au Québec.
Par ailleurs, les dernières années ont été assez mouvementées sur le plan personnel, confie M. Lacroix. «On était autant occupé à la distillerie qu’à l’extérieur, donc un moment donné on n’en est venu à la conclusion qu’on était mieux de vendre la distillerie à quelqu’un qui avait le temps de s’en occuper.»
Un nouveau souffle était nécessaire pour que l’entreprise puisse augmenter sa rentabilité.
«On est content de l’avoir vécu et d’avoir rencontré des gens, comme nous, passionnés. Il y en a qui sont devenus des amis», indique Gérald Lacroix.
Contexte réglementaire
Le domaine de la distillation au Québec est régi par un cadre réglementaire qui mériterait, selon M. Lacroix, d’être dépoussiéré. Ces règles complexifient la tâche des distilleries qui souhaitent se développer comme attrait agrotouristique puisque la vente sur place n’est pas rentable, indique Gérald Lacroix.
«La loi de la prohibition de 1921 n’a pratiquement pas été modifiée depuis et les modifications se font au compte-goutte, ce qui fait que le contexte dans lequel évoluent les distilleries au Québec est extrêmement difficile, déplore-t-il. C’est un autre facteur qui a influencé notre décision.»
La vente sur place doit se faire au prix en succursale de la SAQ, avec la part qui lui revient, ce qui n’est pas rentable pour une petite production. Dans les autres provinces, tous les revenus restent dans les poches des producteurs, ce qui leur permet de rentabiliser leurs entreprises et faire des exportations.
«C’est dommage, car le Québec est en déficit commercial pour les spiritueux», avance M. Lacroix.
La Cabane à Boubou compte sur un très large inventaire d’eau d’érable, ce qui permet de réduire les coûts de production et d’avoir la marge nécessaire au développement des opérations, assure Hugo Bourrassa.
«On est confiant qu’il y aura une certaine évolution dans la réglementation qui va nous permettre d’avoir une meilleure rentabilité au niveau des produits vendus, mais on est aussi conscient que ça peut prendre un certain temps.»