Insultes, menaces, agressions… Quand la campagne des municipales vire au pugilat
by Arnaud d'HuartÀ droite comme à gauche, les violences verbales et physiques visant les candidats se multiplient dangereusement. Petite recension des faits divers les plus spectaculaires.
À un mois du premier tour des élections municipales, on ne compte plus les candidats qui se plaignent d’avoir été agressés en raison de leur programme politique. L’un d’entre eux, Midiar Boinaïdi Djadjou, candidat SE à Mayotte, se trouve actuellement entre la vie et la mort après avoir été violemment tabassé à la sortie d’une réunion publique. Encerclé par une vingtaine de voyous, il a reçu une boule de pétanque dans le dos puis été frappé à coups de pied. « Ce n’était pas beau à voir, je ne l’ai pas reconnu. Il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment », a déclaré son concurrent politique.
Gautier Weinmann, candidat LFI à Leforest, dans le Pas-de-Calais, a lui carrément décidé de retirer sa candidature après avoir reçu des coups au visage en amenant ses enfants à l’école. La veille, il avait déjà été menacé par ses agresseurs, alors qu’il déjeunait avec sa femme, et deux semaines auparavant, il s’était fait arracher les tracts qu’il distribuait devant une résidence. « C’est dommage qu’on ne puisse pas vraiment défendre ses idées, et qu’on soit attaqué en tant que personne à ce point-là », a-t-il déclaré dans une interview sur CNews.
Le maire de la ville, Christian Musial, a immédiatement dénoncé cet acte de violence. Une autre candidate a, elle aussi, insisté sur la gravité des faits : « On parle quand même de politique, donc autant de violence pour de la politique, justement ça se condamne. » Des habitants interviewés par CNews n’ont pas hésité, enfin, à exprimer leur ressenti : « On sent qu’il y a quand même une très grosse tension, de par le gouvernement et sa politique, et les gens sont sous tension pour un rien. »
Un autre candidat à la mairie de Vauvert, dans le Gard, Bruno Lebeau, ancien membre du Parti socialiste, s’est fait, quant à lui, interpeller par une femme à propos de sa campagne électorale et agripper par le col, par un homme dans une épicerie. Le candidat a d’ailleurs relaté son récit sur Facebook : « Un individu de type “gros bras et tatoué de partout” a déboulé dans l’épicerie, est venu vers moi, affirmant, dans un flot de grossièretés, que j’avais “insulté” l’autre membre de son club de danse – ce qui d’ailleurs ne manquait pas de piquant vu les insultes qu’il proférait lui-même, et qui, évidemment, et témoins à l’appui, était totalement faux -, finissant par me saisir violemment par le col et menaçant de me frapper, devant ma femme, mes enfants, quelques clients du magasin et le commerçant. » Le candidat a fini par demander une protection policière au préfet.
A Toulouse, c’est Quentin Lamotte, candidat RN à la marie, qui a été violemment pris à partie alors qu’il faisait compagne sur le marché de Cristal avec les membres de son parti. Certains ont été bousculés et molestés, d’autres ont été blessés, le matériel a été arraché et détruit sous leurs yeux… Des militants appartenant à des listes de gauche se sont joints aux antifa pour mettre fin à la campagne du Rassemblement national. Le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, lui-même LR, avait déjà vu son discours perturbé par des manifestants et des gilet jaunes lors de ses vœux, en janvier.
La liste des faits divers semble sans fin. À Nantes, un individu s’est invité dans une conférence tenue par la députée LREM, Valérie Oppelt, et l’a menacée, elle et son équipe. En Seine-Maritime, un collaborateur de la députée LREM, Sira Sylla, a été lui aussi brutalisé. Un autre candidat LREM à la marie d’Evreux, Guillaume Rouger, a constaté sur sa permanence la présence de tags nazis (« Le Reich en marche », logo des LREM écrit de manière à former des croix gammées, etc.).
Quand ce ne sont pas les candidats, c’est leur matériel de campagne qui est visé. La députée LREM, Sonia Krimi, candidate à Cherbourg, dans la Manche, a ainsi découvert une croix gammée quand ses affiches n’étaient pas déchirées. « Systématiquement, les affiches sont arrachées au niveau de mon visage, masquées par un tag ou les yeux crevés. C’est épuisant… », a-t-elle confié à Ouest-France.
Les agressions plus violentes deviennent de plus en plus courantes dans le cadre des élections municipales. Chaque année, près de 400 maires sont victimes de violences physiques. François Baroin, président de l’association des maires de France (AMF), a demandé à la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, de renforcer les liens entre le parquet, et les représentant politiques. Des tensions qui semblent inquiéter le gouvernement. « Cette élection sera politiquement difficile, car certains essaieront de tendre le débat, voire de l’empêcher », a affirmé Édouard Philippe, qui a déjà lancé sa campagne au Havre.
« Il y a une colère diffuse. L’état de la société a de quoi inquiéter », a ajouté la secrétaire d’État chargée de l’Égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, qui s’est faite huer lors d’une récente réunion politique consacrée à sa candidature, à Paris. « Les élections municipales n’avaient pas été, jusqu’à présent, le théâtre de tels actes », reconnait l’historien Jean Garrigues dans une interview au Figaro. « Ce phénomène est évidemment lié à la crise des “Gilets jaunes”. Laquelle a agi à la fois comme un révélateur de tensions accumulées par des populations en dehors du jeu politique. »