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Le premier ministre Justin Trudeau lors de son point de presse quotidienPhoto: Adrian Wyld La Presse canadienne

Ottawa veut offrir dix jours de congé de maladie payés par année à tous les travailleurs

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La bisbille partisane sur les modalités de retour du Parlement à Ottawa en contexte de pandémie fera peut-être des gagnants : Justin Trudeau s’engage à négocier avec les provinces afin d’augmenter le nombre de jours de congé maladie payés auxquels les travailleurs ont droit dans une année. Une facture qui serait d’abord payée par les gouvernements et non les employeurs déjà malmenés par l’arrêt de l’économie.

« Le gouvernement poursuit ses discussions avec les provinces pour faire en sorte que lorsqu’on va commencer la reprise, chaque personne ait dix journées de congé de maladie payé par année, a lancé le premier ministre Justin Trudeau. On va également examiner d’autres mécanismes à plus long terme pour appuyer les travailleurs qui ont besoin d’un congé de maladie. »

M. Trudeau a expliqué que ces congés seront nécessaires à l’automne « quand les gens commencent à avoir des rhumes » et que « la saison de la grippe commence ». « On ne voudrait pas que des gens qui commencent à avoir des symptômes qui pourraient être la COVID-19 soient déchirés » et aillent quand même au boulot par crainte de perdre des revenus. Cela, a dit M. Trudeau, pourrait « contribuer à une deuxième vague ».

Le premier ministre a reconnu que dans un premier temps, il est impensable de demander aux employeurs d’assumer le fardeau financier associé à ces congés. « On est en situation de crise et les entreprises n’ont pas énormément de flexibilité financière. Donc on s’attend à ce que pendant cette crise, ce soit les gouvernements qui en assument une grande partie. Mais quand on sortira de cette crise, ce sera peut-être important d’assurer que tous les travailleurs, quel que soit leur emploi, aient accès à des congés de maladie et on va travailler avec le secteur privé pour s’assurer de ça. »

En vertu du Code canadien du travail, qui s’applique aux domaines tels que les télécommunications ou le transport aérien, les travailleurs ont droit à un minimum de trois jours de congé de maladie payés. Le Code du travail du Québec, qui régit la majorité des travailleurs de la province, place le minimum à deux jours payés. La Prestation canadienne d’urgence (PCU) de 2000 $ par mois peut quant à elle être versée à toute personne perdant ses revenus pendant au moins 14 jours si elle attrape la COVID-19.

Le gouvernement espère avec cette annonce se gagner l’appui du NPD dont il a besoin pour prolonger la période pendant laquelle le Parlement siège en « mode pandémie ». Car le chef du NPD, Jagmeet Singh, estime que les congés actuels ne sont pas suffisants : si quelqu’un ressentant des symptômes décide d’arrêter de travailler en attendant un diagnostic de la COVID-19, mais qu’il n’a finalement pas le coronavirus et revient travailler quelques jours plus tard, il ne sera pas couvert par la PCU.

M. Singh réclame que dans l’immédiat, la PCU ou le programme d’assurance-emploi soient modifiés, et qu’à plus long terme, Ottawa négocie avec les employeurs et les provinces, de qui relèvent les normes du travail, pour imposer plus de congés de maladie payés.

« J’ai confiance que tous les premiers ministres se rallieront à cette idée, a soutenu M. Singh, parce que pendant une pandémie, il est inconcevable que quelqu’un tombe malade et ait à faire ce choix impossible entre aller travailler et infecter ses collègues ou rester à la maison et ne pas savoir comment payer les factures. »

Retour du Parlement

Ces tractations avec les partis politiques ont pour but de convenir des nouvelles modalités de siège du Parlement en contexte de pandémie. La Chambre des communes siège trois jours par semaine depuis le 20 avril, à raison de deux séances hebdomadaires virtuelles et une séance en personne avec un nombre réduit de députés. Mais l’entente instaurant cette formule arrivait à échéance aujourd’hui et nécessitait un accord unanime des partis pour être reportée. Un tel accord n’a pas été possible.

Le gouvernement propose maintenant de siéger, jusqu’au 17 juin, quatre fois par semaines, en mode hybride : des députés pourraient être présents en personne tandis que d’autres participeraient par vidéoconférence grâce à des écrans placés dans l’enceinte de la Chambre des communes. De plus, les libéraux proposent quatre séances pendant juillet et août au cours desquelles les sujets pouvant être abordés ne seraient plus limités à tout ce qui touche à la pandémie.

Cette proposition n’a besoin que de l’appui d’un parti pour entrer en vigueur. Le gouvernement compte sur le NPD car les négociations n’ont pas été possibles avec le Parti conservateur et le Bloc québécois.

Le Bloc québécois, qui avait servi d’allié au gouvernement à deux reprises précédemment pour fixer l’organisation des travaux du Parlement, a cette fois-ci refusé de participer aux pourparlers. Car les libéraux n’ont pas donné suite aux promesses qu’ils avaient faites au parti, a dénoncé le chef Yves-François Blanchet. « La réponse du fédéral, ça a été « Non » à nos demandes. Tout simplement. Le gouvernement a désavoué ses propres engagements en refusant d’y donner suite, pour les raisons qui sont que ça serait trop compliqué », a relaté M. Blanchet lundi.

Le gouvernement s’était engagé à modifier la PCU et son équivalent pour étudiants (PCUE) pour y ajouter des incitatifs au travail. Le Bloc aurait aimé permettre aux prestataires de gagner plus que 1000 $ par mois avant de perdre leur prestation. Les libéraux n’ont cependant pas agi en ce sens. Le Bloc réclamait aussi que l’aide aux aînés soit bonifiée et que les entreprises aient droit à un crédit d’impôt pour couvrir une partie de leurs frais fixes. Aucune de ces demandes n’a obtenu de suite. Le Bloc québécois n’a pas pour autant l’intention d’empêcher les autres partis de s’entendre pour que la Chambre siège de façon hybride pour les quatre prochaines semaines. « Si les trois partis sont d’accord pour quelque chose en termes de règles parlementaires, puisque pour nous ce n’est pas la priorité, on ne l’empêchera pas », a assuré M. Blanchet.

Des subventions déplacées

M. Blanchet a profité de l’occasion pour dénoncer la décision du Parti libéral du Canada (PLC), du Parti conservateur du Canada (PCC), du NPD et du Parti vert de réclamer la subvention salariale fédérale afin de financer le salaire de leurs travailleurs partisans. Selon lui, le PLC et le PCC font preuve d’une « horrible malhonnêteté » puisqu’ils ont chacun récolté des millions de dollars en dons pendant le premier trimestre de 2020 seulement et n’ont donc « pas à mettre du monde à pied ».

« Je pense qu’il est important que les Québécois et les Canadiens réalisent le cynisme que les deux plus riches partis politiques au Canada, qui ont levé des millions au début de l’année, disent "On va mettre la main dans le sac un petit peu". Je trouve ça épouvantable. »

Déjà, les deux meneurs présumés de la course à la chefferie du Parti conservateur, Erin O’Toole et Peter Mackay, se sont insurgés de la demande placée par leur formation politique et ont pris l’engagement de rembourser la subvention s’ils sont élus chef. Justin Trudeau, en tant que chef du Parti libéral, a refusé de prendre un tel engagement. Questionné à plusieurs reprises par les journalistes sur l’à propos de permettre aux formations politiques de réclamer cette subvention, M. Trudeau a plaidé qu’il fallait aider les travailleurs dont « la famille dépend » du chèque de paye, indépendamment de la nature de leur employeur.

De son côté, Jagmeet Singh a plaidé que c’était mieux de procéder ainsi que de congédier les travailleurs et les forcer à retirer de la PCU. La subvention salariale est toutefois plus généreuse, couvrant 75 % du salaire jusqu’à 847 $ par semaine contre 500 $ pour la PCU. Il a promis que le NPD verserait à ses employés la balance de 25 %.

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