Municipales à Paris: la macronie plonge dans le chaos après le retrait de Griveaux
La République en marche doit désormais trouver un autre candidat. Le casse-tête durera tout le week-end
by Nathalie SegaunesPour la macronie, le massacre de la Saint-Valentin a eu lieu à Paris en 2020… Le camp présidentiel a perdu son candidat dans la capitale du pays. Benjamin Griveaux a annoncé vendredi qu’il se retirait de l’élection, suite de la diffusion de vidéos privées à caractère sexuel.
Accompagnées de messages adressés à une femme, celles-ci sont apparues 48 heures plus tôt sur un site pornographique créé par un artiste russe, Piotr Pavlenski. Jeudi en fin de journée, l’article dont l’ancien porte-parole du gouvernement fait l’objet est largement relayé sur les réseaux sociaux. Dans la soirée, la tempête monte. « Un site internet et des réseaux sociaux ont relayé des attaques ignobles mettant en cause ma vie privée, déclare vendredi matin Benjamin Griveaux, face caméra. Ma famille ne mérite pas cela. Personne, au fond, ne devrait jamais subir une telle violence. »
Depuis des semaines, sa campagne était devenue un enfer : annonce de la candidature dissidente de Cédric Villani en juillet, publication d’une « conversation privée » dans Le Point, dans laquelle le porte-parole traite d’« abrutis » ses rivaux, propositions largement critiquées voire moquées sur la gare de l’Est ou l’aide à l’achat d’un logement, bad buzz sur divers sujets… Dans son équipe, le moral, avant même la diffusion de la vidéo intime, était au plus bas. « Tout le monde est lucide et a intégré la défaite, témoignait un membre de l’équipe. Benjamin, lui, s’est muré dans le silence. »
Trois scénarios. En jetant l’éponge, le candidat macroniste a plongé son camp dans le chaos. Le parti présidentiel, arrivé largement en tête à Paris à la présidentielle et aux législatives en 2017, puis aux européennes de 2019, n’a plus de leader, à quatre semaines du scrutin.
Quelle suite donner à ce coup de tonnerre ? Deux réunions se sont tenues vendredi au siège de La République en marche, rue Sainte-Anne, la première avec les parlementaires et dirigeants du mouvement et des partis partenaires (MoDem, UDI, Parti radical), la seconde avec les référents d’En Marche!. L’état-major de la campagne parisienne est accompagné dans cette course contre la montre par les deux présidents de la commission nationale d’investiture, Alain Richard et Marie Guévenoux, tandis qu’en coulisses, Jean-Marie Girier, collaborateur de Richard Ferrand à la présidence de l’Assemblée nationale, faisait le lien avec Emmanuel Macron, en déplacement en Allemagne vendredi. Une troisième réunion avec les mêmes participants que la première était convoquée pour vendredi soir afin de continuer à déblayer la situation.
Trois scénarios sont sur la table face à eux. Le plus improbable est l’arrivée d’un « poids lourd » de l’extérieur venant relever le drapeau de LREM dans la capitale. Mais dès la matinée, la ministre Agnès Buzyn, qui devait un temps s’engager dans le XVe arrondissement, et la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa, numéro deux sur la liste Griveaux dans le XIVe, ont mis à mal cette hypothèse : elles ont affirmé qu’elles ne souhaitaient pas être candidates.
« Poste à poste ». Un deuxième scénario, plus solide, serait un remplacement « poste à poste » de la tête de liste par une candidature en interne d’un élu parisien, député ou maire d’arrondissement. Mounir Mahjoubi, ancien candidat à la candidature, finalement rallié à Cédric Villani, ayant ensuite rejoint Benjamin Griveaux, s’est dit « disponible » vendredi après-midi. « Beaucoup de marcheurs me demandent d’être candidat mais le candidat ne sera pas que celui d’en Marche », a déclaré officiellement le député du XIXe arrondissement. « Les gens de la campagne aiment bien l’idée Mounir », croit savoir un rouage de la majorité.
Dans cette catégorie, dès jeudi soir, le nom de Delphine Bürkli, maire du IXe venue de LR, circulait. Cette quadra connaît bien les dossiers parisiens et a été la première maire d’arrondissement à s’afficher avec Benjamin Griveaux, en 2018. Mais elle n’est pas membre de La République en marche, ce qui est un handicap. Julien Bargeton figure également sur la liste. Ex-adjoint aux Finances d’Anne Hidalgo passé dans le camp macroniste, il s’était au printemps dernier porté candidat à la candidature avant de rallier Benjamin Griveaux.
Dernier scénario envisagé, celui d’un «rapprochement » avec le dissident Cédric Villani. Compliqué au plan matériel (les professions de foi, affiches… doivent être déposées en préfecture au plus tard le 24 février) et financier (le risque de dépassement des comptes de campagne n’est pas à exclure), ce schéma est également difficile à envisager sur le plan politique et humain. La rivalité entre les deux hommes, Griveaux et Villani, a laissé des traces entre leurs équipes et les fusions de liste seraient sans doute douloureuses. Dans sa réaction sur Twitter, quelques minutes après le retrait du candidat officiel, le dissident a en tout cas soigné ses mots. « J’adresse à Benjamin Griveaux mon soutien plein et entier dans cette épreuve. Je prends acte de sa décision difficile. L’attaque indigne qu’il subit est une menace grave pour notre démocratie », a-t-il écrit.
Solution de compromis? Certains évoquaient le nom du député de Paris Hugues Renson, qui proposait récemment de jouer les casques bleus entre Griveaux et Villani, pour faciliter ce scénario délicat, visant à ce qu’il n’y ait qu’une seule candidature de marcheurs à Paris.
Temps compté. La République en marche et, bien sûr, Emmanuel Macron vont devoir vite trancher car le temps presse. Beaucoup espéraient une décision au plus tard dimanche soir ou lundi matin, qui serait validée par le bureau exécutif de LREM lundi soir.
Anne Hidalgo et Rachida Dati sont pressées elles aussi de connaître l’identité de leur nouvel adversaire. L’une et l’autre ont réagi au retrait de Benjamin Griveaux. « J’appelle au respect de la vie privée des personnes, des familles. Evidemment, ce n’est pas digne du débat démocratique que nous pourrions avoir. Il faut permettre aux Parisiens en toute liberté de choisir le projet qui correspond le mieux à leurs aspirations », a dit la maire PS de Paris, qui a perdu là son meilleur ennemi. « C’est toujours désagréable de ne pas maîtriser les choses et d’être spectateur », confiait son directeur de campagne, Emmanuel Grégoire.
La candidate LR, qui se disputait avec Benjamin Griveaux l’électorat de droite et du centre, a signé un communiqué laconique. « Les Parisiens méritent une campagne apaisée et digne à la hauteur des enjeux majeurs pour l’avenir de Paris », s’est-elle contenté de déclarer. « Dans cette affaire, Rachida Dati y gagne, surtout si c’est un profil très à gauche comme Mounir Mahjoubi qui est choisi », estime un membre de la majorité.